Portraits croisés des BRICS : Ambitions, divergences et rapports de force

Par Elyes Ghariani
La Chine: Moteur du bloc et architecte d’un ordre parallèle
La Chine constitue l’épicentre économique des BRICS. Avec un PIB de 18,56 trillions de dollars en 2025, elle domine le groupe et s’affirme comme la deuxième puissance mondiale. En parité de pouvoir d’achat, elle surpasse même les États-Unis, consolidant sa position centrale dans l’orientation stratégique du bloc.
Sur le plan géopolitique, Pékin instrumentalise les BRICS comme levier de résilience face aux pressions occidentales. La plateforme devient un vecteur d’un multilatéralisme alternatif, fondé sur la coopération Sud-Sud et la remise en cause des normes établies. L’Initiative la Ceinture et la Route, à laquelle adhèrent la majorité des membres – à l’exception notable de l’Inde et du Brésil – illustre cette ambition d’influence mondiale articulée autour d’une nouvelle architecture internationale centrée sur la Chine.
L’Inde: L’équilibriste stratégique à la double appartenance
Avec une croissance estimée à 6,2 % en 2025, l’Inde s’impose comme future troisième économie mondiale, portée par un secteur tertiaire dynamique et une démographie jeune. Mais c’est sur le plan géopolitique que New Delhi se distingue, en cultivant une posture hybride entre l’Orient et l’Occident.
Membre du Quad aux côtés des États-Unis, du Japon et de l’Australie, tout en maintenant des relations solides avec Moscou, l’Inde refuse de s’aligner pleinement. Cette stratégie d’équilibre engendre des tensions au sein des BRICS, notamment avec la Chine, son principal rival régional. Les différends frontaliers et la compétition pour le leadership du Sud global fragilisent la cohésion du groupe et révèlent des visions opposées de l’ordre international.
La Russie: Alliée sous pression et acteur de rupture
Pour la Russie, les BRICS représentent une bouée diplomatique face à l’isolement occidental. Le groupe constitue un espace d’échanges et de légitimation, permettant à Moscou de contourner les sanctions, de défendre un récit alternatif, et de renforcer ses partenariats hors de la sphère euro-atlantique.
Mais cette ambition se heurte à des fragilités structurelles. L’économie russe, fortement dépendante des hydrocarbures et peu diversifiée, limite sa capacité d’influence durable. Si sa puissance militaire et sa capacité de nuisance demeurent significatives, sa place au sein du groupe repose davantage sur sa valeur stratégique que sur sa performance économique.
Brésil et Afrique du Sud: Entre ambitions régionales et vulnérabilités internes
Le Brésil, moteur de l’Amérique latine, s’appuie sur une économie diversifiée et une agriculture de classe mondiale. Toutefois, l’instabilité politique récurrente nuit à la lisibilité de sa politique étrangère et limite son rôle d’impulsion au sein du groupe.
Quant à l’Afrique du Sud, première puissance économique du continent africain, elle ambitionne de jouer un rôle de passerelle entre les BRICS et l’Afrique. Mais les inégalités sociales persistantes, le chômage structurel et la faible croissance (3,4 % attendus en 2025) contraignent sa capacité de projection régionale.
Les BRICS forment ainsi un ensemble unique, rassemblant des trajectoires nationales profondément contrastées. Cette hétérogénéité constitue à la fois une richesse — reflet de la diversité du Sud global — et une faiblesse, tant elle complique l’élaboration d’une vision stratégique commune. La multipolarité que le groupe incarne reste donc marquée par des tensions internes, qui conditionneront sa crédibilité et sa capacité à peser face aux grandes puissances traditionnelles.
A suivre
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Elyes Ghariani
Ancien ambassadeur
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