News - 06.07.2014

La stratégie gagnante pour libérer Becheikh et Gantassi

Dès qu’il a appris la première prise d’otage de Mohamed Becheikh, le 21 mars 2014, le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa a déjà réalisé l’ampleur de l’affaire, craignant  ses retombées possibles. Celle de Laroussi Gantassi, le 17 avril 2014, le confirmera dans ses craintes. D’abord, quant à la vie des otages, mais aussi en raison des menaces pesant sur d’autres diplomates, voire de simples tunisiens pouvant faire l’objet d'enlèvements en Libye et demandes de rançons ou d'échanges avec des détenus libyens. Mais, aussi, la détérioration des relations fraternelles entre les deux peuples et les éventuelles retombées  sur le million et demi de Libyens résidents en Tunisie. Le ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi, premier concerné, mais aussi ceux de la Défense, Ghazi Jeribi, de la Justice, Hafedh Ben Salah, de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou et de la Sécurité, Ridha Sfar, lui seront de bon conseil. Immédiatement une cellule de crise composée de représentant de haut rang des ministères concernés, de la présidence de la République (Mokhtar Chamekh et Mohamed Messi) et de celle du Gouvernement sera mise sur pied. Mongi Hamdi la réunira pratiquement chaque jour.

Dès le départ, une démarche professionnelle a été adoptée. Il fallait se placer de suite dans le cadre de la « Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques » (Annexée à la résolution 3166 (XXVIII) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1973. Entrée en vigueur le 20 février 1977). Trois volets devaient être activés : juridique, en portant plainte contre les ravisseurs, diplomatique, en mettant les autorités libyennes devant leurs responsabilités et politique, en saisissant le secrétaire général des Nations Unies. Ce qui fut fait sans délai.
Mais, était-ce suffisant ? Il fallait se lancer sur le terrain, essayer d’identifier les véritables ravisseurs, s’assurer que les otages sont en vie, entrer en contact avec les intermédiaires désignés et sonder leurs revendications. Viendra alors le temps des négociations, 

La mission n’était guère facile, surtout avec la multiplicité de fausses rumeurs et de fausses revendications. Dans cette jungle des milices et jihadistes de tous bords et toutes tribus, c’est un véritable business florissant des rapts qui s’installe en jouant le plus souvent au poker menteur. Toute une chaine se met en branle : il y a les commanditaires, les exécutants, les gardiens-géôliers, les intermédiaires, les négociateurs et finalement les livreurs si l’affaire est conclue et tout se termine bien.

Comment s’y retrouver ? La Tunisie n’a pas l’habitude de gérer pareilles affaires. Les règles de procédures sont à inventer. A Tripoli, l’ambassadeur, Ridha Boukadi, nommé sous le gouvernement de la Troïka, n’est ni un diplomate de carrière, ni un militaire en détachement. Son parcours de dirigeant au sein d’Ennahdha et ses longues années de prison l’ont hissé à ce poste. Jouissant de bons contacts en Libye notamment auprès des différentes formations de la mouvance islamiste, il a essayé de mettre son carnet d’adresses au service de la libération des deux otages. Discret, ne révélant à personne l’identité de ses contacts, il entretiendra constamment l'espoir d’un dénouement imminent.

Trois grands principes

Après une période de flou total, de premiers signaux parviennent des ravisseurs en empruntant une longue file d’intermédiaires. Point de rançon demandée, comme on pouvait s’y attendre, mais la libération des deux détenus libyens à la Mornaguia. Au moins, les autorités tunisiennes pouvaient alors voir clair et décider de la stratégie à adopter. En étroite collaboration avec la Kasbah, la cellule de crise définira les lignes de principes, guère franchissables:

  1. la sécurité des otages et l’impératif d’œuvrer pour leur libération et leur rapatriement
  2. le refus de négociation directe avec toute partie autre que les autorités officielles et le rejet de toute tentative de chantage
  3. Laisser la porte ouverte à tous les initiatives de bons offices et médiations officielles ou non-officielles.

Mais, ce n’était pas tout. Mongi Hamdi a établi un contact direct et permanent avec son homologue libyen, Mohamed Abdelaziz. Il recevra également régulièrement l’ambassadeur Mohamed Maaloul et le consul général de Libye à Tunis, Abderrazak Bousnina. Leurs efforts seront méritoires. Mais, le temps passe, et les négociations s’enlisent. La surenchère monte. L’ambassadeur de Tunisie à Tripoli croit savoir que les revendications portent désormais sur la libération de cinq détenus Libyens en plus.

L’enlisement

Au même moment, les pressions redoublaient sur MongiHamdi. « Pourquoi s’entête-t-il à ne pas répondre aux revendications des ravisseurs, comme l’a fait la Jordanie. Les Tunisiens sont-ils plus avisés que les Jordaniens ? », entend-on ici et là et lit-on en manchette de certains journaux. Les menaces se feront directes et personnelles : « Si un malheur arrivait aux otages, le ministre en assumerait  la totale responsabilité ».
En Tunisie, l’exaspération est totale. L’ambiance commence à se tendre surtout après la diffusion par certains groupuscules politiques de tracts pointant du doigt la communauté libyenne en Tunisie et la rendant sinon responsable, du moins complice par son silence sur ces deux rapts. Il fallait en terminer au plus vite avec cette affaire avant qu'elle ne devienne incontrôlable.

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