Opinions - 23.01.2012

Il faut des décisions courageuses et rapides

A la suite des élections et de l’installation du gouvernement Jebali, on pouvait s’attendre à une stabilisation de la situation sécuritaire et à une amélioration de la situation économique et sociale. Certes, en comparaison des pays qui ont connu le printemps arabe, Egypte, Libye, Yémen, Syrie, notre pays a eu le moins de gâchis possible. Le nombre des victimes a été nettement moins élevé et, grâce à notre vaillante armée, l’ordre a été relativement bien maintenu, même au cours des tensions à nos frontières avec la Libye voisine en 2011.

Cependant, les mouvements sociaux se sont multipliés et ont fini par créer une ambiance de craintes au niveau du secteur privé et d’hésitations au niveau du pouvoir politique. Cela a abouti à une récession économique puisque le produit intérieur brut (PIB) s’est contracté de près de 2 %, l’année dernière. A ce propos, il est nécessaire de relativiser ces événements. Qui dit récession ne dit pas arrêt de création de richesses mais création de richesses inférieure à celle de l’année dernière. La Grèce, sans faire de révolution, est en récession depuis des années ; son PIB a décliné de 5,3% en 2011 avec un taux de chômage de plus de 18%. La France vient de rentrer en phase de stagnation du PIB le dernier trimestre. Suite à la crise de l’euro, les pays périphériques (Italie, Espagne, Portugal) sont en récession ou menacés de l’être. Et ce, sans secousses révolutionnaires comme celles que nous avons vécues. L’Espagne enregistre un taux de chômage de 23%.

D’autre part, il est nécessaire de comprendre la frustration extrême du peuple tunisien. Ayant été appauvri pendant des décennies par une politique économique ultra libérale et un modèle obsolète de développement, ayant subi non seulement la dictature mais aussi les effets dévastateurs du népotisme et de la corruption, ayant attendu en vain toute l’année 2011 une quelconque réalisation économique, ayant été bombardé par des promesses électorales mirifiques, sa patience est à bout. Il ne veut plus de discours et de promesses. Il exige des réalisations concrètes qui lui indiquent qu’il est dans le droit chemin et qu’il finira par voir la fin du tunnel. Est-il raisonnable que, plus d’un an après le déclenchement de la Révolution, même pas un projet, un seul, n’a vu le jour dans la région de Sidi Bouzid, où naquit le printemps arabe ? Est-il raisonnable que le pouvoir d’achat des citoyens soit rogné par l’inflation galopante alors qu’on prétend, dans le communiqué de la Banque centrale, que le taux d’inflation n’a été que de 3,5% ? Cela ajoute l’insulte à la blessure.

C’est pourquoi il faut maintenant des décisions courageuses et rapides de la part du gouvernement Jebali. On ne peut pas attendre la loi de finances rectificative au mois de mars pour lancer des initiatives en faveur de la croissance. Une des premières initiatives que j’ai proposée, depuis des mois, est la garantie d’un minimum de jours de travail par an (100 ou 120 jours) à tout demandeur d’emploi dans les zones rurales. On peut commencer par lancer cette initiative dans les régions défavorisées, en attendant de la généraliser à tout le pays. Il y a, dans ces régions, des besoins immenses de création de pistes rurales et de routes de desserte, de création de points d’eau potable et de la petite hydraulique agricole, de reforestation et de reboisement, de travaux de mise en valeur, de plantation d’arbres fruitiers, notamment des oliviers, de développement rural. Nous avons des zones incultes à développer et des mains oisives qui ne demandent qu’à être employées. Joignons les deux ensemble. Cela donnera de l’emploi, des  revenus et de la croissance. Sans compter la paix sociale, en attendant que la consultation de la société civile aboutisse à une stratégie nationale de développement.

Dr Moncef Guen

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1 Commentaire
Les Commentaires
ERRBAI - 24-01-2012 09:48

Bravo pour cette analyse.... J'ajouterai que faire de l'opposition et y être est une chose presque simple elle ne demande que du "courage" mais gouverner non seulement il faudra du courage certes mais des t^tes bien pensantes : par bien pensantes, comprendre où l'ego et le nombrilisme passe outre la patriotisme jadis réclamé au nom de cette même opposition ! Dieu que c'est compliqué l'être humain ! Que ce gouvernement nous montre de quoi il est capable pour la nation et rien que pour la nation et non pas aux bénéfices des fonctions et des partis !!! Le peuple tunisien n'est pas dupe aujourd'hui et il les a à l'oeil et s'il faut recommencer une révolution il la recommencera ! Ils doivent y penser ...

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