News - 17.10.2020

Hamed Karoui: la chasse, ma passion

Hamed Karoui: la chasse, ma passion

Par Hamed Karoui - La passion de la chasse n’est pas l’apanage des Karoui, c’est à la famille de ma mère, les Noureddine, que je la dois. Avec une petite carabine, dès l’âge de 15 ans, j’ai commencé à apprendre le tir. Mon oncle Ahmed Noureddine, mon aîné d’une quinzaine d’années, s’est fait fort de m’inoculer ce bon virus qui allait m’accompagner toute ma vie. Depuis lors, la chasse était devenue un rituel que je suivais au fil des années avec autant de vénération que de plaisir.

À vrai dire, l’avant-goût de cette passion avait été pour l’enfant que j’étais, le souvenir bien agréable de perdreaux que mes oncles ou mon grand-père rapportaient, surtout quand ma mère ou ma tante en faisaient une sauce au cumin dont tout le monde était friand.

Une fois par semaine, le dimanche, nous oublions notre statut, nos soucis, notre activité habituelle, pour ne songer qu’aux joies de l’air libre à la trousse d’un bon gibier. On était à pied d’œuvre dès cinq heures du matin, pour se retrouver chez le marchand de beignets. Dans la froidure matinale, nous apprécions le chaud crépitement de ce qui allait nous être servi, beignets simples ou agrémentés d’un œuf. On disposait chacun d’une grande assiette où trône un beau et resplendissant beignet dont on trempait chaque morceau dans une petite soucoupe, au choix, pleine de sucre ou de miel. Le milieu du beignet, léger et croustillant, on le réserve pour la fin.

Cette douce musique de crépitement de l’huile, nous allons l’écouter en cours de journée sous d’autres modulations, sans doute plus fortes, mais surtout mortifères pour ces êtres volant ou galopant parmi les broussailles, que nous adorons, mais qui à notre grand regret, doivent être sacrifiés par nos mains, comme cela, semble-t-il, est écrit là-haut !

Quiconque nous voit sur le départ, quittant la gargote du marchand de beignets, ne saurait distinguer qui est le chauffeur, le ministre, l’ingénieur ou le simple petit fonctionnaire. Habillés de la même manière, une version toute proche d’un accoutrement militaire, destinée sans doute par ses couleurs, à nous confondre avec la nature. Une manière de passer inaperçus, face à nos victimes convoitées. Au-delà de toute différence sociale ou intellectuelle, nous formions une sorte de corporation égalitaire, qui a le même credo, la même éthique et un sens affiné de la solidarité. Celle-ci se cristallise par une volonté de partage et d’échange, sans calculs ni protocole. C’est ainsi qu’en prévision d’un bon repas sur l’herbe, chacun se pourvoit d’une gamelle remplie de provisions de bouche, boulettes ou merguez, ou tout autre chose, comme le couscous apprêté de différentes manières, pour un délicieux échange après une éprouvante battue. De même, pour les besoins de la chasse, certains mettent les chiens appelés à lever le gibier à la disposition de tous.

Les plaisirs qu’offre la chasse à ceux qui en sont amateurs et la perspective des mets délicats dégustés quand on rentre avec une gibecière bien remplie, sont à coup sûr légitimes. Mais il n’empêche que le spectacle d’un bel oiseau tournoyant dans le ciel avant de s’abattre sur le sol, est sans doute moins agréable. Et c’est avec un pincement au cœur que je voyais ces belles et innocentes bêtes, payer le cruel tribut de notre bon plaisir.

Nous pratiquons la chasse selon différentes modalités, en fonction des saisons, mais aussi des circonstances et peut-être aussi de notre humeur. La vraie chasse, celle à laquelle on s’adonnait volontiers, concerne les perdreaux, les tourterelles et les lièvres en été, et la grive en hiver. Une saine émulation prévaut entre nous. Mais chaque fois que l’un du groupe manque son coup, la blague classique, c’est que l’oiseau a la vie longue.

La chasse aux sangliers, en revanche, relève d’un autre registre, elle ne cesse de susciter l’émotion, car la conscience du danger que nous courons à les traquer ne peut laisser imperturbable le plus courageux d’entre nous.

La partie de chasse se termine parfois par un bon couscous à l’agneau. Quant aux sangliers abattus, ce sont les locaux qui s’en chargent pour les consommer ou les vendre aux hôtels, car les touristes en sont friands.

Mes virées du dimanche, proches ou lointaines, sont toujours une fête, agrémentées qu’elles sont par des compagnons aussi passionnés que moi de chasse, quel qu’en soit le genre. On y trouve un moyen de nous dégourdir les muscles après une semaine casanière et on y respire, à pleins poumons, l’air pur dans un espace non pollué par les machines modernes. Le rituel de la chasse, le dimanche matin, était d’autant plus réjouissant qu’il était agrémenté par la perspective d’un match auquel je devais assister soit directement, soit à la télé.

Parmi l’ambiance festive de la chasse, il me souvient d’une petite mésaventure, sans conséquences graves, fort heureusement. De jeunes parents non experts viennent parfois nous accompagner. L’un d’eux par mégarde, et sans observer les règles habituelles de prudence, a tiré en éclaboussant par des éclats un autre jeune parent. Ce qui a nécessité l’extraction de ces éclats éparpillés sur une partie de son corps. C’était là, sans doute, le seul mauvais souvenir.

Hamed Karoui

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