News - 10.03.2019

Dr Mohamed Adel Chehida : Le Drame des Nouveaux nés et la culture de l'impunité

Dr Mohamed Adel Chehida : Le Drame des Nouveaux nés et la culture de l'impunité

Nous sommes tous sous le choc ! Inconsolables, la Tunisie et les Tunisiens éprouvent dans la douleur un drame, un deuil : le décès de onze nouveaux nés, en espérant qu’il n’y en aura pas plus. A l’instar de tous mes compatriotes mais aussi des amis de la Tunisie, j’en suis révolté car je n’y reconnais ni la médecine ni la conscience professionnelle que nos maitres nous ont transmises durant notre formation.

C’est bien l'illustration d’une faillite du système, pénurie de médicaments, faillite de la CNAM, histoire de stents périmés, un système de santé à 3 vitesses, public militaire et privé, complètement indépendants l’un de l’autre.

Qu’est ce qu’on attend d’un gouvernement qui a ignoré une lettre signée par 400 médecins universitaires dénonçant l’état désastreux auxquels sont arrivés nos hôpitaux ?

Si ma mémoire ne me trahit pas, en 7 ans, ce sont bien 9 ministres qui se sont succédés ! Quelle vision, quelle projet pouvaient-ils réaliser en quelques mois ?

Ni la démission d'un ministre à peine nommé ni les futures conclusions de la commission d'enquête ne ramèneront ces onze âmes innocentes à la vie.

Notre système de santé est défaillant à tous les niveaux. Il est désorganisé, archaïque dans sa vision et gangréné par "les mauvaises habitudes" prises par toutes les catégories de professionnels administration comprise. Rien ne pourra occulter les dysfonctionnements quotidiens. Je doute de la volonté de réformer du chef de gouvernement plus préoccupé par une campagne électorale qui ne dit pas son nom. Il a eu trois ans pour le faire. Il suffit de passer quelques heures dans une structure de soins publique ou privée pour le constater.

A ce jour nos hôpitaux publiques, administration comprise s'arrêtent de fonctionner à 14h. A ce jour 80% du personnel travaille le matin et 20% couvre les 18 heures restantes. A ce jour les gardes et les services sont confiées à de jeunes stagiaires à partir de 14 heure. Je m'excuse pour mes propos crus mais c'est la triste réalité.

Ma colère est vive car devant moi défilent les 11 cadavres de bébés, livrés à leurs parents dans des cartons. Dans ce dossier l'indécence est présente dans tous les détails. Passée la douleur je n'ai aucun doute que l'erreur qui a provoqué ce drame est avant tout une erreur de système. A chaque instant de soin la prise de risque est maximale surtout qu'aucune norme n'est respectée entièrement. Je pourrais vous détailler des centaines de failles tant au niveau des ressources humaines que dans l'infrastructure qu'au niveau de l'entretien des machines.

Aucun bloc opératoire ne ressemble à un autre. L'architecture hospitalière cette grande inconnue. J'ai vu de mes yeux des services d'urgence où il n'y avait qu'un seul appareil à tension. A ce jour les surveillants de service, élément essentiel dans la gestion des services sont désignés arbitrairement, ils n'ont eu aucune formation spécifique. Ils ne travaillent que le matin. Aujourd'hui c'est 11 enfants mais un drame à bas bruit se déroule quotidiennement.  

Je me répète mais le courage de réformer n'a pas été au rendez vous. Je vous invite à visiter le ministère de la santé actuel, il y a un an je suis allé demandé un certificat, c'est digne des meilleurs films égyptiens noir et blanc des années 50. Dans ce climat de décrépitude les jeunes ne pensent qu'à une chose partir et les anciens à d'autres activités plus lucratives. Alors messieurs ayez le courage de défier les archaïsmes et ce que j'ai appelé par pudeur "les mauvaises habitudes"

Dr Mohamed Adel Chehida

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