News - 05.06.2019

L’incontournable Mister Kacem : 40 ans d'affilée à la mission de Tunisie auprès de l'ONU à New York

L’incontournable Mister Kacem!

Au 3e étage de cette bâtisse qui, au 31 Beekman Place, abrite le siège de la mission tunisienne auprès de l’ONU à New York (NY), son bureau est à la fois un passage obligé et un havre de paix où tous les problèmes trouvent solution. Noureddine Kacem, qui a aligné jusqu’à fin 2015 quarante années d’affilée au sein de la mission, en est à la fois la mémoire vive et la cheville ouvrière, en soutien à toutes les équipes. Chargé du protocole, des relations publiques, de la coordination avec le secrétariat général de l’ONU, mais aussi la mission permanente des Etats-Unis faisant fonction de branche du Département d’Etat pour la gestion du cadre diplomatique accrédité à New York, il avait accès partout. En quarante ans de service à la Mission, pas moins de quatorze ambassadeurs représentants permanents (certains qui retournent pour une deuxième ou troisième affectation, quelques années plus tard, comme Mahmoud Mestiri, Taieb Slim ou Ali Hachani) le retrouvent toujours fidèle au poste. Mais aussi, plusieurs dizaines de diplomates en poste et des milliers de visiteurs de tous rangs qu’il a vus défiler. Et sans doute apporter sa précieuse assistance. Des formalités d’accréditation à l’introduction dans les méandres de l’ONU, à la présentation aux acteurs significatifs, c’est Mister Kacem, comme on l’appelle partout, qui débloque les situations, guide dans les entrailles de l’ONU, mais aussi à New York, fait les présentations et règle tout.

Grâce à un vaste réseau d’amis

Généralement, le ministère des Affaires étrangères sélectionne de jeunes diplomates prometteurs qu’il envoie en poste à New York pour renforcer le staff. Ce passage fort instructif déterminera leur carrière et la plupart d’entre eux seront quelques années plus tard nommés ambassadeurs. La liste est bien longue. S’ils expriment reconnaissance et gratitude à leurs ambassadeurs, ils ne sauraient omettre l’amitié et la disponibilité que leur avait témoigné (et continue aujourd’hui encore) Noureddine Kacem, qui les avait chaperonnés à NY.

Assemblée générale annuelle et grandes conférences, affluence des délégations tunisiennes conduites souvent par le ministre des Affaires étrangères, lorsque ce n’est pas le chef de l’Etat lui-même. Imaginez alors tout le travail que cela représente. Et surtout des situations de dernière minute, souvent inextricables. Mais, Noureddine Kacem sait s’y prendre et surtout compter sur ses nombreux amis, un peu partout placés.

Comment avait-il fait pour débarquer à New York? A la nage, sourit-il. De son île natale, Kerkennah, il a toujours aimé prendre le large et aller loin. Féru de relations internationales et de diplomatie, il mettra le cap, dans les années 70, sur les Etats-Unis et parviendra à rejoindre la mission tunisienne auprès de l’ONU. A l’époque, l’ambassadeur était Rachid Driss (qui avait été en poste à Washington de 1964 à 1969). C’est auprès de lui qu’il fera ses premières armes, à la bonne école. Parti pour quelques années, Noureddine Kacem restera 40 ans. Sans relâche, scotché par NY, enthousiasmé par les rebondissements à l’ONU, mû par l’idéal de servir la Patrie.

Comment loger Arafat que tous les hôtels refusaient d’héberger

L’actualité brûlante ne manque pas et il en sera bien servi. Les premières années de la Chine après son admission le 25 octobre 1971 à l’ONU, le discours historique de Yasser Arafat le 13 novembre 1974, la prise d’otages américains à Téhéran (du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981), la guerre d’Irak, l’invasion du Koweït le 2 août 1990 et tant d’autres moments chauds trouvent leur pleine résonance dans la Maison de verre. Sans oublier les évènements en Tunisie, notamment l’attaque israélienne contre Hammam-Chatt (1985) ou l’assassinat d’Abou Jihad (1988). La visite d’Arafat à l’ONU (1974) n’était pas facile à monter. Nabil Chaath devait arriver le premier en précurseur. Porteur d’un passeport diplomatique tunisien, c’était à Noureddine Kacem d’aller l’accueillir à l’aéroport, puis de régler nombre de questions d’intendance, à commencer par l’hébergement du leader palestinien et de sa délégation. Aucun hôtel ne voulait les accueillir, arguant des raisons sécuritaires. Accord fut alors trouvé pour aménager un espace spécial pour eux dans les locaux de l’ONU et les y héberger.

Le 11 septembre 2001 sera une journée particulière pour Noureddine Kacem. En sortant de sa maison à Manhattan, il avait vu le maire de New York, Rudy Giuliani, qui habitait dans les parages, quitter précipitamment son domicile, l’air affolé. En ouvrant la radio de la voiture, il entendit la triste nouvelle. Plusieurs mois après, se rendant à l’emplacement des tours détruites du World Trade Center, il était surpris de constater que des nuages de cendre continuaient à se poser sur les toits des voitures...

Le sens du protocole et la passion des collections

Drapé dans son beau costume croisé (dont il possède toute une collection), portant élégant, Noureddine Kacem arbore toujours un large sourire. «C’est son arme secrète pour faire ouvrir les portes les plus infranchissables, nous confie un de ses collègues. Il est tellement imprégné du protocole qu’il veille à se tenir toujours droit, adopter une démarche cadencée, et avoir sur le bout de la langue le bon mot à prononcer. Et alors tout devient possible!»

Son jardin secret: sa collection de documents qu’il conservait précieusement dans sa maison à New York et qu’il vient d’emmener à Tunis. «Il ne jetait rien à la poubelle, conservait tout: cartes de visite, cartes de menu, lettre personnelle à un article de presse, invitation à un document… Mais, ce qu’il conserve le plus, c’est l’amitié.»

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