News - 18.02.2014

Rien ne va plus entre Nidaa Tounes et Al- Joumhouri

«C’est un menteur» a dit Béji Caid Essebsi en parlant d’Ahmed Néjib Chébbi. Il  n’en fallait pas plus pour que les relations entre les deux hommes déjà mauvaises deviennent «carrément exécrables» et entachent leurs deux partis. Surtout que quelques jours plus tard, Al-Joumhouri se retrouve exclu du Front du Salut pour la réunion qui devait annoncer la date de la fête de la victoire ayant conduit au départ du gouvernement de la Troïka  et de la ratification de la Constitution.

Après avoir claqué la porte de l’Union pour la Tunisie, cette alliance de partis conduite par Nidaa Tounès, le parti Al-Joumhouri vient de se voir mis au ban du Front du Salut dont les deux composantes sont l’UPT et Jebha Chaabia. A la dernière réunion de ce Front tenu samedi et qui a décidé de fêter le 1er mars prochain la victoire des manifestations estivales du Bardo ayant forcé le gouvernement de la Troïka à «dégager», il lui a été signifié qu’il n’en fait plus partie. Ce n’est pas tant un conflit entre les deux partis qui se situent dans la même mouvance politique de centre-gauche, qu’une incompatibilité d’humeurs entre deux hommes, Béji Caid Essebsi et Ahmed Néjib Chebbi.

Tous les deux sont habités par la même obsession: accéder à la présidence de la République. Depuis que Chebbi, ministre du développement régional dans le premier gouvernement d’après 14 janvier 2011a été prié par Béji Caid Essebsi nommé second premier ministre de la révolution de choisir entre rester au gouvernement et se présenter aux élections de l’ANC et qu’il a dû partir alors qu’il se trouvait bien dans un ministère qu’il avait créé, rien ne va plus entre les deux hommes. Battu à plate couture aux élections du 23 octobre 2011, le parti de Chebbi a rapidement choisi de faire partie de l’opposition au gouvernement conduit par Ennahdha. Le rêve de Carthage s’est évaporé mais l’obsession perdure.

A l’ANC, A. Néjib Chabbi trouve sur son chemin son frère ennemi Mustapha Ben Jaafar qui ne fait pas grand cas de l’homme en refusant de lui laisser le temps de parole qu’il revendique. Le président du comité politique d’Al-Joumhouri choisit le mutisme laissant à ses lieutenants, à son frère Issam et à la Secrétaire générale Maya Jéribi  le soin de porter la parole du Parti. Voulant être le chef incontesté de l’opposition, son rêve est brisé par le Chef d’Ettakatol. Mais c’est l’émergence du Parti Nidaa Tounés fondé par Béji Caid Essebsi qui viendra à bout de ce rêve. Très vite, ce parti devient incontournable sur la scène politique. Il ravit très vite la place de premier parti de l’opposition et son chef caracole dans les sondages parmi les «présidentiables» potentiels où Chebbi fait pâle figure. Alors que Nidaa voit son score en termes d’intentions de vote croître inexorablement, celui d’Al-Joumhouri baisse de façon tout aussi inexorable.

C’est que le Parti des Chebbi fait des volte faces sur des questions de plus en plus nombreuses contraignant ses adhérents et sympathisants à le quitter de plus en plus nombreux. En matière de démocratie interne, il ne brille pas par son attachement aux règles démocratiques. Les recrues de l’ex-PDP désertent le bateau. Par tactique Al-Joumhouri intègre l’UPT. A.N. Chebbi comptait en être le candidat à l’élection présidentielle. Il estimait que Béji Caid Essebsi était trop vieux pour lorgner  le palais de Carthage. Mais c’était compter sans la fixation du chef de Nidaa Tounes sur la même fonction. La goutte qui a fait déborder le vase, c’était lorsque le parti de BCE a accueill à bras ouvers une centaine d’adhérents du parti Al-Joumhouri et organisé une réception en leur honneur. Y compris des grosses pointures comme Saïd Aidi, ancien ministre de la formation professionnelle et de l’emploi. Trop c’est trop.

Les critiques envers BCE et son parti deviennent de plus en plus acerbes dans la bouche des Chebbi. Al-Joumhouri profite de la conjoncture pour se rapprocher du parti Ennahdha. Pour ennuyer Nidaa Tounes, son ennemi juré. Mais, quand les deux vieux chefs des deux partis Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi se réunissent à Paris et entament des concertations suivies, A.N. Chebbi crie sur tous les toits qu’un «marché pour le partage du pouvoir» a été passé entre Nidaa et Ennahdha. Dépité et conscient que l’Union pour la Tunisie roulera pour BCE, le chef d’Al-Joumhouri décide de quitter cette alliance. Rien ne va plus désormais entre les partis de B.C.E. et de Chebbi.Sur un plateau de télévision, Béji Caid Essebsi dit le mot de trop. Poussé dans ses derniers retranchements par un journaliste qui insiste sur le fameux «marché» entre Nidaa Tounés et Ennahdha, BCE nie avec véhémence. Pour enfoncer le clou, le journaliste sort l’argument qui tue. C’est Néjib Chébbi qui l’affirme, lui dit-il. C’est «un menteur», réplique sèchement BCE à brûle-pourpoint. Pour Chebbi et son parti, cela est carrément inadmissible. Joignant l’acte à la parole, décision est prise d’éjecter Al-Joumhouri du Front du Salut, cette coalition de formations politiques fondée pour pousser le gouvernement de la Troïka vers la porte de sortie. Ce front pourrait servir de front électoral pour les prochaines échéances.

L’argument est tout trouvé, c’est l’UPT qui est membre du Front du Salut et en en claquant la porte, le parti des Chébbi n’a aucune légitimité à y demeurer. Entretemps, les rapports entre le Nidaa et Al-Joumhouri  se sont détériorés un peu plus à la faveur du Dialogue national. A.N. Chebbi défend bec et ongles la candidature d’Ahmed Mestiri au poste de chef de gouvernement. BCE défend, lui, tous les autres candidats sauf celui d’Al-Joumhouri qui est aussi soutenu par Ennahdha et Attakatol, chacun pour une raison différente de celles des autres. C’est Mehdi Jomaa qui gagne finalement la mise. Cela n’a pas plu aux deux partis dont il n’était pas le candidat. Mais plus réaliste, Béji  Caid Essebsi décide très vite de donner son feu vert à la nouvelle équipe alors que Néjib Chébbi traîne les pieds. Mais il finit par céder en accordant un «soutien critique» au cabinet de Mehdi Jomaa. Prenant conscience de l’inégalité des forces en faveur de  Nidaa Tounés devenu une « machine » pour gagner aux prochaines élections, Chebbi n’a d’autre chance pour exister que d’être l’opposition de l’opposition. En s’opposant à Nidaa et à Béji Caid Essebsi, il pense préserver ses chances. Mais les dernières nouvelles de la fusion du parti des destouriens libéraux d’Amor Shabou au sein de  Nidaa Tounes, comme l’adhésion du parti  «Mouvement national» de Touhami Abdouli, un homme qui n’a pas la langue dans sa poche  à l’UPT ne sont pas pour lui plaire. Après l’avoir attaqué de l’intérieur en débauchant ses cadres, Nidaa Tounes fait à «Al-Joumhouri» la guerre de l’extérieur en lui fermant les portes des alliances futures.

Une guerre de tranchée. Mais A.N. Chebbi ne désepère pas pour autant. Les alliances il les fera avec d’autres partis. En premier lieu avec Ennahdha. La plateforme du 18 octobre 2005 est là pour démontrer que les deux formations peuvent travailler ensemble. Mais l’appel de Nidaa au parti islamiste est le plus fort. Car même s’il dit que son parti ne partage pas le même projet de société que le mouvement de Rached Ghannouchi, BCE n’exclut rien. C’est la raison de la colère du président du comite politique d’Al-Joumhouri contre «le marché» passé entre les deux partis pour le partage du pouvoir. Une alliance avec Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar est possible. Les deux partis sont de la même sensibilité de centre gauche. Mais les rapports entre Chébbi et Ben Jaafar n’ont jamais été bonnes, quand bien même ils ont tous les deux défendu la candidature d’Ahmed Mestiri au poste de chef de gouvernement. Les deux hommes se retrouveront, adversaires au scrutin présidentiel. Cela ne va pas faciliter les liens entre les deux formations. Après avoir perdu ses troupes en chemin et l’essentiel de ses alllés en cours de route, Al-Joumhouri et A.N.Chebbi se retrouvent-ils sur le bord du chemin. En dindon de la farce. Le président du comité politique du parti fera tout pour ne pas être dans cette situation.

R.B.R.

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