News - 05.07.2014

Les circonstances des enlèvements de Becheikh et Gantassi

Depuis douze ans, Mohamed Becheikh n’a cessé de rêver d’intégrer le ministère des Affaires étrangères. Ne pouvant franchir le cap du concours d’entrée, il a sauté sur la première occasion qui lui était offerte en acceptant un poste de simple agent en recrutement local à l’ambassade de Tunisie à Tripoli. Il fera preuve de suffisamment de sérieux et d’abnégation, pour mériter la bonne appréciation de ses supérieurs et économiser au maximum pour envoyer une bonne partie de son salaire à sa famille restée en Tunisie. Lorsque, en cet inoubliable vendredi 21 mars 2014, il se fera braquer par des miliciens qui l’engouffreront, les yeux bandés et les poings liés dans la malle d’une voiture, il verra toute sa vie basculer. Dans cette Libye en plein chaos, où la Loi est bafouée, le sort des Hommes est du seul ressort de Dieu. Une longue et pénible descente aux enfers commencera pour lui. Enchaîné dans une petite pièce obscure, livré à lui-même dans des conditions d’alimentation, d’hygiène et de santé des plus basiques, traversé par toutes les craintes et peurs, déstabilisé dans son sommeil, il craignait le pire, à tout moment. Trimballé d’une cachette à l’autre, pas moins de huit fois, chaque transfert sera pour lui un nouveau cauchemar.

Il ne le saura que le jour de sa libération, un collègue à lui, Laroussi Gantassi, diplomate de carrière, affecté à l’Ambassade de Tunisie à Tripoli est lui aussi kidnappé et séquestré, séparément, dans la même maison. L’enlèvement de Becheikh avait incité le ministère des Affaires étrangères à renforcer les consignes de sécurité notifiées à l’ensemble du personnel de l’ambassade qui ont même été invités à résider au sein de l’ambassade s’ils le souhaiteraient. Guentassi a préféré continuer à habiter chez-lui, laissant cependant sa voiture portant une plaque diplomatique au code de la Tunisie, dans le parking de la chancellerie. Ce jeudi 17 avril 2014, veille de weekend en Libye, il a quitté sa maison à 9 heures du matin pour aller à pied rejoindre son travail.

Le parcours ne lui prenait pas plus d’un quart d’heure et lui semblait sans danger particulier. Une voiture civile était garée devant chez-lui. A peine a-t-il franchi le seuil de son domicile, qu'un Libyen sort de la voiture et le braque, arme au poing. Il le forcera à monter dans la voiture alors que son complice, installé au volant, démarrera en trombe. La voiture quittera rapidement le centre-ville et s’éloignera de la proche banlieue pour s’arrêter dans une zone inhabitée. Là, les ravisseurs lui mettront un bandeau sur les yeux et des menottes aux poings et lui retireront son téléphone portable. La voiture roulera pendant près de deux heures avant de s’arrêter devant une habitation que Gantassi n’arrivera pas à identifier. Il sera conduit alors dans une cachette, sans lumière, où il sera gardé, les yeux bandés et les pieds enchainés, pendant 15 jours. Puis, il sera transféré à une deuxième, puis troisième cachette.

Le grand chantage

Laroussi Gantassi n’arrivera jamais à identifier ses ravisseurs qui garderont toujours le visage caché et éviteront de lui parler longuement. Tout ce qu’il a pu comprendre, c’est qu’ils appartenaioent à un mouvement jihadiste hostile aux lois,  la démocratie, la constitution considérée comme un grand sacrilège et les régimes arabes en place. Pour les membres de ce mouvement, tous ceux qui travaillent pour ces régimes et appliquent leurs lois sont des mécréants et des « Taghouts ». Lorsque Gantassi demande à ses gardiens de lui fournir quelques livres, il ne recevra que des livres de propagande réalisés par ces groupes . Il reconnaît cependant avoir bénéficié d’un traitement correct. Souvent, ils lui feront  part de leur compassion faisant porter à son pays, la Tunisie, la responsabilité de son rapt.

Les ravisseurs de Becheikh et Gantassi n’ont pas tardé à leur révéler leurs revendications : obtenir en échange de leur libération, le rapatriement en Libye de deux ressortissants libyens impliqués dans l’attaque armée de Rouhia en avril 2013, condamnés à 20 ans de prison et détenus à la prison de la Mornaguia. Il s’agit de Hafedh Dhbaa, alias Abou Ayoub, et d’Imed Ellouaje Bad, alias Abou Jaafar Al-Liby. Du coup, les deux otages ont compris que leur sort est lié à cet échange, et que tout dépendra ainsi de l’acceptation des autorités libyennes. Pour exercer les pressions sur la Tunisie, les ravisseurs leur demanderont d’enregistrer un message vidéo adjurant les autorités de répondre favorablement à la demande de ses ravisseurs et de voler ainsi à son secours. La séquence vidéo a été enregistrée, mais guère transmises aux autorités tunisiennes ni diffusée sur les réseaux sociaux.

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