News - 08.03.2018

Marouane El Abbasi : Comment agir autrement pour juguler l’inflation et redresser les fondamentaux (Album Photos)

Marouane Abbassi

« Le déficit courant de la balance commerciale tunisienne, triplant depuis 2010 et dépassant pour la première fois la barre de 10% s’érige en indicateur alarmant », met en garde le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abbassi. S’accompagnant d’un déficit budgétaire et des paiements, avec une hausse vertigineuse de l’inflation (7.2% en février 2018), ils constituent ensemble une source de profonde préoccupation dont tous les Tunisiens doivent être pleinement conscients, affirme-t-il. « Sans des décisions immédiates, il est à craindre que ces indicateurs, notamment celui de l’inflation, risquent d’accéder à d’autres paliers dans une ascension difficile à contrôler », souligne-t-il.

Pour le gouverneur de la Banque centrale qui donnait jeudi matin sa première conférence de presse depuis sa prise de fonction, il urge « d’agir autrement », dans une politique mixte s’étendant au-delà du monétaire, au budgétaire et fiscal. Pleinement imprégné du « sens de l’urgence » et conscient que « la Tunisie est en train de se confronter à ses démons », il entend faire jouer à la BCT son rôle premier de stabilisation des prix et sa contribution à la coordination des actions y afférentes.«

"On ne peut pas continuer avec des indicateurs aussi menaçants''

Ce qui est grave, selon Marouane El Abbassi, c’est que le déficit du commerce extérieur est devenu structurel ce qui plombe lourdement l’économie et les finances publiques. Aussi, il n’y a pas de plus dangereux que l’inflation galopante, pouvant entrer en spirale, que les différentes analyses des modèles de prévision estiment vouée à une hausse à de nouveaux paliers redoutables. « On ne peut pas continuer avec des indicateurs aussi menaçants » met-il en garde.

Est-il acceptable que...

Poussant plus fortement la sirène d’alarme, le gouverneur de la Banque centrale estime inadmissible que les délais d’attente des bateaux et d’enlèvement des marchandises au port de Tunis soient de l’ordre de 30 jours, alors qu’ils n’étaient que de trois jours il y a quelques années seulement. Face à ces difficultés, les importateurs sont obligés d’augmenter substantiellement leurs commandes pour éviter toute rupture de stock, ce qui génère des tirages excessifs bloqués sur les réserves en devises. 

En outre, le coût de la logistique est en train d’augmenter sensiblement et affecte l’ensemble du commerce extérieur, y compris les exportations. Ou de souligner encore, que sur une capacité hôtelière de 220.000 lits, plus de la moitié reste encore inoccupés. Sans omettre de mentionner l’impact considérable causé par l’arrêt de la production phosphatière. 

Comment ramener la crédibilité et restaurer la confiance ?

L’essentiel, pour le gouverneur de la BCT est de revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire réduire les importations, accroître les exportations et stimuler l’investissement. Mais aussi, ramener la crédibilité et restaurer la confiance, pour que le système puisse reprendre à fonctionner. Des experts, tunisiens et étrangers, confie-t-il, avaient recommandé d’augmenter le taux d’intérêt directeur directement de 100 points, au lieu de 75 points seulement. Mais la BCT, au vu de la conjoncture et de l’intérêt des entreprises et des ménages, a préféré se limiter à 5.75 points au total. Rien n’exclut une deuxième augmentation, courant de l’année.

Comment défendre le dinar, alors que...

Une embellie commence à poindre à l’horizon, estime Marouane El Abbassi, avec un espoir de début de détente de certaines pressions, fin 2018. « Il ne s’agit pas d’un optimisme naïf, explique-t-il, mais sur la base d’indicateurs réels. Reste à savoir comment rendre tout cela effectif ? Comment défendre le dinar alors que nous ne disposons que de moins de 80 jours de couverture en devises de nos importations ? «Que les Tunisiens s’engagent à travailler 8 heures par jour durant le mois du ramadhan et renoncent à leur congé cet été, et l’économie rebondira ! » 

''Jouer pleinement le jeu de la transparence''

La pédagogie était nécessaire pour expliquer les mécanismes de l’inflation, alerter l’opinion publique sur les risques de son augmentation, souligner l’impact du déficit désormais structurel de la balance commerciale, appeler à agir autrement dans une politique mixte, et plaider en faveur d’une nouvelle culture économique. Alors que certains lui recommandaient de ne pas affronter directement les médias en conférence de presse, pour sa première sortie, et se contenter d’un briefing de presse groupant un nombre réduit de journalistes économiques et financiers, Marouane El Abbassi a préféré « jouer pleinement le jeu de la transparence». « J’ai tenu à vous rencontrer tous, vous faire part de nos analyses et répondre à vos questions, mais aussi écouter vos points de vue », dira-t-il à la cinquantaine de journalistes présents, à l’issue de plus d’une heure et demie d’échanges. C’était aussi nécessaire qu’utile.
Taoufik Habaieb

 

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