News - 18.01.2024

Fille de Tunis: Une passionnante histoire, aussi celle de la France avec la Tunisie

Fille de Tunis: Une passionnante histoire, aussi celle de la France avec la Tunisie

L’indolence de la vie à Tunis dans les années 1940-1950, la dégringolade après l’exil en France à partir de 1961… Arlette, fille très particulière depuis son jeune âge, fugueuse, que son père, militaire, lassé de la chercher, devait attacher à un figuier, restera toute sa vie attachée à un homme, par un homme. Le récit de sa vie, une vie turbulente, peu conventionnelle, est celui d’une famille française de Tunisie, qui éprouvera une forte brisure lorsqu’elle a dû quitter le pays natal, et subir en France les épreuves d’une descente aux enfers. L’accueil était très difficile, peu agréable, comme s’il ne s’agissait pas de Français. En romancière talentueuse, mais aussi en petite fille attachée à sa grand-mère, Olivia Elkaim raconte dans Fille de Tunis, paru aux éditions Stock, une histoire de famille certes, mais aussi quelque part une histoire de Tunisie, une histoire de France.

Avec «Le tailleur de Relizane» (Stock, 2020), elle était partie à la recherche de la branche algérienne de sa famille, en plongeant dans la vie de ses grands-parents, en pleine guerre d’Algérie. Son grand-père Marcel, tailleur, sera au centre de son roman. La passion et le talent y sont, le récit est merveilleusement construit, tenant en haleine le lecteur. Olivia Elkaim continuera sur la même lancée, mais cette fois, pour nous raconter la branche tunisienne de ses aïeuls. Sa grand-mère Arlette lui fournira un personnage exceptionnel, haut en couleur. Fille indomptable, femme magnifique, et mère particulière, elle exercera son charme en épouse merveilleuse à Tunis. Son mari, qui était chauffeur à la Résidence de France et témoin de moments forts vécus avec des Résidents généraux qu’il conduisait, lui ouvrait largement les portes de grands bals à la Résidence.De cette vie insouciante, elle connaîtra de plein fouet l’exil à Marseille, l’addiction au jeu, la dive bouteille, l’endettement… Jusqu’à l’attachement à un second homme partageant avec lui et son mari le même toit. Elle l’épousera après la mort de son mari et l’éreintera par ses fugues fortement arrosées. Il se résoudra alors à l’attacher au lit…

Un destin qui n’a rien d’exceptionnel, comme dira Olivia à Leaders, mais qui est exceptionnel.

Patiemment, le roman se noue, l’intrigue se construit, les personnages sont dépeints jusque dans leurs humeurs et leurs émotions, les lieux sont décrits avec précision, les saveurs et les odeurs se font sentir… Journaliste de profession, Olivia Elkaim n’a rien oublié des techniques de l’enquête, du reportage et de l’interview, apprises au Centre de formation des journalistes (CFJ) et exercées au long d’une brillante carrière. Mais elle a gardé tout cela au fond de sa mémoire pour laisser son talent de romancière s’épanouir au gré d’un récit haletant et d’une plume soignée. La part de la réalité est difficile à distinguer de la fiction. L’ensemble est merveilleux.

Tout ne s’était pas bien passé dans l’histoire des relations entre la Tunisie et la France, affirme Olivia Elkaim, déplorant que cette histoire soit peu connue en France. «Il y a quand même une histoire à regarder en face, confie-t-elle à Leaders. Si on ne regarde pas en face cette histoire-là, nous les Français, il y aura éternellement une guerre de mémoire. Quand on ne peut pas s’adosser à un passé, on ne peut pas aller vers l’avant.»

Fille de Tunis
de Olivia Elkaim
Stock, 2023

 

Lire aussi

Dans son nouveau roman «Fille de Tunis», Olivia Elkaim rapporte un témoignage inédit sur l’assassinat de Farhat Hached