News - 18.07.2018

Noureddine Dougui: Ecole publique Tunisienne et excellence

Noureddine Dougui: Ecole publique et excellence

L’école publique tunisienne souffre d’un déficit d’image, elle est souvent perçue par les parents et la société civile comme inefficiente et contreproductive. Les mauvais résultats de la Tunisie au concours international PISA qui mesure les performances des systèmes éducatifs et le piètre classement de nos universités à l’international sont cités par les médias à tout bout de champ pour dénoncer les choix éducatifs nationaux. Nul ne pourrait soutenir le contraire: le système éducatif tunisien est quasi-malade et a besoin d’être redressé urgemment.

L’inventaire des carences éducatives a été fait à plusieurs reprises. S’agissant d’excellence, tous les discours politiques misent sur la qualité mais sans trop de conviction. Voyons les choses de près, l’école publique offre, à la base, les mêmes perspectives de formation à tous les élèves au départ de la vie scolaire, encourage l’émulation, parie sur l’excellence et ne redoute pas la sélection. D’aucuns diront que la Tunisie a atteint ses objectifs quantitatifs en terme de scolarisation mais au détriment de la qualité. Ce que signifie que l’Etat, en limitant l’accès aux collèges pilotes et autres pôles d’excellence à l’université, a échoué à rendre l’excellence accessible à l’ensemble de la population scolarisée. Manque de moyens, déficit de gouvernance? Peu importe, le résultat est là. Ce diagnostic, partagé par de nombreux acteurs pédagogiques et sociaux, mettant souvent en doute le principe même de l’excellence, considérée comme l’apanage d’une infime minorité, mérite d’être relativisé.

Les défenseurs d’une école à deux vitesses diront que l’excellence, quoique limitée à des pôles isolés intégrant une infime proportion de la population scolarisable, a ses vertus. Celles-ci doivent être connues et appréciées à leur juste valeur. L’excellence est, en effet, un indicateur clé de la qualité de la formation, elle donne, certes, une chance supplémentaire aux élèves et étudiants méritants, mais elle améliore la visibilité internationale du système éducatif. De ce point de vue, la Tunisie n’est pas en reste. Disons-le simplement, le système éducatif  tunisien continue, malgré toutes ses déficiences, à produire des résultats encourageants en interne et à l’international. A preuve les derniers résultats des élèves de l’Institut préparatoire aux études scientifiques et techniques de La Marsa (IPEST), relevant de l’Université de Carthage, aux concours d'entrée aux grandes écoles d'ingénieurs tunisiennes et étrangères et aux concours d'agrégation en sciences physiques et en mathématiques.

Voici ces performances en chiffres, ces derniers parlent d’eux-mêmes:

  • 100% de réussite aux concours d’entrée aux écoles nationales d’ingénieurs de Tunisie;
  • 7 élèves admis à l’école polytechnique de Paris;
  • 4 admis à l’Ecole Normale supérieure de la rue d’ULM, Paris;
  • 37 admissibles au concours Mines-Ponts;
  • 63 admissibles à Centrale Sup Elec;

Mieux, l’un des élèves de l’IPEST a réalisé au concours Mine-Pont un record de note avec 17,36/20 de moyenne, performance inégalée jusque- là. Ces résultats mettent l’IPEST au niveau des meilleures écoles préparatoires françaises.

D’aucuns diront que ces têtes bien faites iront renforcer des milieux universitaires et économiques étrangers. Le débat mérite d’être engagé sur ce point. On y reviendra peut-être,mais limitons-nous pour le moment à un seul constat: ces lauréats sont le produit de l’ensemble du système éducatif tunisien et particulièrement de l’école publique, où l’on compte d’excellents formateurs. A l’IPEST, les élèves sont encadrés essentiellement par des universitaires et des agrégés, diplômés de l’Ecole Normale supérieure de Tunis. Voilà un créneau qui devrait être médité davantage par les décideurs de l’enseignement supérieur qui ne semblent pas attacher beaucoup de prix à l’Ecole Normale supérieure de Tunis, considérée, sur le papierseulement, comme un  pôle d’excellence, dédié à la formation des formateurs, mais dénoncé, à tort, comme un établissement coûteux et peu productif.

Noureddine Dougui
Universitaire

Lire aussi

L'Ecole publique tunisienne, l’ascenseur social en chute libre