News - 17.12.2018

Dr Adnene Fhima : De Msaken au cœur de la forêt sud africaine

Dr Adnene Fhima: De Msaken au cœur de la forêt

Coopérant, fils de coopérant, Dr Adnene Fhima, médecin en Afrique du Sud, perpétue ce qui est désormais devenu une tradition familiale. Son père, enseignant, était déjà parti en Arabie Saoudite où, sous la bannière de l’Agence tunisienne de coopération technique, il avait été affecté à Khemis Mushait. Encore enfant, Adnene l’y accompagnera, puis retournera à sa ville natale de Msaken pour y poursuivre ses études. Ecole primaire Ettahrir, lycée technique et le voilà à la faculté de Médecine de Sousse, avec comme doyen notamment le Pr Abdelkrim Zbidi, l’actuel ministre de la Défense nationale.

Internat (2003). Adnene rencontre sa moitié, Zeineb Gharbi, de Msaken comme lui, jeune comptable diplômée de l’ISG Sousse. Thèse (2005). Faute de recrutement dans la Santé publique, il s’installe en cabinet de libre pratique privée dans la toute proche ville de Messadine avec Dr Hichem Chihi. En même temps, il a été embauché pour quelques postes de délégué médical.

En 2007, le foyer d’Adnene et Zeineb est égayé par la venue de son premier enfant Yessine, âgé aujourd’hui de 11 ans et demi. La vie est belle au Sahel, sauf que l’appel de l’expatriation se fera plus fort.

En fait, le climat général dans le pays commençait à peser lourd au jeune couple. Lorsqu’il apprend que l’Afrique du Sud se propose de recruter des médecins tunisiens, il n’hésite pas, d’un commun accord avec son épouse, à postuler. Le premier groupe était déjà parti en décembre 2007. Il se prépare pour faire partie du dernier départ en septembre 2008. Sans jamais le regretter depuis lors.

« En prenant l’avion, en ce mois de septembre 2008, avec Zeineb, enceinte de 7 mois de notre fille syrine (âgée aujourd’hui de 10 ans), et notre fils Yessine, âgé de 1 an 3 mois à l’époque, on n’avait pas une idée précise, tout comme nos confères de cette même aventure, du lieu où on se rendait au juste et ce qui nous y attendait, dit-il à Leaders. Après un long voyage jusqu’à Johannesburg, nous reprenons un autre vol pour la province du Limpopo, située dans l’extrême nord-est du pays. De là, nous sommes conduits à Mecklenburg, au milieu de nulle part. Un tout petit village où il y a juste un hôpital de campagne, un poste de police et un tribunal. C’était magnifique bien que ce fût dur»

Omnipraticien

«Quand on est médecin de campagne, encore plus en Afrique du Sud, poursuit Dr Fhima, on est omnipraticien. Chaque jour, je n’enchaîne pas moins de 60 consultations, avant de rejoindre le bloc opératoire. Seul face aux patients, on doit se charger de tout : la consultation, l’exploration et l’intervention chirurgicale, avec en plus l’anesthésie-réanimation. Gynécologue obstétricien, il est également cardiologue et autre spécialiste. Pourquoi prendre tant de risques ? Parce que le devoir l’exige et la conscience nous y oblige. A voir les patients souffrir, sans la moindre autre chance que de trouver secours auprès de vous, puis à apercevoir cette lueur de bonheur qui soudainement éclairera leur regard et celui de leur proche, vous y puiserez une source inépuisable de réconfort.»

«C’est là une expérience exceptionnelle à laquelle les médecins tunisiens n’étaient pas spécialement dédiés, nous dit Dr Fhima. Mais, la qualité de la formation acquise et des stages d’internat nous y préparent utilement. Patients et autorités le reconnaissent et l’apprécient.»

En quatre ans dans ce coin perdu, au milieu d’une nature cependant exceptionnelle, Dr Fhima aura fait le tour de la question. Une superbe fille est venue tenir compagnie à son frère Yessine et égayer le foyer et avec le temps qui passe si vite, c’est le moment d’aller changer d’air et penser à la scolarité de ses enfants. En septembre 2012, il obtient sa mutation à Tzaneen, toujours dans la même province, à 400 km au nord de Johannesburg. C’est quasiment une petite ville, une agglomération urbaine de près de 15.000 habitants. Outre la consultation, Dr Fhima assurera les fonctions de chef de maternité et accède au titre de Médecin grade 3, le grade le plus élevé. Et a nouveau le foyer du Dr Adnene est égayé par la venue de sa deuxième fille Hanine (âgée de 5 ans maintenant).

Très loin, très près

«Le climat est merveilleux, poursuit Dr Fhima : un véritable paradis tropical, et une température proche de celle de la Tunisie, l’humidité élevée en plus. L’été culmine à 40° et l’hiver, froid et sec, s’affiche à 5°. La famille s’y plaît. Les loisirs, simples et écologiques, ne manquent pas. Sorties, barbecue et soirées entre amis. Les familles tunisiennes les plus proches sont à 150 - 200 km, mais avec des autoroutes si bien construites, le trajet est vite parcouru. Notre compatriote Dr Saber Sobhi est à Ackernhoek, à 150 km, et le Dr Fayçal Laouini, spécialiste en tuberculose résistante, installé à Mokopane, est à 200 km de chez nous. Six autres médecins tunisiens sont dans le même rayon. Parfois, pendant le ramadan, on n’hésite pas à se rendre visite pour prendre l’iftar en commun, puis rentrer dans la soirée».

«Et puis, ajoute-t-il, il y a la télévision tunisienne avec son foisonnement de chaînes variées. Avant, lors de notre arrivée, il était bien difficile d’en capter une par satellite. Mais, depuis 2013, et grâce à l’IPTV, on les reçoit toutes. Quant à la radio, elle est disponible sur Internet. On vit à l’heure tunisienne, comme si on était au pays. Les réseaux sociaux assurent en outre une connexion directe. Des parents et amis viennent aussi nous voir de Tunis ou d’autres pays pour passer auprès de nous d’agréables séjours.»

Une bonne rémunération, mais des coûts de scolarité élevés

Le sujet n’est pas tabou. Un médecin tunisien peut gagner entre 10.000 et 16.000 DT par mois. C’est le double effet du cours du rand, la monnaie locale, d’un côté, et de la dépréciation du dinar, de l’autre.

Cette rémunération peut paraître très attractive, mais il faudrait la pondérer par le coût de la vie sur place. Si le logement est fourni au sein de l’hôpital ou dans ses résidences, il faudrait payer un forfait mensuel. Mais, ce sont les frais de scolarité qui sont élevés : compter 900 à 1.000 D par enfant par mois. La couverture médicale absorbe 1 000 D par famille par mois. L’assurance voiture vous coûte 300 D par mois... Quant aux denrées alimentaires, un kilo de viande se paye entre 20 et 30 D et un litre de lait 2.5 D. Avec une bonne gestion, on peut s’en sortir et constituer des économies.

Rester ou rentrer?

La grande question qui hante Dr Fhima, comme ses autres confrères tunisiens affectés en Afrique du Sud, est leur propre avenir professionnel. L’accord de coopération technique arrivera à échéance en 2020 et risque de ne pas être prorogé, pour des raisons essentiellement budgétaires. Déjà, les billets d’avion institués annuellement ne sont plus systématiquement octroyés.

Rester en Afrique du Sud : dans quel cadre et avec quel statut? Rentrer à Tunis : pour quoi faire ? Les difficultés de la réinsertion au pays natal, après 10 ans d’expatriation, dans un environnement tout à fait différent ne manquent pas. Il y a d’abord la scolarité des enfants déjà engagée en langue anglaise, mais aussi la reprise de l’activité médicale, dans le privé ou le public, selon les cas.

En attendant la décision finale qui sera prise par les autorités des deux pays, la vie coule douce parmi des patients très attachés à leurs médecins tunisiens.

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