News - 07.07.2020

Mourou : ça s’en va et ça revient

Mourou : ça s’en va et ça revient

Au-delà de l’acte, sa date est, elle aussi, significative. Ne voulant rempiler à l’orée de la 40e année du dépôt, le 6 juin 1981, de la demande officielle de constitution du Mouvement de la tendance islamique (MTI), dont il est cofondateur avec Rached Ghannouchi et Hmida Ennaifar, cheikh Abdelfettah Mourou annonce son retrait d’Ennahdha. A 72 ans, depuis sa naissance le 1er juin 1948… Ancien premier vice-président de l’ARP, qui aurait pu assurer l’intérim le 27 juin 2019 du président Mohamed Ennaceur, alors légèrement souffrant, tandis que le président Béji Caïd Essebsi était en soins intensifs à l’Hôpital militaire, il se serait alors bien positionné en cas de vacance du pouvoir à la présidence de la République, pour s’installer en intérimaire à Carthage. Vous pouvez alors imaginer la suite. Sauf qu’Ennaceur regagnera immédiatement le Bardo et qu’Essebsi reviendra à Carthage. Mourou jurera alors fidélité.

Comme lot de consolation, Cheikh Abdelfettah obtiendra cependant la présidence, mais celle par intérim de l’ARP. Pendant 3 mois et 19 jours, du 25 juillet au 13 novembre 2019. Ennaceur s’était installé à Carthage comme président de la République par intérim. Le jour de la passation, le 23 octobre 2019, avec le nouveau président élu, Kaïs Saïed, il regagnera directement son domicile et ne retournera pas au Bardo. Au grand bonheur de Mourou qui affichera alors dans son palmarès la présidence de l’ARP.

C’est au nom de cette même fidélité qu’il tiendra à marcher à pied derrière le cercueil de celui qu’il a toujours appelé « mon ami » (Béji Caïd Essebsi), le jour de ses funérailles, le 29 juillet dernier. Il faut dire que les relations entre Caïd Essebsi et Mourou ont toujours été cordiales et leurs échanges ponctués d’humour.

En fait, cheikh Abdelfettah Mourou a eu des relations tumultueuses avec son parti, Ennahdha, avant 2011 et après. Son implication dans les instances n’était pas toujours à l’eau de rose. C’est souvent Rached Ghannouchi qui l’imposera, cahin-caha. En 2011, Mourou devait conduire une liste indépendante aux élections du 23 octobre pour la Constituante. Défaite cuisante, scellée par moins de 3 000 voix. Repêchage, on lui a assuré qu’il fera partie du gouvernement Hamadi Jebali et il s’était présenté le 22 décembre 2011 à 15 heures au Bardo pour l’obtention de l’investiture de l’ANC. Apprenant qu’il n’aura pas de portefeuille ministériel, mais juste un statut de conseiller auprès du chef du gouvernement, avec rang de ministre, il claquera la porte et quittera la Coupole.

Au congrès de 2012 au Kram, Ghannouchi fera de Mourou son vice-président. Sans attributions effectives. Et à celui de 2016 à Radès, il le fera monter avec lui sur le podium pour accueillir Béji Caïd Essebsi. Entre-temps, Mourou était élu à l’ARP et imposé comme 1er vice-président. Dernier épisode, il est poussé à candidater en septembre 2019 à la présidence de la République. Echec, avec le sentiment d’avoir été trahi par les siens.

Habitué aux allers-retours en mode Claude François, «Ça s’en va et ça revient», Mourou semble cette fois prendre définitivement ses distances avec les instances d’Ennahdha. Il libère ainsi la voie aux autres qui lorgnent le congrès promis à l’automne prochain.