News - 13.10.2011

Que fait le piano à queue lors de la cérémonie de clôture de la Haute Instance de la révolution ?

Tout était inédit : la salle, la mise en place, le déroulé du programme, la qualité et le contenu de chaque séquence. Pour célébrer, jeudi au Bardo, la clôture de ses travaux, commencés dans l’indescriptible tumulte du 17 mars, la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution ne pouvait choisir meilleurs signes. Son président, le Pr Yadh Ben Achour, a su faire configurer les symboliques, faisant d’une attendue et classique cérémonie officielle sous la présidence du Président de la République en présence du Premier ministre, un évènement qui fera date. D’emblée, une question intrigue: mais que fait ce piano à queue dans la salle ? La réponse livre la clef du rébus. Moments exquis.

« Dites donc, il paraît que nous n’allons plus nous réunir ? » demande incrédule et déçu, d’une voix émue, un membre de la Haute Instance au Pr Ben Achour. Rassurant, celui-ci, contenant à peine ses sentiments, lui répond : « Si,  Si, pas au sein de la Haute Instance. Notre mission est terminée, même si la Haute instance n’est pas dissoute. Le décret-loi qui l’a constituée la maintient sur l’élection de l’assemblée Constituante », avant d'ajouter, énigmatique : «alors, nos travaux sont arrivés à leur fin, mais, nous allons certainement nous revoir, d’une façon ou d’une autre, au service de la Tunisie. »

Un bel ordonnancement

Sur les 155 membres désignés officiellement (au départ, iles étaient 77), plus d’une centaine étaient ravis de se retrouver ensemble, une dernière fois, comme des camarades de promotion, le jour de la fin de l’année universitaire. Le lieu choisi pour la cérémonie est exceptionnel : un grand hall d’honneur du Palais de la Chambre des Conseillers, jamais utilisé auparavant. Les membres étaient installés à gauche, avec au premier rang, Kamel Jendoubi, Abdessettar Ben Moussa, Mustapha Ben Jaafar, Maya Jeribi… Alors que la partie droite était réservée aux membres du gouvernement, le Chef d’Etat Major des Armées et d’autres invités : on reconnaît les ministres Mohamed Ennaceur, Abdelkerim Zbidi, Ridha Belhaj, le Général Rachid Ammar, MM. Mondher Rezgui, Férid Memmiche,  Taieb Youssefi, Lazhar Akremi…

Sur le podium devaient prendre place, les membres du bureau de la Haute Instance, à gauche des trois fauteuils réservés à MM. Foued Mebazaa, Béji Caïd Essebsi et Yadh Ben Achour. La symbolique est claire : on est loin du Président seul sur le podium, distant de tous.

60 minutes pour pérenniser six mois exceptionnels

En 60 minutes chrono, tout se déroulera « merveilleusement », comme le dira à Leaders l’un des invités. Le Pr Ben Achour ouvre la séance, avec une allocution aussi brève que bien ciselée, rappelant non pas les réalisations accomplies, mais la conversion d’un rassemblement d’opinions et d’intentions aussi diverses que diversifiées, en une convergence vers l’essentiel : les idéaux de la révolution, dans le consensus et le respect mutuel. Le retour sur ces six mois exceptionnels vécus par la Haute Instance, traversant souvent des moments de rupture et surmontant tant d’antagonismes, c’est Mme Latifa Lakhdhar qui s’en chargera. A lire impérativement.
Invité à s’exprimer au nom du groupe des Experts, Ghazi Gherairi, sera lui aussi, bref et bien inspiré. Ses mots clefs sont pacte républicain, cohésion, cohérence, convergence et consensus.

Pause de discours, le temps que le Rapporteur général de la Haute Instance, Belgacem Abbassi, remette solennellement, comme l’exige le décret-loi, le rapport officiel de la Haute Instance au Président de la République et une copie, au Premier ministre. En deux tomes, sous une reliure rouge, tout y est consigné.

La parole est alors au Président Foued Mebazaa qui n’a pas tari d’éloge sur l’œuvre accomplie, rappelant les conditions très difficiles qui avaient marqué le démarrage des travaux, le 17 mars dernier. Et de se féliciter de l’excellent climat qui a fini par s’installer, permettant d’aboutir à une œuvre remarquable, historique. Dernier paragraphe de son discours, il le consacre pour rassurer les Tunisiens quant à la pérennité des institutions de l’Etat, sans le moindre vide à craindre, au lendemain des élections du 23 octobre.

La poésie et la musique pour l’immortaliser

La partie officielle terminée, on devait passer à la séquence culturelle de la cérémonie. Mais, la sœur d’un martyr qui est également membre de la Haute Instance, s’est levée pour interpeller le Président de la République sur le sort réservé aux martyrs de la révolution et à leurs familles, exprimant son mécontentement à l’égard de l’inaction du gouvernement. Bondissant de son siège, le Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi, se chargera de lui répondre, avec d’ailleurs de bonnes nouvelles.

Place alors à la poésie. Quand on a la chance de compter parmi ses membres un poète de la trempe de Mohamed Seghaier Ouled Ahmed, il ne faut surtout pas se priver de lui céder la parole. Il fera un tabac.

On approche de la fin, et pour marquer la clôture de cette cérémonie historique, on ne peut ne pas chanter l’hymne national. Pas de manière mécanique, en doublage rituel sur un fond musical enregistré, comme cela se faisait sous l’ancien régime. Le Pr Yadh Ben Achour, fin mélomane, et adepte d’une rupture totale avec tous les symboles de la dictature a eu la bonne idée d’inviter une chorale de jeunes étudiants, pétillants de jeunesse et de talent, pour chanter, accompagnés d’une pianiste, d’une voix d’opéra, l’hymne national sous une tonalité digne de la Tunisie nouvelle. La salle applaudit et entonne elle aussi, encore une fois,«Houmet el Hima».

La symbolique du piano à queue a bien fonctionné. Les tiraillements du 17 mars qui auguraient de cyclones et séismes, ont fini par épouser l’harmonie d’une opéra à plusieurs voix, multiples tonalités, mais parfaite musicalité. « Que cette magnifique image finale sur laquelle se terminent les travaux de la Haute Instance, soit aussi le début d’une nouvelle page dans l’histoire de la Tunisie, démocratique, libre et moderniste », souffle à Leaders un invité encore sous le charme et l’émotion du moment.

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