News - 30.07.2014

Effondrement de la Libye : La Tunisie n'exclut pas la fermeture de ses frontières

La forte dégradation de la situation sécuritaire en Libye risquant de provoquer l’arrivée massive aux frontières tunisiennes de flux très importants de réfugiés libyens et étrangers, en très peu de temps,  les autorités tunisiennes, dans l’incapacité à gérer ces flux, envisagent la fermeture provisoire des frontières. Cette option est à l’étude au sein de la cellule de crise interdépartementale mise en place par le chef du gouvernement Mehdi Jomaa et coordonnée par le ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi. Une véritable catastrophe humanitaire risque de survenir. L’ampleur du drame qui embrase la Libye pourrait, en effet, inciter des centaines de milliers, voire-même un million de personnes à se réfugier en Tunisie, unique issue de sortie possible. Confrontée au devoir d’hospitalité et de secours humanitaire et limitée dans ses moyens humains, logistiques et budgétaire, la Tunisie ne saurait assurer, à elle seule, l’accueil d’un million de réfugiés. D’où l’option de la fermeture provisoire des frontières, puis la mise en place d’un processus spécial de canalisation et de transit. Analyse.

Privée d’eau depuis plusieurs jours et souvent d’électricité, Tripoli sombre sous une épaisse fumée noire, livrée aux tirs croisés de factions combattantes rivales. Apeurés, Libyens et étrangers ne pensent plus qu’à quitter le plus tôt possible ce calvaire qu’ils n’arrivent plus à endurer. Sous le choc de l’horreur, les départs sont précipités. Une véritable catastrophe humaine risque de survenir en Libye avec la montée, chaque jour davantage, de la violence que plus personne ne peut maîtriser et l’incendie de réservoirs de carburants, devenue hors contrôle.

La plupart des pays occidentaux, les Etats-Unis, les premiers, comme nombre d’autres pays, ont invité leurs ressortissants à quitter le pays et ont rapatrié leurs personnels. Les ambassades étant « provisoirement » fermées, les diplomates ont été redéployés à Tunis pour continuer à suivre la situation de près, comme l’a notamment décidé le Canada.

La Tunisie en unique issue

Fuir le chaos libyen n’est pas facile. Les aéroports de Tripoli et Maiitigua, lourdement attaqués, ont été rendus hors service. La plupart des frontières du Sud de la Libye ainsi que celle avec l’Egypte ont été fermées. Ne restaient plus ouvertes que les frontières tunisiennes, à moins d’envisager une évacuation par voie maritime comme l’a décidé mardi soir la France en faveur d’une centaine de personnes. Mais, pour les centaines milliers de Libyens et de travailleurs étrangers (Égyptiens, sub-sahariens, Turcs, Asiatiques, etc.), comme pour les 130 000 Tunisiens, l’unique corridor sera celui des frontières tunisiennes avec les deux postes de Ras Jedir et Dhehiba.

«Etant en alerte, depuis le 13 juillet, jour de l’attaque de l’aéroport de Maitigua, le gouvernement a redoublé de vigilance» explique à Leaders le ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi. « En fait, souligne-t-il, la Tunisie se trouve faire face à deux préoccupations majeures, de première urgence. La première est d’œuvrer avec la communauté internationale pour ne pas lâcher la Libye et la livrer au tragique sort qui la guette. Des démarches appuyées sont sans cesse entreprises dans ce sens, au plus haut niveau gouvernemental et diplomatique. La deuxième, est de se préparer à gérer les flux d’arrivées massives aux postes frontaliers. La dégradation de la situation pourrait en effet pousser plusieurs centaines de milliers, voire un million, à se présenter à nos frontières.»

Comment gérer ce déluge annoncé, pouvant atteindre jusqu’à un million de réfugiés? La Tunisie en a-t-elle les moyens, dans des délais très courts? Encore plus, au moment où elle est confrontée à de graves attaques terroristes. «Le souvenir des flux de réfugiés en février 2011 est encore vivace dans les esprits, rappelle-t-il. Si dans l’euphorie de la révolution, poursuit-il, la Tunisie a pu improviser tant bien que mal un dispositif d’accueil approprié, elle n’a pu cependant se prémunir contre de lourdes conséquences dont certaines persistent encore. L’infiltration, parmi les masses, de terroristes et d’armes qui ont nourrit les attaques contre nos vaillantes forces armées et sécuritaires en est une illustration».

Un vrai casse-tête

Le devoir d’hospitalité envers nos frères Libyens et de secours humanitaires pour les ressortissants d’autres pays ne sont guère remis en question, affirment les autorités tunisiennes. Mais à quelles conditions ? Face une catastrophe humanitaire de cette ampleur et alors que les forces armées sont accaparées par d’autres tâches de première importance, qui pourra prendre en charge jusqu’à un million de réfugiés qui se précipiteront presque en même temps, fuyant le brasier libyen? Rien qu’en logistique d’accueil, d’hébergement, de restauration, de soins d’urgence et de transport, la charge sera quasi-impossible à endosser, tant au niveau des moyens humains et logistiques que budgétaires. Déjà, la Tunisie accueille, non sans réelle fraternité plus d’un million et de demi de Libyens quasiment établis en séjour de longue durée, sans se soucier de ce surpoids démographique qui obère la caisse de compensation des produits alimentaires et énergétiques. Y ajouter un million de plus, non seulement la facture à payer par le budget public sera encore plus lourde, mais il y aussi à craindre de graves déséquilibres des prévisions d’approvisionnement du marché en divers produits locaux et d’importations de céréales, huiles végétales, laits, viandes et autres. Un nouveau dispositif à prévoir et mettre en place dans l’urgence.

Face à ce vrai casse-tête, la fermeture des frontières, à titre provisoire, puis la canalisation progressive des flux, seraient-elles la solution appropriée? Un grand dilemme qui se pose aux autorités tunisiennes qui demeurent attachées aux principes de l’hospitalité et de secours humanitaires. En fait, elles n‘auront pas beaucoup de temps pour se décider. L’urgence imposera sa loi.

Heureusement, le pire n'est jamais sûr et l'espoir de voir la situation s’apaiser en Libye et la violence baisser existe toujours à condition que les amis de ce pays conjuguent leurs efforts rapidement pour le sauver et nous épargner un drame aux conséquences incalculables.

Taoufik Habaieb

Lire aussi

Face au chaos Libyen, la Tunisie renforce son dispositif d'accueil et de transit

 

 

 

Tags : libye   Mehdi Jomaa   Mongi Hamdi   Tunisie