News - 25.07.2016

Le ministre israélien de la défense salit la mémoire de Mahmoud Darwich

Le ministre israélien de la défense salit la mémoire de Mahmoud Darwich

Mardi 19  juillet 2016, la radio de l’armée israélienne a diffusé, dans le cadre de son « Université radiophonique », une émission traitant de l’œuvre de l’immense poète palestinien Mahmoud Darwich dans la série « des textes israéliens formateurs ».
Ce qui a fait sortir de ses gonds le bilieux Avigdor Lieberman, l’extrémiste ministre de la Défense israélien qui habite dans une colonie illégale de Cisjordanie. Pour cet ex-videur de boîte de nuit d’origine moldave arrivé à 20 ans en Israël, évoquer les poèmes de Darwich revient à «  glorifier les merveilles littéraires d’Adolf Hitler dans Mein Kampf». Rien de moins !

Derechef, ce raciste qui veut expulser tous les Palestiniens vivant en Israël, convoqua le 21 juillet le directeur de la radio pour l’admonester et lui signifier que le rôle de sa station  est « de raffermir le lien social de solidarité et non d’élargir le fossé social. Elle ne doit pas heurter la sensibilité du public ».

Le procureur général d’Israël,  Avichai Mendelblit,  s’est vu dans l’obligation de  rappeler  à Lieberman  qu’il n’a nulle autorité pour intervenir dans la programmation de la Radio de l’Armée. (Haaretz, 21 juillet 2016)

Pour ce ministre aux multiples casseroles,  sioniste enragé s’appuyant sur l’électorat russophone, Darwich est accusé d’avoir appelé à l’expulsion des juifs dans ses poèmes et ne saurait être inclus dans l’histoire d’Israël. En fait, les poèmes du grand patriote palestinien font partie, depuis longtemps, des options offertes aux élèves dans les programmes de littérature avancée des lycées israéliens. Yossi Sarid, ministre de l’Education (1999-2000) a essayé en vain de les rendre obligatoires.  La censure envisagée aujourd’hui par Lieberman a été appuyée par la ministre de la Culture et des Sports Miri Regev qui juge que la Radio de l’Armée « est sortie des rails depuis un certain temps ».

Après avoir rappelé que Darwich est né en 1941 au village d’al Birwa- détruit en 1948 et aujourd’hui site du moshav** Ahidud et du kibboutz Yasur- et qu’il a écrit 30 volumes de poésie et 8 livres en prose qui en ont fait le « poète national palestinien » , l’éditorialiste du quotidien Haaretz écrit : « l’héritage littéraire et national de Darwich n’a pas besoin de la validation de la Radio de l’Armée ou de celle des membres du gouvernement israélien. Les Israéliens de toute obédience devraient connaître Darwich - non seulement à cause de la claire moralité de ses poèmes : l’aspiration à la liberté-, qui, si elle était réalisée, permettrait une coexistence pacifique- mais aussi à cause de la haute qualité de son œuvre. Darwich n’a fait aucun tort à Israël. Il a simplement exprimé les émotions sincères, venant du fond du cœur  des Palestiniens.  Ignorer ses mots, c’est ignorer des mots qui ont un écho dans la conscience des Arabes d’Israël soit 20% de la population de ce pays. Le poème « Carte d’identité », lu sur les ondes de la Radio de l’Armée mérite sans aucun doute le titre de « texte israélien qui fait école ». Accuser Darwich d’inciter  à la terreur est grotesque. Ce sont Lieberman et Regev qui font le plus de tort à Israël quand ils en font un Etat peu porté à reconnaître l’état d’esprit de gens vivant près de nous. Ils transforment Israël en un pays qui est seulement intéressé par la propagande artistique ».
Rappelons que ce n’est pas la première fois que Mahmoud Darwich fait perdre la raison aux politiciens sionistes.

Le 28 avril 1988, quatre mois après le déclenchement de la " Révolution des pierres " dans les territoires occupés, le Premier ministre israélien, Ytzhak Shamir, monte à la tribune de la Knesset pour dénoncer... un poème de Mahmoud Darwich « Passants parmi les paroles passagères » : " L'expression exacte des objectifs recherchés par les bandes d'assassins organisés sous le paravent de l'OLP, déclare-t-il, vient d'être donnée par l'un de leurs poètes, Mahmoud Darwich, soi-disant ministre de la Culture de l'OLP et dont on se demande à quel titre il s'est fait une réputation de modéré... J'aurais pu lire ce poème devant le Parlement, mais je ne veux pas lui accorder l'honneur de figurer dans les archives de la Knesset. "

Rappelons enfin que le Président Abbas a lu, le 23 septembre 2011, à la tribune des Nations Unies à New York, une partie du poème « Etre » de Darwich.

Le même Mahmoud Darwich est l’auteur de la formule prononcée par Yasser Arafat, alors chef de l’OLP, lors de son discours à la tribune de l’ONU en novembre 1974 : "Aujourd’hui, je suis venu porteur d’un rameau d’olivier et du fusil du combattant de la liberté. Ne laissez pas tomber le rameau d’olivier de ma main".
Vivant comme mort, Mahmoud Darwich,  tel l’œil dans la tombe qui regarde Caïn, - la conscience- n’arrête pas de hanter les  oppresseurs du peuple palestinien et de leur rappeler leurs crimes et le vol de leur terre. Ce que le raciste Lieberman ne saurait admettre,  calfeutré qu’il est dans sa haine des Arabes et des Palestiniens….et protégé par les arsenaux américains et occidentaux.

Le poème « Carte d’identité » de 1964 qui a déclenché l’ire des  ministres racistes en ce mois de juillet 2016 est le suivant (traduit de l’anglais):

« Ecris-le ! Je suis Arabe
Ma carte identité porte le numéro 50 000
J’ai huit enfants
Et après cet été, le neuvième est en route
Cela vous met-il en colère ?
Je suis un Arabe
Avec mes camarades nous travaillons dur à la carrière
J’ai huit enfants
Je travaille dur pour leur pain, leurs vêtements
Et leurs cahiers
En cassant la roche
Je ne mendie pas à votre porte
Je ne tremble pas sur votre seuil
Est-ce cela vous met en colère ?
Ecris-le !
Je suis Arabe
Je suis un nom sans particule ni titre honorifiques
Patient sur une terre
Ou tout et chacun  vit la rage au cœur
Mes racines remontent avant la naissance du temps
Avant que ne débute l’Histoire
Avant les cyprès et les oliviers
Avant que l’herbe ne pousse
Mon père est du clan des laboureurs
Il n’est pas de la classe des nobles
Mon grand-père était un petit propriétaire paysan
Sans pedigree ni ascendance
Il m’a enseigné la fierté du soleil
Avant de m’apprendre à lire
Ma demeure est une cabane pour garder le verger
Faite  de branches et de roseaux
Mon état civil vous plaît-il ?
Je suis un nom sans particule ni titre honorifiques
Ecris-le !
Je suis un Arabe
Couleur des cheveux : charbon
Couleur des yeux : brun
Attributs :
Une corde autour de la kouffia sur ma tête
Ma main est aussi dure que le roc
Elle vous égratigne  si vous la touchez
Mon adresse :
Je viens d’un village oublié abandonné
Aux rues sans nom
Tous ses hommes sont aux champs et à la carrière
Ceci vous met-il en colère ?
Ecris-le !
Je suis Arabe
Vous avez volé les vergers de mes parents
La terre que nous cultivions
A moi et à mes enfants
Vous n’avez rien laissé pour nous et pour mes petits enfants
Que ces roches
Votre gouvernement les prendrait-il
Comme les gens le disent ?
Par conséquent :
Ecris au haut de la première page :
Je ne hais personne
Je ne vole personne
Mais si j’ai faim
Je mangerai la chair de mon oppresseur
Prenez garde, prenez garde de ma faim
Et de ma fureur*** ».

Mohamed Larbi Bouguerra

** village agricole de paysans
***Poème mis en musique par le trio Joubran


 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Jamila Ben Mustapha - 26-07-2016 15:04

Quel magnifique poème, même traduit, et quelle belle expression, dont la fierté est en harmonie avec le texte, sur le visage du grand poète !

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