News - 10.03.2019

Décès de 11 nouveaux-nés -Pr Zahra Marrakchi : Nos cris de détresse n'ont pas fait bouger les autorités

Décès de 11 nouveaux-nés -Pr Zahra Marrakchi : Nos cris de détresse n'ont pas fait bouger les autorités

Professeur en médecine, chef de service de Néo-Natologie à l’Hôpital Charles Nicolle de Tunis, Pr Zahra Ben Said Marrakchi est profondément bouleversée par le dramatique décès de 11 nouveaux-nés à la maternité de La Rabta. Sollicitée par Leaders, elle nous livre un premier commentaire.

Notre peine est profonde face à la tragédie constituée par le décès épidémique de nombreux bébés ; nous exprimons notre empathie aux familles endeuillées mais aussi à tous les soignants qui, malgré leur dévouement et leur acharnement, voient leurs efforts se couronner par un échec aussi affligeant.
La santé publique dans notre pays est en train d'agoniser et le drame que nous venons de vivre qui a coûté la vie à 11 nouveau-nés n'est que l'expression et la conséquence inéluctable de la défaillance multifactorielle de tout un système.
La particularité de la réanimation néonatale est qu'elle opère sur des terrains très fragiles souvent des grands prématurés sans défense immunitaire mais aussi des terrains fragilisés par une prise en charge trop technique, certes nécessaire, mais souvent lourde et invasive. Cette prise en charge devrait être parfaite, ne souffrant d'aucun manquement fonctionnant à l'image d'une chaine solide où  tous ses maillons sont en liaison intacte les uns avec les autres. Toute faiblesse au niveau de l'un ou de plusieurs de ces maillons aura pour conséquence directe une rupture de la chaine de fonctionnement qui peut se solder de drames humains comme celui que vient de vivre la Tunisie. Mais cette tragédie pourrait malheureusement se répéter si l'approche de corrections n'est pas aussi multifactorielle s'attaquant à tous les maillons de la chaine par des mesures appropriées curatives et préventives. La démission d'un ministre ou d'un autre responsable ne changera rien à la situation et n'empêchera pas de telles catastrophes de se répéter si ses déterminants réels n'ont pas été pris en compte et corrigés.
Les médecins m'ont pas arrêté d'attirer l'attention sur la dégradation des conditions de travail dans nos hôpitaux et de pousser des cris de détresse comme celui qui a été lancé déjà en 2017 par un groupe de médecins universitaires (http://www.leaders.com.tn/article/23097-lettre-ouverte-a-monsieur-le-chef-du-gouvernement-la-medecine-tunisienne-en-danger-des-medecins-hospitalo-universitaires-tirent-la-sonnette-d-alarme? ); ces cris n'ont pas fait bouger les autorités. La situation de nos hôpitaux en l'absence de véritables remèdes a continué à se dégrader. Toutes les équipes quelle que soit leur discipline, ne sont pas à l'abri de telles catastrophes particulièrement dans le domaine de la réanimation néonatale qui a fait des progrès considérables ces dernières années dans notre pays. Le vécu de tel drame ne devrait pas occulter l'excellente expertise dont la Tunisie dispose dans le domaine de la néonatologie. Préservons nos acquis!!

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