Opinions - 23.12.2011

Un Gouvernement cacophonique, expression du régime des partis

Le pays avait besoin de retrouver confiance et sérénité après une année d’agitation et de débordement de tout ordre. La composition du Gouvernement aurait pu constituer un signal fort à cet égard. Ce n’est pas le cas. On ne reviendra pas sur ce qui s’est passé au sein de la troïka de marchandage, de sautes d’humeur, de légèreté et d’expressions paroxysmiques des ambitions personnelles. Chacun peut en juger à loisir après que tout ait été étalé à la télévision et ailleurs par les intéressés eux-mêmes. Pour l’heure, ce qui préoccupe les tunisiens est de connaître l’effet de la composition de ce Gouvernement sur le travail gouvernemental et le climat politique et social, intérieur et extérieur.

 Sous quelque angle que l’on examine ce Gouvernement, il ne ressort qu’improvisation, méconnaissance des rouages de l’Etat, sous-estimation de la situation économique et financière, mainmise absolue du régime des partis. Le nombre de Ministres et de Secrétaires d’Etat est hors de proportion. Le nombre de ministres rattachés directement au Premier Ministre l’est davantage. Au total, il en coûtera énormément au Budget de l’Etat et donc aux citoyens que nous sommes. Chaque dinar dépensé en trop sera prélevé fatalement sur notre revenu, notre emploi, l’infrastructure de base, la cagnotte mise à la disposition des services publiques, éducation, santé, etc. Autant dire alors que la composition numérique de ce Gouvernement est tout, sauf judicieuse et responsable. On objectera que le coût financier de l’inflation ministérielle pèsera relativement peu par rapport au Budget de l’Etat, mais alors la vertu et la valeur d’exemple ne sont plus dans le camp qui s’en réclamait jusqu’ici.

 En fait, les circonstances appelaient à la formation d’un Gouvernement restreint, très restreint même. Chacun sait, et il s’agit là d’une observation communément admise, que pour rendre le travail gouvernemental fluide, efficace et cohérent ; il faut obligatoirement réduire le nombre de maroquins. Avec ce nombre pléthorique de ministres et de ministères, c’est la cacophonie assurée. Ca sera d’autant plus le cas que certains ministres ou ministères sensibles ou compliqués seront doublés, et le mot est faible, par des ministres s’occupant des mêmes dossiers auprès du Premier Ministre. De fait, les ministres « du siège » ont été fragilisés avant même qu’ils ne soient en fonction, ou alors les ministres « conseillers » ne sont là que pour le décor. Cette affaire rappelle un jeu télévisé célèbre : « la tête et les jambes ». Quant à savoir qui est la tête   et qui est les jambes, chacun appréciera !

 Passons maintenant aux prérogatives des ministères. Dans les circonstances présentes, l’éclatement des ministères à caractère économique constitue un véritable non sens. Rien n’est plus préjudiciable à l’économie du pays que l’atomisation des décideurs économiques de la sphère publique. Chaque dossier à caractère économique passera entre les mains de quatre à cinq ministres au moins, avec tout ce que cela coûte en temps et en délais de réalisation. Bien évidemment, la diversité des avis et des approches est indispensable pour décider, mais cette diversité aurait pu être obtenue sans l’éclatement des ministères en question. La même remarque vaut en ce qui concerne les Affaires Sociales et de la Santé Publique ou encore de l’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur. Puisque nécessité il y a à réformer l’enseignement, commencer par la base pour remonter plus haut n’aurait choqué personne. Mais ce qui semble le plus inquiétant est d’avoir « isolé » le ministère de l’Emploi par rapport au ministère de l’Economie. Cette décision exprime, à elle seule, toutes les craintes que l’on peut développer à l’égard de la compétence du nouveau Gouvernement en matière d’emploi. Conscients de l’interrelation, la plupart des pays ont fini par créer un ministère unifié de l’économie et de l’emploi. Aussi et dans la configuration actuelle, le ministère de l’emploi ne gérera que le chômage, et encore !
 
Bref, ce gouvernement n’a pas été confectionné pour gérer un pays en crise, ni pour redonner confiance, ni pour rassurer, ni pour apporter des solutions rapides aux nombreux problèmes qui se  posent, mais bien pour satisfaire à la logique destructrice et cacophonique du régime des partis.

Habib TOUHAMI

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4 Commentaires
Les Commentaires
kharroubi houcine - 24-12-2011 07:57

le salaire d'un ministre est actuellement 7620dinars(1450dinars Indemnite de sujection 1959dinars Indemnite forfaitaire 1710dinars Indemnite de remboursement des frais lies au responsabilite 950dinars traitements de base et 1260 dinars Indemnite du membre de gouvermement)pour un secretaire d'etat le salaire est de 5975 dinars il y a lieu de signalier les avantages en nature ne sont pas consideres dans le salaire voitures de fonction tel carburant....le depute recoit 2130 dirars d'indemnite

Mohamed Najib Chabbi - 25-12-2011 07:19

Comment un gouvernement qui n'a pas mis encore mis le pied à l'étrier peut-il improviser???Vous avez occupé un poste ministeriel sous le régime du pouvoir d'un homme Bourguiba et vous connaissez mieux que quiconque l'héritage laissé par bourguiba et sa créature politique ben ali aprés 55 ans et deux dictatures sous bourguiba et sous ben ali il n'y avait pas de cacophonie et un seul homme décidé on voit le résultat.Il est normal comme dans les pays de tradition démocratique que les partis négocient pour avoir tel ou tel ministére.Le nombre de ministes et de sécrétaire d'état vous le qualifiez de régime de partis.La révolution a chassé le régime d'un homme et le parti d'un homme!

Habib OFAKHRI - 26-12-2011 18:52

Depuis la Révolution 14/01, M.Touhami déploie des efforts pertinents pour déblayer les pistes et éclairer les lanternes de nouveaux politiciens et autres aspirants aux arcanes de la gestion des affaires de l’état.Cette fois, un pessimisme -sceptique marque cette opinion.La composition du nouveau gouvernement ne peut être que partisane. N'en déplaise à toutes les oppositions .Ceci semble pourtant élémentaire ...Et c'est aller trop vite en jugement que de le qualifier de " cacophonique " . Ce gouvernement n'est pas tenu à élaborer une partition symphonique. Par essence politique, il doit se mettre à la tache. La meilleure manière de l'aider à l'accomplir consiste à le critiquer objectivement et à proposer des pistes innovantes pour faire face aux importants dossiers du pays post- élections. S'agissant de la masse salariale mensuelle et globale de tous les membres de ce gouvernement , permettez de rappeler qu'elle est infime, car équivalente au cout d'un jour ( oui une seule journée) qu' allouait le budget de " l'ère du changement "à la présidence déchue!.

Habib Touhami - 28-12-2011 15:20

Certains lecteurs m'ont fait le reproche, amical et mesuré en général, d’intenter un procès d’intention à l'égard du nouveau gouvernement et de mettre en cause un parti politique bien particulier, cher à leur cœur. D’autres ont mal accepté ou compris mes critiques contre ce que j’ai appelé le régime des partis. Qu’ils sachent que j’aurais émis les mêmes critiques si une autre troïka avait formé le gouvernement selon les mêmes normes et dans les mêmes conditions. Les partis politiques sont nécessaires au bon fonctionnement normal de toute démocratie. On peut discuter à satiété sur le bon nombre, mais cela ne conduira à rien. Bien entendu, il vaut mieux avoir un nombre réaliste de partis politiques, ne serait-ce que pour rendre le débat des idées et des programmes plus clair et audible, mais cette discussion n’aura guère de sens puisque le chiffre dépend en fait du mode de scrutin et non du nombre réel des familles de pensée. Si l’on examine de près les orientations et les propositions de nos trop nombreux partis politiques, on s’apercevra que rien de fondamental ne sépare au moins une bonne centaine d’entre eux. C’est dire que le nombre actuel des partis politiques en Tunisie n’est que la contre partie « naturelle » du mode de scrutin, certains diront du nombrilisme atavique qui nous frappe. Ce n’est d’ailleurs pas la multitude partisane qui pose problème, mais la mainmise des partis politiques sur la vie publique, les institutions et le gouvernement. Dans la confection du gouvernement, sujet du débat présent, l’emprise des partis politiques a été incontestable, claire et démonstrative. Que le Premier Ministre ait pris l’initiative d’instaurer un système de quotas pour répartir les postes, à tel parti tels ministères, ou qu’il ait accepté de le faire, cela ne peut que décrédibiliser l’exécutif. Aucun homme d’Etat digne de ce nom ne peut souscrire à une telle formule. Bien évidemment, ce ne sont pas les qualités des hommes, leur compétence ou leur patriotisme qui sont en cause, mais l’architecture gouvernementale elle-même. On l’aura noté, le terme de partitocratie n’a pas utilisé par moi, et pourtant un parti politique domine incontestablement la Constituante et le Gouvernement. C’est dire que ce parti n’est pas pris pour cible. Pourquoi le ferais-je d’ailleurs maintenant alors que ce parti se prêtera nettement mieux à la critique dans l’avenir, exercice du pouvoir oblige !

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