News - 20.01.2019

Rafik Darragi: Le nombre 9 dans la littérature internationale (Italie & Angleterre)

Rafik Darragi: Le nombre 9 dans la littérature internationale (Italie & Angleterre)

Dans un monde profondément imprégné de croyances et superstitions datant des temps les plus reculés, dans un monde où la percée de l’intellectualisme était encore insignifiante, la confusion entre le monde spirituel et le monde temporel demeurait toujours possible. Aux plus éduqués de comprendre alors les à-côtés de certains écrits et recours, leurs implications, l’ironie sous-jacente, et les motivations profondes de leurs auteurs. Ainsi que n’a-t-on pas dit sur le nombre 9, ses vertus et ses propriétés ! Chacun le juge et s’en sert d’une manière différente selon le bord où il se trouve. Pour illustration, en littérature étrangère, nous avons choisi deux œuvres célèbres, La Divine Comédie de Dante Alighieri et Macbeth de Shakespeare.

Parce qu’elles sont tissées d’interdits et de malédictions, presque toutes les religions avaient porté aux nues le nombre neuf. A l’époque de Dante, il symbolisait la patience, l’harmonie, l’inspiration, la perfection, voire la puissance du Saint-Esprit. Poème didactique et moral, preuve du caractère profondément chrétien de l’inspiration du poète, La Divine Comédie portait également sur la conversion de l’auteur au terme d’un voyage initiatique dans l’au-delà, qui le réunit à la bien-aimée Béatrice. Cette dernière, rencontrée à 9 ans puis la deuxième fois, après 9 ans, demande au poète Virgile d’accompagner Dante dans ce voyage afin de l’amener à une prise de conscience de Dieu. Habilement basée sur l’importance mystique des combinaisons cabalistiques de nombres, l’œuvre commence par l’invocation de l’auteur aux 9 Muses de la mythologie grecque, le 9 étant, avec sa Triple Triade (3x3), le symbole de l’immortalité, à la fois le plus proche (valeur 9) et le plus éloigné (valeur 0) de Dieu. Les 3 royaumes éternels - l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis- qui la composent, forment chacun 9 cercles. S’inspirant surtout de la terminologie chrétienne des sept péchés capitaux, Dante situe les traîtres en dernier, dans le neuvième cercle de l’Enfer. La prosodie s’appuie sur le nombre 3, la strophe étant formée de trois vers, à rimes entrelacées trois par trois.

Contrairement à Dante, Shakespeare est peu religieux ; il croit à l’hellénisme, à cette philosophie du logos grec devenu raison universelle. Conséquence inéluctable : le politique dans ses pièces souvent s’émancipe, se coupe de ses racines religieuses et finit par se désacraliser. Dans Macbeth, la pièce la plus sombre de son répertoire, le nombre 9 perd ses connotations religieuses pour ne signifier désormais que la tristesse, l’obstination et le refus d’écouter tout conseil.  Shakespeare y prête à 3 sorcières un langage truffé de nombres où domine nettement la fameuse Triple Triade. Ainsi le nombre 9, étant un multiple de 3, se trouve renforcé et les références aux fondamentaux religieux plus discrets. La première sorcière compte torturer pendant 81 semaines (par addition cabalistique 8+1=9, nombre parfait) un matelot pour avoir quitté sa femme : ”Il vivra comme homme interdit/ Neuf fois neuf fois sept tristes nuits. (1.3.22) Avant de disparaître dans un brouillard à l’arrivée des deux généraux, Macbeth et Banquo, les 3 sorcières chantent : «Trois fois pour toi, et trois pour moi, /Encore trois fois faisant neuf fois. (1.3.34-35)».

Ces trois sorcières que d’aucuns rapprochent négativement à la Sainte Trinité catholique (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) est une pure création de Shakespeare. Contrairement au spectre ou au fantôme, elles jouent un rôle essentiel dans la peinture des personnages, étant conçues objectivement, au départ comme sorcières et au final comme le Mal absolu, qui s’empare de Macbeth et de sa femme. Leur nombre, 3, signifie clairement le mauvais sort. Les sorcières accueillent, pour la première fois, Macbeth en lui conférant trois titres : sieur de Glamis, sieur de Cawdor et futur roi, afin de troubler l’homme et le pousser au régicide. Au début de l’acte 4, dans une caverne, les trois sorcières débutent leur incantation en ces termes :

Sorcière 1 : Trois fois chat tigré a miaulé

Sorcière 2 : Trois et une fois le hérisson piaulé (4.1.1–2)

Lorsque Macbeth les rejoint, il a droit à trois apparitions qui, à tour de rôle, appellent Macbeth par son nom à trois reprises. Que le nombre trois signifie dans cette pièce malheur et malédiction, il n’y a nul doute : Macbeth fit appel à trois assassins pour parvenir à ses tristes fins. Trois personnages Duncan, Banquo et le fils de Macduff meurent sur scène. Bref, si l’on ajoute à cette longue liste la  répétition des mots trois fois de suite, qui revient dans cette pièce et les heureux ou malheureux événements (le 9 août 1608, Shakespeare devient copropriétaire du théâtre des Blackfriars mais le mois suivant, le 9 septembre, il perd sa mère), on peut dire sans trop se tromper, qu’il est relativement aisé d’appliquer la signification  numérologique de n’importe quel nombre  à n’importe quelle situation.

Rafik Darragi

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