News - 25.04.2016

Le conflit Palestine-Israël fait son entrée dans la course à la présidence américaine

Le conflit Palestine-Israël fait son entrée dans la course a la présidence américaine

Le récent rapport annuel sur les droits de l’homme émanant du Département d’Etat américain a soulevé un intérêt sans précédent.

Il déclare en effet que l’armée israélienne a utilisé non seulement « une force excessive » contre les civils palestiniens mais qu’en outre, elle a arrêté arbitrairement, torturé et procédé à des exécutions extrajudiciaires de Palestiniens. C’est une bien rare confirmation de ce que disent, depuis des lustres, les défenseurs des droits de l‘homme. Cependant, cette prise de position des Américains n’est pas sans précédent. Les rapports antérieurs  faisaient état des violations sévères et parfois, par le passé, l’Administration avait publié des condamnations mais l’ensemble a eu peu d’effets car cette même Administration n’a nullement exigé d’Israël des comptes ni demandé à le rendre responsable de ces actes illégaux et criminels.

Un rapport officiel important

Sommes-nous là encore en présence d’une simple posture sans effet aucun? Ou bien, comme le suggère la politiste Wardah Khalid (Haaretz, 19 avril 2016), s’agit-il, en partie au moins, d’une mention tendant à mettre sur le tapis la politique US et l’aide américaine à l’Etat sioniste face aux incartades répétées et désobligeantes - voire offensantes pour le président Obama- de cet enfant gâté qu’est Netanyahou ? Qui vivra verra!

Il n’en demeure pas moins que la publication de ce rapport tombe à un moment où le conflit israélo-palestinien est à l’ordre du jour aux Etas Unis et où la politique du pays vis-à-vis d’Israël est ouvertement critiquée… en dépit des énormes efforts de l’AIPAC, de l’ambassade israélienne à Washington et des lobbys sionistes. Le mouvement BDS de boycott des denrées israéliennes ne cesse de progresser. Ainsi, le 22 avril 2016, le syndicat des 2000 doctorants et assistants de la prestigieuse New York University (NYU) ont voté à 66,5% une résolution en faveur de ce boycott qu’ils comptent poursuivre «jusqu’à ce qu’Israël se conforme à la loi internationale et mette un terme à l’occupation militaire, détruise le mur, reconnaisse les droits des citoyens palestiniens à l’égalité pleine et entière et respecte le droit au retour des réfugiés et des exilés palestiniens.» De plus, la résolution appelle le Sénat de l’Université NYU à retirer ses investissements en Israël et à mettre un terme à son programme avec  l’Université de Tel Aviv car « il viole la politique de non-discrimination de la NYU.»

C’est ainsi aussi que l’on observe, aux Etats Unis, une coordination de plus en plus soutenue entre les associations religieuses, de droits humains, pour la paix, pour la justice - telles celles de défense des Afro-Américains ou les Juifs pour la Paix (JVP) - et les activistes pro-palestiniens. Mais, le plus inattendu et peut être le plus notable, c’est ce qui se passe dans  l’actuelle campagne électorale pour la présidence des Etats Unis. Si l’engagement pro-israélien, le mépris des 1500 morts de Gaza en 2014 et des souffrances des Palestiniens de Mme Hillary Clinton s’expliquent par ses pourvoyeurs de fonds sionistes et pour plaire à l’électorat juif  de New York, le 14 avril 2016, lors du débat démocrate, Bernie Sanders a mis l’accent sur l’importance des droits humains des Palestiniens. Il a vertement critiqué la réponse «disproportionnée» d’Israël aux lancements de roquettes du Hamas et s’est prononcé pour une approche plus équilibrée du conflit israélo-palestinien. Il a affirmé que si Israël a le droit d’exister, les Palestiniens doivent être traités avec «respect et dignité.»

Palestine-Israël au cœur de la campagne électorale

Cette déclaration de M. Sanders - revenu de l’utopie des kibboutzim des années soixante quand il a séjourné en Israël - le distingue néanmoins des autres candidats qui ont superbement ignoré l’injustice commise vis-à-vis du peuple palestinien sous occupation. Lentement mais sûrement, le conflit israélo-palestinien est devenu la question de politique étrangère n°1 dans la campagne électorale et maintenant dans la course pour la présidence. En 1973, le sénateur William Fulbright osait déclarer que « Washington D.C. est un territoire occupé par Israël » et que, s’agissant du Moyen-Orient, « la politique américaine est conçue à Tel Aviv et voit le jour à Washington... A l’exception d’Israël, aucun pays ne peut tuer impunément des citoyens américains. » Aujourd’hui, assure dans un nouveau livre  le professeur Dov Waxman, la vision qu’ont d’Israël des électeurs juifs américains est la suivante : « plutôt qu’un pays mythique et abstrait, ils découvrent un pays chamboulé, une occupation du territoire palestinien vieille de cinquante ans, des clashes périodiques avec un Gaza assiégé et la montée d’une droite  hyper-nationaliste…. Plus ils deviennent séculiers, plus les juifs abandonnent Israël. Cette tendance est d’autant plus forte qu’Israël devient plus religieux et plus nationaliste. » Cependant, pour Piotr Smolar qui écrit sous le titre « Israël : la filière américaine des colonies » (Le Monde, 20-21 mars 2016, p. 10-11) : «Paradoxe étonnant : le contribuable américain finance directement les colonies, que les présidents successifs, démocrates et républicains, dénoncent sur le principe depuis des décennies… En ayant beaucoup d’électeurs dans certains districts, comme à New York ou dans le New Jersey, Israël n’est plus une question de politique étrangère mais de politique intérieure. »

Il n’en demeure pas moins qu’Israël reste  le premier bénéficiaire de l’aide américaine qui se monte à 3 milliards de dollars (armes, équipements, formations et entraînements) - soit le quart du budget de l’armée sioniste. Les organisations de droits de l’homme ont constamment dénoncé cette gargantuesque aide qui fait des Etats Unis le complice des agressions israéliennes contre les Palestiniens. Les Etats Unis, disent ces ONG, ont la responsabilité de suspendre cette aide militaire jusqu’à ce qu’Israël arrête ses violations multiformes du droit dans les territoires occupés. Mais il n’y a pas que les ONG à adresser de telles demandes à l’Administration américaine. Un des plus influents sénateurs américains, le démocrate  Patrick Leahy, président de la Commission de défense au Sénat, face aux exécutions extra-judiciaires, à la démolition des maisons du village d’Oum el Kheir (31 Palestiniens et 16 enfants sans toit) et à celle des installations des bédouins du Néguev, aux punitions collectives, aux arrestations massives de mineurs et à la construction accélérée de colonies, demande au Secrétaire d’Etat John Kerry d’ouvrir une enquête en vue de déterminer si l’aide militaire américaine contribue à « ces violations des droits humains ». Ce qui a provoqué la fureur de Netanyahou. Le sénateur Leahy est notamment l’auteur d’une proposition de loi qui impose des restrictions à l’aide militaire US à Israël. Elle vise la marine israélienne et ses Shayetet 13 (unités d’élite), l’armée de l’air israélienne et ses Shaldag (unité 5101 de commandos aériens) ainsi que les unités d’infiltration Duvdevan. Le sénateur exige que ces équipements ne soient pas utilisés contre les Palestiniens ou pour réaliser des  violations des droits humains.

Pour Roger Cohen (The New York Times, 18 avril 2016) : « En toile de fond [de la campagne électorale], demeure le fait d’un gouvernement israélien imprimant une dérive droitière au pays, cap sur l’intolérance, vers la domination permanente d’un autre peuple et son humiliation pérenne. Un peuple opprimé se soulèvera. Les juifs, mieux que quiconque, connaissent les déchirements de l’apatridie. »
En conclusion, à l’heure où le candidat démocrate M. Bernie Sanders, le Département d’Etat et les sénateurs US condamnent d’une même voix les violations perpétrées à l’encontre du peuple palestinien en l’espace de quelques semaines, peut-on dire que le discours américain à propos du conflit israélo-palestinien est en train de changer?

Les Etats Unis prêchent la justice et la démocratie partout dans le monde… y compris dans la Tunisie post-14 janvier.  Le conflit Palestine-Israël demeure le meilleur indicateur de la sincérité de leurs prêches : il faut que les Etats Unis  contraignent Israël à rendre des comptes car il est responsable des plus graves abus vis-à-vis du peuple palestinien. Ils doivent faire la preuve qu’Israël n’est pas un porte-avion amarré au Moyen-Orient pour défendre leurs intérêts dans cette région.

Mohamed Larbi Bouguerra
 

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