News - 18.03.2018

Fake news : Une loi spécifique est à adopter en Tunisie

Une loi spécifique est à adopter

Le ministre de la Justice, Ghazi Jeribi, en est convaincu. «C’est la démocratie qui est particulièrement menacée par les fake news, déclare-t-il à Leaders. En pleine campagne électorale, cite-t-il en exemple, une attaque lancée contre un candidat est capable de compromettre toutes ses chances. Le temps de porter plainte et d’obtenir gain de cause, le scrutin est perdu. Les textes et procédures en vigueur doivent évoluer pour prendre en charge ce nouveau contexte. Un projet de loi spécifique est nécessaire à élaborer et à faire adopter, dans le respect absolu cependant de la liberté d’expression.»

Le gouvernement est sur le point de finaliser un projet de loi relatif aux crimes électroniques. Mais, cela n’a rien à voir avec les fake news. Il concerne plutôt les attaques cybernétiques, le hacking de comptes bancaires, l’intrusion dans des systèmes informatiques et autres crimes. Le texte que Leaders a pu consulter ne renferme aucune disposition spécifiquement efficace à l’égard des grands réseaux sociaux, tels que Facebook.

En France, le président Emmanuel Macron, soucieux de lutter contre les fake news, avait annoncé début janvier devant la presse sa décision de faire aboutir une loi spécifique. La concrétisation n’a pas tardé. Il ne s’agit pas d’une simple modification de la célèbre loi du 8 juillet 1888 qui encadre le droit de la presse, mais d’une nouvelle «loi de fiabilité et de confiance de l’information» qui ne définit pas la fausse nouvelle, mais porte sur les tuyaux et les canaux de diffusion des fausses nouvelles. Elle cible deux vecteurs, à savoir le numérique au sens large, notamment les réseaux sociaux (Facebook...) et les sites de partage de vidéo (Youtube...), ainsi que les médias sous influence d’un Etat étranger.

Benchmarking

Bien que préparé par le gouvernement, sous la férule de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, le texte est introduit à l’Assemblée par un député de la majorité en tant que proposition de loi. Il porte sur trois grandes dispositions. La première, relative à l’audiovisuel, permettra au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de suspendre et même de révoquer la convention d’un média (autorisation) sous influence étrangère. Les plateformes numériques sont concernées par la deuxième disposition. Au cours des périodes tombant sous le coup de la loi, les Facebook, Twitter, Youtube et autres doivent obligatoirement publier pour chaque information sponsorisée le nom du sponsor et le montant alloué. Ces indications seront suivies de près. La troisième disposition donnera aux citoyens la possibilité de saisir la justice en référé pour faire cesser «la diffusion massive et artificielle d’une fausse nouvelle» Il appartient au juge des référés de qualifier qu’une nouvelle est fausse et d’ordonner son retrait avec les conséquences qui en découlent.

En Allemagne, une nouvelle mesure (NetzDG), entrée en vigueur le 1er janvier dernier, sanctionne à hauteur de 50 millions d’euros les réseaux sociaux qui ne suppriment pas les publications haineuses ou les fake news. En Grande-Bretagne où une suspicion d’ingérence étrangère (russe) lors du référendum sur le Brexit en juin 2016 est sous enquête, le gouvernement de Theresa May a annoncé la création d’une agence pour lutter contre les fausses informations créées par les États étrangers.

De leur côté, accusés de négligence qui favorise les fake news, Google (cinq milliards de vidéos visionnées chaque jour) et Facebook (deux milliards d’abonnés) tentent de satisfaire aux exigences de leurs grands annonceurs qui menacent de les boycotter. Début janvier dernier, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé d’importants changements, notamment pour hiérarchiser les sources d’information selon le degré de fiabilité qui leur est accordé par les utilisateurs.

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