News - 01.08.2019

Béji par Caïd Essebsi: BCE au miroir de son propre parcours

Béji par Caïd Essebsi: BCE au miroir de son propre parcours

Non encore remis de leur deuil, les Tunisiens se découvrent une nouvelle passion pour Béji Caïd Essebsi. Ils réalisent tout à coup qu’en fait, ils ne le connaissent presque pas. Les jeunes générations sont excusées, moins, leurs aînés. Un peu, toutes proportions gardées, comme Bourguiba, qui n’a été «re-connu» que ces toutes dernières années. De BCE, ils n’ont en tête que des images récentes, datant de l’après-14 janvier 2011, avec de brefs flash-back sur sa carrière politique. Ils ne savent que le peu de propos qu’il tient sobrement sur lui-même. Rien ou presque sur ses origines familiales, son enfance, sa jeunesse, son arrivée aux côtés de Bourguiba.Pourtant, un document de première main, écrit par le président lui-même, y revient avec des éclairages intéressants. C’est le livre qu’il avait consacré à son leader et Combattant suprême, intitulé  «Habib Bourguiba, le bon grain et l’ivraie. Unique ouvrage portant sa signature, il l’avait publié en 2009, chez Sud Editions.

«Je dédie ce livre, écrit-il, à la jeunesse de mon pays qui n’a pas vécu les événements ayant conduit à la renaissance de la Tunisie indépendante, dans l’espoir qu’elle y trouve des éléments de réponse aux questions qu’elle se pose et des raisons de croire dans l’avenir.»

Pressé par de nombreux amis à apporter son témoignage sur Bourguiba, Caïd Essebsi cédera finalement aux sollicitations de l’éditeur Mohamed Masmoudi, fondateur de Sud Editions; n’oublions pas que c’était sous le régime de Ben Ali… «Il m’a convaincu d’apporter mon témoignage relativement à une période charnière de l’histoire de la Tunisie et s’est engagé à le publier…», lui rendant hommage ainsi qu’à «l’Ambassadeur Ahmed Abderraouf Ounaïes qui a été pour moi un partenaire intellectuel précieux».

Pourquoi ce témoignage, pourquoi revenir sur les origines fondatrices?

Avant de s’attaquer à la rédaction de la première ligne de son livre, BCE, intuitif, rappellera cette sourate XIII-17 du Coran : «L’écume se disperse au gré du vent, quant à la matière, utile aux hommes, elle imprègne le sol pour le féconder.» Le lecteur en prendra tout le sens.

«Habib Bourguiba était au centre non par le seul pouvoir qu’il exerçait, mais par l’ampleur du projet dont il est porteur et qui confère son sens et sa cohérence à l’action du gouvernement et à la réforme profonde qui a renouvelé et modernisé la Tunisie au point de la distinguer radicalement du paysage social et politique qui dominait alors le Maghreb et qui, aujourd’hui encore, domine la scène régionale.» Rien que pour cette raison, son disciple justifie son devoir de mémoire.

Tout cela m’a marqué et m’a incité à la modestie

Dans un premier chapitre, il revient sur ses origines et son parcours, alors qu’il avait toujours refusé de le faire. «En réalité, je n’aime pas parler de moi-même, écrit-il. Ce n’est pas par fausse modestie, mais l’expérience de la vie, ma connaissance de mon pays – je peux dire que je le connais de long en large – et surtout ma connaissance des hommes, ceux qui ont lutté pour l’indépendance et qui, parfois, ont sacrifié leur vie pour cette cause, m’ont appris une double leçon de modestie et de courage. Quand je reconsidère les responsabilités que j’ai assumées et quels hommes ont édifié la Tunisie actuelle, comme je sais où nous avons commencé et notre inexpérience commune, et comment avons-nous pu parvenir à ce résultat : tout cela m’a marqué et m’a incité à la modestie.»

«J’ai eu beaucoup de chance»

«Et quand je prends la mesure de la foi et de la sérénité des martyrs, dont je vois encore le regard la veille du jour ultime, poursuit-il, je réalise qu’ils m’ont communiqué à jamais un message d’engagement et de courage, celui de vivre sa conviction jusqu’au bout, c’est-à-dire, au fond, de dire, d’agir et d’assumer quoi qu’il en coûte. C’est ainsi qu’à certains moments de la vie, je fonce, je m’engage totalement. Mais quand je m’efforce d’évaluer ma propre contribution, que beaucoup ont appréciée, et que je compare avec les sacrifices des autres, je me dis qu’en réalité j’ai eu beaucoup de chance.»

Bonnes feuilles d’un document exceptionnel à lire.

Habib Bourguiba, le bon grain et l’ivraie De Béji Caïd Essebsi
Sud Editions, 2009, 516 p. 25 DT

(Traduit en langue arabe)