News - 08.12.2019

Journées de l’Entreprise - Wided Bouchamaoui : l’avènement d’une nouvelle mentalité

Journées de l’Entreprise - Wided Bouchamaoui : l’avènement d’une nouvelle mentalité

Pourquoi des jeunes se mettent-ils à « casser » ? S’ils avaient appris « à bien aimer leur famille, leurs voisins, leur pays », ces jeunes ne seraient certainement pas devenus des casseurs ou des voleurs… Cette réflexion m’est venue à l’esprit quand j’ai tendu l’oreille pour écouter les premières paroles de Wided Bouchamaoui. Et je suis resté cloué sur ma chaise pour continuer à l’écouter attentivement lors de cette dernière matinée de débats organisés à l’occasion de la 34e conférence de l’IACE, le 7 décembre, à Kantaoui-Sousse (Journées de l’Entreprise).

Wided Bouchamaoui, 58 ans, a gardé cette « flamme » de jeunesse. Elle qui a grandi dans un village à 5 km de Gabès, Bouchama. Elle qui a travaillé comme tous les autres, avant de devenir ce qu’elle est aujourd’hui, une « cheffe d’entreprise » (SVP, ne lui dites pas « femme d’affaires », elle se vexera). Elle avait l’avantage d’avoir un père encore plus travailleur qu’elle, patron d’une petite entreprise de bâtiment au début des années 1960, devenir « bâtisseur » d’entreprises. Et de ce père entrepreneur, coriace, téméraire, chanceux, elle a recueilli le savoir-faire, l’éducation. Elle a appris la leçon et elle a fondé sa propre entreprise pour faire des fils de coton en 1994… Le groupe Bouchamaoui a entre temps grandi et s’est diversifié. La famille qui le dirige est unie. D’autres enfants de riches auraient pu « mal tourner », mais pas Wided en particulier, puisque c’est d’elle que je parle aujourd’hui.

Devant ses confrères et ses consœurs, elle a dit des mots justes : « Ce qui a manqué à la Tunisie, c’est de miser sur le capital humain. » Nuance : ce n’est pas le capital humain qui manque, c’est sa mise en valeur, sa formation, son émancipation…

« J’ai vu des écoles dans un état déplorable. » Un état qui décourage tant les profs que les élèves… Avec l’accord de mes collègues de l’Utica (Union patronale qui regroupe quelque 150 000 entreprises, hors tourisme et secteur financier) – dont elle a pris la direction en mai 2011 –, j’ai pris l’initiative de proposer aux autorités de réhabiliter un certain nombre d’écoles prioritaires. La haute administration mettra du temps pour lui répondre. Elle aura enfin une liste en 2015… avec l’arrivée du ministre de l’Education, Néji Jalloul. Trois millions de dinars seront ainsi versés par l’Utica dans un effort ponctuel de réhabilitation de quelques écoles. Une goutte d’eau. Mais si tous les riches faisaient pareil, si l’Etat faisait son devoir, l’éducation ne serait pas aujourd’hui dans un état toujours lamentable en ville comme dans les campagnes.

Il faut, martèle Wided, inculquer aux jeunes l’histoire de leur pays, leur apprendre les valeurs de respect, l’amour du travail. « De mon temps, l’école était le centre de tout. Des enfants de pauvres et enfants de riches pouvaient faire ensemble une excursion ou participer à une activité de club. Nous n’étions pas délaissés. Nous nous connaissons les uns les autres. Nous nous aimions. Cette Tunisie là a disparu ! »

Aujourd’hui, nous voyons des jeunes – faire comme leurs parents – jeter des mégots par terre, griller un feu rouge, traverser la chaussée n’importe comment… C’est une autre mentalité. Le signe d’un début de décadence.

Mais, conclut Wided, la Tunisie a encore des compétences ici et partout ailleurs dans le monde. Les Tunisiens sont capables de s’adapter, de s’acclimater avec l’environnement où ils vivent. Lorsqu’ils sont à l’étranger, ils se comportent dignement. Dès qu’ils franchissent le « seuil » d’un consulat tunisien ou qu’ils reviennent, ils se retransforment dans le mauvais sens du terme…

Comment sortir de cette « azma akhlaquiya » (crise morale) ? « Nous avons beaucoup de jeunes comme Ela Ben Saad (qui est intervenue au début de ces Journées, le 6 décembre). Nous pouvons réussir avec rien du tout… »

A une condition : que les « politiques » s’y mettent pour combler le « gap » qui les sépare des jeunes pour qu’enfin les « mentalités » commencent à changer en bien et à tous les niveaux de la société. C’est un défi primordial.

Samir Gharbi

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