Réflexions sur le choix d'un Leader

Plus les individus sont nombreux à vivre ensemble, plus la lutte pour la vie est intense. Ainsi s’opère une «différenciation sociale» qui est en fait la solution pacifique de la lutte pour la vie. Au lieu d’éliminer certains pour que les autres survivent, comme cela se produit dans le règne animal, la «différenciation sociale» permet à un plus grand nombre d’individus de survivre en se différenciant.

On cesse, alors, d’être en compétition et chacun tient son rôle en remplissant une «fonction». Ainsi les individus n’étant plus semblables nul besoin n’est de les éliminer puisque chacun contribue, par un apport qui lui est propre, à la vie de tous.

Seulement les besoins et les motivations des individus ne peuvent pas, toujours, cadrer avec les exigences de la normalité sociale qui va à l’encontre de leur diversité biologique. Les difficultés d’adaptation et plus généralement le caractère opaque du comportement humain font que, souvent, l’individu entretient des rapports d’indépendance avec la société.

De l’Autorité

L’organisation de la vie sociale n’est possible que si l’on se soumet à une autorité légitime.
 
 Dans les organisations sociales traditionnelles, la domination est légitimée par les usages et les coutumes. Le système monarchique l’illustre bien. En effet la croyance au droit divin de la famille régnante légitime l’accession au trône de l’aîné de leur fils.

Le charisme peut être, aussi, le fondement de l’autorité quand un personnage fascinant sait s’attirer des fidèles qui croient en ses pouvoirs mythiques, magiques, divins ou simplement extraordinaires.

Les leaders charismatiques sont souvent à l’origine de mouvements politiques (les leaders du mouvement national : Bourguiba, Mongi Slim, Bahi Ladgham, Hédi Chaker, Ali Belhaouane…) ou religieux.

C’est une forme d’organisation instable, soumise aux aléas de la popularité et du prestige du chef.
Les fondements de l’autorité dans les sociétés modernes sous-tendent l’idée de démocratie et d’une organisation formelle. C’est la loi et les règlements qui légitiment l’autorité. Les représentants du peuple sont élus sur la base d’une appréciation rationnelle de leurs aptitudes, de leurs mobiles et de leurs expériences.

Dans les sociétés modernes la «différenciation sociale» est la condition créatrice de la liberté individuelle. Ceci suppose que la conscience collective (partager les mêmes valeurs, reconnaître le même sacré…) de la société perde, un tant soit peu, de sa rigidité. Quid d’une société partagée entre des laïcs modernistes et des adeptes de l’Islam politique!

Ainsi le problème majeur qui va se poser au lendemain des élections est de maintenir un minimum de conscience collective pour éviter la désintégration sociale de notre société. Sachant qu’il y a une part considérable de conscience collective dans les consciences individuelles.
 
Les psychologues de la dynamique des groupes se sont intéressés à la complexité de la base de l’autorité par une illustration.

Un avion s’écrase au Sahara. Seul le copilote, une hôtesse de l’air et un passager fort physiquement survivent. Qui aura la responsabilité de la survie du groupe ? Sur quelles bases se fera le choix de l’autorité (La connaissance des conditions de survie au Sahara, le charisme, la force…)?

Probablement le chaos et la désorganisation régneront dans un premier stade avant que la discussion de groupe ne révèle qu’il faut arriver à un consensus pour le choix de la base de l’autorité.

Il me plaisait, lors de mes cours sur les Théories des Organisations de le transposer sur le plan politique. En effet, au lendemain de la grande guerre la plupart des dirigeants du Tiers-monde avait du charisme à l’instar de Bourguiba, Abdennaser,Gandhi, Tito…Le règne «de la force» des dictateurs, long et pénible, a suivi dans la plupart de ces régions et je concluais sur une note optimiste «l’autorité purement rationnelle verra, sans conteste, le jour dans un nouvel environnement politique, économique et social.
 
Il en ressort que:

• Les rapports d’indépendance qu’entretient l’individu avec la société sera en rapport avec le taux d’abstention
• Les choix fondés sur le charisme des candidats peuvent nous amener à une forme d’organisation instable soumise aux aléas de la popularité et du prestige du chef sans compter que des personnages fascinant sachant attirer des fidèles qui croient en ses pouvoirs mythiques, magiques…aboutit à l’embrigadement de  jeunes. La Tunisie compte trois mille «djihadistes». Ce chiffre nous interpelle tout autant que la dispersion de notre élite à travers le monde, les rebuts de l’école, la marginalisation, la démission de parents avec son lot de divorce et partant de déstructuration sociale.
• Les engagements pris par les candidats aux élections sont-ils réalisables? Le choix des électeurs devrait tenir compte de deux éléments.

1- La société est-elle préparée aux changements proposés?
2- Ont-ils tenu compte de l’importance de l’action syndicale, des divers lobbyings et surtout du poids des entreprises impliquées dans le processus électoral

• Le choix des représentants du peuple se fait théoriquement sur la base d’une appréciation rationnelle de leurs aptitudes, de leurs mobiles et de leurs expériences.

En conclusion  pour éviter la désintégration sociale de notre société au lendemain des élections il nous faut arriver à partager les mêmes valeurs, à reconnaître le même sacré…et concilier les laïcs modernistes et les adeptes de l’Islam politique ! Je pense que le «temps du partage» est en relation étroite avec le « temps économique» et que le développement économique devra se substituer à la croissance effrénée que nous avons vécue avec son lot d’inégalités et de discriminations. Ainsi la Tunisie à deux vitesses deviendra une et  indivisible.

Badie Ben Ghachem
Ex Banquier, retraité de l’Enseignement Supérieur