News - 27.06.2015

Attaque terroriste à Sousse : Face à la terreur, raison garder

Attentat de Sousse : Face à la terreur, raison garder

Tout a déjà été dit. Et chaque fois,  les mêmes mots surgissent  spontanément et reviennent la même révolte et la même impuissance. En janvier à Paris, en mars à Tunis et ce 26 juin de nouveau et au même moment en France, en Tunisie et aussi au Koweït. Des prétendus « musulmans », des autoproclamés représentants d’un califat soi-disant « islamique » ont décidé de fêter à leur manière Ramadan.Ce mois le plus sacré, ce mois durant lequel a été révélé le livre fondateur de l’Islam, le saint Coran,commandait selon ces fanatiques une célébration insolite : une décapitation en France, trente-sept morts et trente-six blessés sur une magnifique plage à Sousse et  vingt-cinq morts dans l’enceinte sacrée d’une mosquée chiite de Koweït. Un sacrifice païen ! Un massacre barbare!

Faut-il attendre que l’émotion retombe pour penser ? Ou faut-il, comme le préconise le philosophe slovène, SlavojZizekdans son dernier ouvrage consacré à l’attentat de Charlie Hebdo,  avoir le courage de penser la tête chaude : «  C’est maintenant, alors que nous sommes tous sous le choc du massacre…qu’il nous faut avoir le courage de penser », dit-il.

Ayons alors le courage de penser. Penser et non pas céder au pathos. Penser, c’est-à-dire, résister à l’émotion. Raisongarder. C’est très difficile mais essayons… surtout en présence d’images del’horreur.

Premier cliché : au premier plan d’une mer d’azur, une plage de sable fin : des parasols, des transats vides ou renversés , des tapis abandonnés, des serviettes chiffonnées et des corps couverts dont dépassaient des pieds, un bras, une tête…, on dirait une fête qui a viré au cauchemar…on dirait de beaux et élégants  invités à une nocefigés tout d’un coup  par le tir meurtrier d’un amoureux éconduit et fou de jalousie.

Deuxième cliché : trois jeunes tunisiens que rien ne distingue des autres. L’un a été abattu, pour mettre fin à sa nuisance et probablement pour s’en défendre. Les deux autres ont été arrêtés et le forces de l’ordre ont dû les extraire pour les protéger de la foule. Une Dame qui aurait pu être leur mère s’est acharnée sur l’un d’eux, le frappant au visage. Réaction violente qui peut se comprendre. Les coups que porte la dame au terroriste sont autant de coups qu’elle se donne. C’est la Tunisie qui bat ce jeune qui aurait pu être notre fils, notre frère…C’est une mère qui de rage s’acharne, elle aurait pu  se griffer le visage ou s’arracher les cheveux : Comment pourrions-nous compter dans nos rangs des jeunes comme ceux-là, comment peut-on produire des jeunes comme ceux-là, bref comment pourrons-nous être comme ceux-là ?

Troisième cliché : c’est une photo qui fait honte, qui donne envie de pleurer car elle contrevient à la loi de l’hospitalité : les vacanciers qui ont honoré le Pays par leur présence et qui ont tenuà braver les terroristes du Bardo et sont venus passer leurs vacances en Tunisie et lui témoigner ainsi leur solidarité,  se sont résignés à partir, découragés et dépités et pour certains probablement endeuillés.

Bien sûr le terrorisme, malgré les apparences n’est pas un phénomène nouveau en Tunisie, il existait bien avant 2011 mais la dictature le cachait comme elle cachait la réalité du Pays.

Qu’il soit établi,  une bonne fois pour toutes,  que tout acte terroriste, quelle que soit la cause qu’il prétend défendre, doit être fermement condamné, combattu et puni avec la plus grande sévérité et qu’aucune justification ne doit lui être attribuée ni aucune circonstance atténuante, trouvée.

Cela étant dit, il serait salutaire de rappeler l’objectif des terroristes afin de déjouer leurs plans et pour ce, le retour à l’étymologie et à la sémantique première de ce  mot - tellement utilisé et usé au quotidien et de façon automatique - pourrait être éclairant.

Sachant qu’ils mènent une guerre asymétrique qui ne peut être gagnée, les terroristes se contentent si l’on peut dire d’une visée diaboliquement modeste : il s’agit pour eux de « terroriser ». Autrement dit  « Paniquer, tétaniser, méduser, sidérer, paralyser, effrayer … » tous ces synonymes, pour dire qu’Ils visent à  activer le cerveau  reptilien chez l’homme, afin de  bloquer la raison et d’empêcher ainsi la  réflexion et la pensée.
Réfléchissons donc. Que faire ?

  • Cela peut paraitre banal ou tautologique, mais il ne faut pas avoir peur. Il ne faut pas céder à la terreur et ne pas agir sous son emprise sous peine d’exaucer les vœux des terroristes et de renoncer aux valeurs humaines en agissant comme eux.
  • Il faut combiner répression, renseignement et prévention. Il est urgent d’adopter une loi anti-terroriste et en attendant d’appliquer celle de 2003. Il est tout aussi urgent de consolider le renseignement et d’équiper comme il se doit l’armée nationale qui a été négligée sous la dictature au profit de la police.
  • Sans pour autant les transformer en délateurs, il serait judicieux d’encourager les citoyens et les familles à signaler les signes mineurs de transformation perçus chez leurs proches afin de déjouer la nouvelle stratégie djihadiste qui ne semble plus privilégier la rupture brutale des recrues avec leur environnement mais leur conseille plutôt la discrétion et la simulation.
  • Il faudrait très vite former des institutions spécialisées dédiéesà la déradicalisation à l’image des initiatives de Dounia Bouzar en France.
  • Il faut aussi traiter les raisons qui font de ces jeunes des proies faciles de la radicalisation : l’emploi, l’éducation, la culture…
  • Il s’impose d’Interdire les mosquées salafistes et extrémistes ainsi que les partis et associations qui instrumentalisent et exploitent le religieux.
  • Il faudrait épurer l’administration, la police et l’armée.
  • Elucider les crimes politiques et les actes terroristes et en poursuivre les responsables
  • Il faudrait une alternative politique qui lèverait le blocage actuel afin de  réformer le pays en profondeur et asseoir la Démocratie.

Slaheddine Dchicha

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