News - 01.02.2024

Edito - La Tunisie, l’Africaine

La Tunisie, l’Africaine

Les BRICS avaient choisi l’Afrique du Sud pour leur XVe sommet décisif en août dernier. Ceux du Groupe des 77 ont réuni leurs assises tout récemment en Ouganda.  Aussi, le vif regain d’intérêt que suscite l’Afrique auprès des Etats-Unis d’Amérique, de l’Italie et de nombreux autres pays ne saurait-il nous échapper. La tournée récente sur le continent du chef de la diplomatie américaine, quelques jours après celle de son homologue chinois, et surtout le sommet Italie- Afrique, tenu fin janvier dernier à Rome, sont porteurs de promesses qui restent à concrétiser.

L’Afrique ne manque pas d’atouts. Les économies africaines ont enregistré une croissance du PIB réel de 3,8 % en 2022 (supérieure à la moyenne mondiale de 3,5 %). La population atteindra 2,5 milliards d’habitants d’ici à 2050, soit le quart de la population mondiale. Dans moins de sept ans, c’est-à-dire d’ici à 2030, la taille du marché de l’alimentation et de l’agriculture en Afrique atteindra 1 000 milliards de dollars. De multiples opportunités s’offrent à une économie comme la nôtre dans le commerce, le digital, la santé, l’éducation, l’industrie, l’énergie renouvelable et les services.

Où en est la Tunisie ? Très timidement. De loin en deçà de nos capacités, et du potentiel qui se présente. Le retard sera difficile à rattraper. D’autres pays de même catégorie que la Tunisie se pressent de s’installer solidement sur ces marchés. Notre adhésion récente à la zone de libre-échange continentale ouvre certes les premières portes, mais les exportations comme l’implantation d’entreprises tunisiennes restent modestes.

Nous avons tardé à développer un plan Tunisie-Afrique. Si nous avons été pionniers, au lendemain de l’indépendance, puis au cours des premières décennies suivantes, à tisser des liens économiques et éducatifs solides avec des pays subsahariens, l’effort n’a été ni maintenu, ni consolidé. Banques mixtes (Niger, Sénégal, etc.), compagnies d’assurances, missions de coopérants et autres pierres angulaires d’une coopération très appréciée ont cédé aux épreuves du temps. La Tunisie avait ouvert une route transsaharienne. Elle avait déployé ses enseignants et ses coopérants de divers secteurs à Djibouti, en Somalie, aux îles Comores, mais aussi au Mali, au Niger, en Mauritanie, etc. Le Cepex, suivi par la TABC, a multiplié les missions commerciales et de partenariat. Le réseau diplomatique s’est étendu, comptant désormais dix ambassades. Pas assez !

Tout remettre à plat, tout reprendre, s’il le faut ! L’Afrique change, il y a en fait plusieurs Afriques. Nous devons en tenir compte, pour en avoir une vision plus large dans son ensemble, plus affinée dans ses détails. Se fixer des objectifs précis, se conformer à un planning réaliste et se doter de moyens appropriés sont essentiels.

Est-ce le bon moment alors que les risques se multiplient dans la ceinture subsaharienne ? Coups d’Etat successifs en Guinée, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, tensions vives au Tchad, guerre civile au Soudan et autres foyers de violence et de terrorisme : l’instabilité est menaçante. Conséquence immédiate : des flux discontinus de migrants qui convergent essentiellement vers la Tunisie, dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Si la migration constitue un phénomène durable, l’intention des pays européens, conduits par l’Italie, est «d’investir massivement» dans le développement des pays d’origine, et réduire ainsi les départs. A moyen terme, c’est réalisable. Nous devons regarder loin.

Qui prendra l’initiative et assurera le pilotage ? Le plan Tunisie-Afrique revêt une telle importance stratégique qu’il doit relever du sommet de l’Etat. Avec ses multiples dimensions, stratégiques, politiques, économiques, sociales et culturelles, il requiert des décisions de haut niveau et un déploiement soutenu. Le concours de différentes parties, outre le gouvernement, secteur privé, universités, centres d’études et de recherches, société civile et autres composantes, sera plusque nécessaire : indispensable.

L’approche doit être innovante, dans une relation mutuellement bénéfique, avec des outils et des leviers effectifs et des résultats tangibles. De nouveaux mécanismes sont à concevoir, des incitations avantageuses sont à offrir, un accompagnement substantiel est à assurer. Tirons des enseignements de nos expériences précédentes et de celles d’autres pays, pour baliser une nouvelle voie.

L’avenir est en Afrique. Gagnons à consolider nos ancrages sur le continent, au bénéfice de la génération d’aujourd’hui et de celle de demain.

La Tunisie est africaine.



 

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