News - 05.12.2020

Des zones humides saines: A préserver et à promouvoir

Des zones humides saines: A préserver et à promouvoir

C’est un grand poumon naturel qui ventile la Tunisie, préserve sa biodiversité et abrite un patrimoine exceptionnel d’espèces végétales terrestres et aquatiques ainsi que d’oiseaux. Les zones humides qui s’étendent sur 1.250.200 ha, couvrant ainsi 8% de l’ensemble du territoire, soit le taux le plus élevé dans le bassin méditerranéen, sont un don du ciel, pour leur partie naturelle et l’œuvre des hommes et des femmes pour leurs composantes artificielles. C’est la meilleure réponse naturelle aux crises de la biodiversité, de l’eau et du climat.

L'impact des zones humides, outre la biodiversité, est multiple: scientifique, social, économique, culturel, éducatif et récréatif. Les menaces d’origine anthropique directe ou de phénomènes naturels aussi:

mobilisation et captage de l’eau dans les bassins versants,

déversement de déchets solides et liquides,

aménagements urbains empiétant sur les zones,

mise en place d’infrastructures de transport,

intensification des cultures et des élevages,

pollution chimique par usage excessif des pesticides.

sècheresse. 

Comment les préserver de toute atteinte et dégradation ? «Au cœur du dispositif agissant, la Direction générale des forêts, relevant du ministère de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la Pêche, est à pied d’œuvre avec les différents départements ministériels concernés ainsi que la société civile», affirme à Leaders son chef, Mohamed Boufaroua. Une stratégie nationale est mise en oeuvre pour agir à deux niveaux, ajoute-t-il,

1. faire face à la dégradation des zones humides tunisiennes et assurer leur préservation en tant que patrimoine naturel et habitat pour de nombreuses espèces

2. assurer une utilisation rationnelle des zones humides pour le bénéfice des générations actuelles et futures.»
Cet effort déployé par les pouvoirs publics, et soutenu par des partenaires internationaux, ne saurait s’accomplir, cependant, sans l’implication active de la société civile, souligne Hela Guidara Selmen, sous-directrice en charge du dossier.

Voyage au cœur des zones humides

Les zones humides sont des écosystèmes clés, riches en biodiversité et en carbone, qui jouent un rôle important pour prévenir et réduire l’impact des catastrophes naturelles. Ce sont des étendues de lacs, de sebkhas, de marais, de fagnes, de tourbières, ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes, ou temporaires où l’eau est statique ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris les rivages fréquentés par les oiseaux d’eau selon l’article 224 du code forestier. 

La Tunisie compte 231 zones humides naturelles réparties en 11 catégories (inventaires des zones humides, 1989) et 941 zones humides artificielles. Parmi les types de zones humides les plus caractéristiques de la Tunisie, on trouve les lagunes côtières (Ghar el Melh, Korba, Tunis, Boughrara), les chotts (Chott Jerid), les sebkhas (Sijoumi, Halk el Menjel, Naouel, Adhibet) et les oasis (Nefzaoua, Jerid, Gabès).

Plusieurs zones humides tunisiennes bénéficient du statut de conservation, de protection ou de gestion, notamment à travers les mesures et actions de la Direction générale des forêts (DGF), l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (Apal), l’Agence nationale de protection de l’environnement (Anpe) et les organisations non gouvernementales de protection de l’environnement.

Pour renforcer la protection des zones humides, la Tunisie a adhéré en 1981 à un traité international visant à conserver les zones humides de la planète, il s’agit de la Convention Ramsar. C’est ainsi qu’elle a inscrit Ichkeul en tant que son premier site Ramsar en 1981 et, depuis cette date et grâce aux efforts conjoints de la DGF et du Fonds mondial pour la nature (WWF Tunisie), on compte 41 sites d’importance internationale enregistrés sur la liste Ramsar.

Malgré ces efforts de conservation et les innombrables services qu’offrent les zones humides, elles restent de plus en plus menacées, selon le Rapport Planète Vivante 2020 du WWF. Un déclin moyen de 84% est observé parmi les espèces des zones humides depuis 1970, ce qui signifie que 1 sur 3 espèces dans les zones humides est menacée d’extinction.
La dégradation de l’habitat par la pollution et les modifications apportées au débit des rivières et des lacs, ainsi que la surexploitation, ne sont que quelques-unes des menaces auxquelles les espèces d’eau douce sont confrontées.

Il est nécessaire d’agir en urgence pour protéger et utiliser de manière durable les habitats des zones humides. En Tunisie, plusieurs projets de conservation des zones humides sont réalisés comme le projet Gemwet (Conservation et développement durable des zones humides côtières à haute valeur écologique) qui est mis en œuvre à Ghar el Melh par le WWF avec la DGF, l’Apal et un consortium d’organisations nationales et internationales pour conserver le complexe lagunaire de Ghar el Melh (https://www.wwf.tn/nos_projets/gemwet/)

Pour aider à protéger ces écosystèmes naturels fragiles, il est utile d’adhérer aux associations environnementales dans les régions et d’exercer le droit citoyen en incitant les élus locaux à instaurer la bonne gouvernance des ressources naturelles et plier la courbe pour les zones humides.

Une richesse précieuse

En Tunisie, les zones humides abritent 260 espèces végétales terrestres, 50 espèces végétales aquatiques et 140 espèces d’oiseaux dont la plupart sont migratrices. Elles accueillent annuellement, en hiver, plus de 500 000 oiseaux provenant d’Asie et d’Europe. A titre d’exemple, la Tunisie abrite en moyenne annuellement 250 000 canards et foulques au mois de janvier, soit 58% de la population maghrébine et 25 000 flamants roses, soit le tiers de la population méditerranéenne.

Les zones humides naturelles sont au nombre de 211 dont les principales sont classées comme suit:

54 sebkhas permanentes ou temporaires, localisées principalement au centre et au sud tunisien

31 garaets ou lacs intérieurs d’eau douce répartis sur tout le pays

7 chotts caractérisant le sud tunisien

1 tourbière localisée à Dar Fatma, près d’Aïn Drahem

64 oueds dont 10 permanents et 54 temporaires répartis sur tout le pays.

Quant aux zones artificielles, elles sont au nombre de 866, constituées notamment de : 

barrages

barrages collinaires

lacs collinaires

les salines.

Un engagement collectif à déclencher

Diverses réalisations sont accomplies. Elles consistent en des travaux de plantation des berges et des bassins versants, correction et travaux de CES, fixation des dunes, contrôle de la chasse, gardiennage, contrôle préalable et autorisation pour tous les travaux, études d’aménagement et études d’impact, comptage des oiseaux, aménagement hydraulique et paysager, développement de l’aspect récréatif et installation de panneaux signalétiques.

De plus, de nombreux projets sont promus. Il s’agit notamment de celui relatif à la «Promotion de la valeur des zones clés pour la biodiversité à travers l’implication des organisations de la société civile dans leur conservation en Tunisie’’ portant sur le Parc national de l’Ichkeul et la Sebkha de Sidi Mansour (gouvernorat de Gafsa). D’autres plus orientés sur l’écotourisme ou la gestion durable des écosystèmes oasiens méritent une mention. Aussi, le projet de développement d’activités écotouristiques pour la conservation de la biodiversité au Nord de la Tunisie, réalisé avec l’association «Les Amis des Oiseaux» (AAO), fait-il référence.

Stratégie nationale, études approfondies, projets opérationnels participatifs et sensibilisation du public: rien n’est épargné. Mais, les impératifs restent immenses et exigeants. Un engagement collectif est à déclencher.