News - 10.02.2018

Khaled Kaddour: Mes cinq objectifs pour 2018

Khaled Kaddour: Mes cinq objectifs pour 2018

L’année 2018 sera décisive pour Khaled Kaddour. Rappelé à Tunis en septembre dernier, après avoir occupé de hautes fonctions au sein du groupe italien ENI à Milan, Dubaï, Bassorah et Alger, pour être nommé à la tête du ministère de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, il était certes réinjecté dans son milieu naturel, mais devait faire face à de nouveaux défis dans de nouveaux contextes. Pour cet ancien directeur général de l’énergie et P.D.G. de la Sitep, la vision est claire. Cinq objectifs prioritaires sont à atteindre durant l’année qui commence. Eclairages.

«L’année 2018, confie Khaled Kaddour, devrait être marquée par le lancement effectif de la production des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficience énergétique, la reprise de la production de phosphate, l’accroissement de la production d’hydrocarbures et le renforcement de la gouvernance du secteur de l’énergie et des mines. A lui seul, chacun de ces cinq objectifs constitue un grand défi que nous devons relever dans une intensive conjugaison d’efforts.»

Le renouvelable en ultime choix

«Pour faire face à l’augmentation d’une manière drastique du déficit énergétique de la Tunisie, souligne le ministre, le nouveau modèle énergétique adopté devrait permettre à la fois d’assurer la sécurité énergétique et de jouer un rôle clé dans la création de richesse et d’emplois. C’est ainsi que le Plan solaire tunisien(PST) déployé vise à porter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité de 4% actuellement à 30% en 2030. Un appel à projets a été lancé pour mettre en place, par des entreprises privées et dans le cadre du régime des autorisations, une capacité renouvelable de 210 MW en 2018. Les résultats seront annoncés mi-mars prochain. Un appel à concessions sera publié en mars également pour une capacité de 200 MW. Aussi, une station éolienne de 80 MW, reliée à la Steg, sera implantée à Jebel Tabgaya, gouvernorat de Kébili, pour des investissements d’environ 240 MD. De son côté, la Steg s’emploie actuellement à installer deux centrales de 10 MW, chacune à Tozeur. En outre, la Tunisie se donne pour ambition de lancer un grand projet de développement intégré dans le Sud, comprenant une importante composante énergies renouvelables.»

Phosphate : 6.5 millions de tonnes en 2018 quand même

La production minière affiche des indices positifs, estime le ministre Kaddour. «Il ne suffit pas, souligne-t-il cependant, de reprendre la production habituelle, mais de l’augmenter. Pour le phosphate, l’année 2017 a enregistré l’extraction de 4.3 millions de tonnes. L’objectif est d’atteindre cette année pas moins de 6.5 millions de tonnes.» en 2018, malgré la paralysie des toutes unités du bassin minier au début de l'année
La relance des mines de Sra Ouertane est également sérieusement remise à l’ordre du jour. Un nouvel appel à partenaires sera bientôt publié.

Pétrole : 8 nouveaux permis de recherches

Quant au secteur des hydrocarbures, la Tunisie continue à déplorer l’arrêt, jusque-là, des explorations pétrolières. Le passage obligatoire par l’Assemblée des Représentants du peuple (ARP) instauré par l’article XIII de la Constitution en a fixé les nouvelles règles. Seuls deux nouveaux permis de recherche ont été adoptés en 2017. Mais pour 2018, le ministre espère voir l’ARP donner son accord à huit nouveaux autres permis.

Gaz : la relance de Nawara

Khaled Kaddour est optimiste. La relance du projet gazier de Nawara, dans sa partie 1 à Gabès et sa partie 2 à Tataouine, sera d’un appoint substantiel, contribuant à couvrir près de 17% de la consommation nationale. L’entrée en production est annoncée pour le premier semestre 2019.

L’aspect «environnement et développement durable» est fondamental pour le ministre. «Nous devons veiller à la dépollution et garantir un développement propre et durable dans toutes les zones pétrolières et minières, insiste-t-il. Aussi, s’agit-il d’utiliser désormais de nouvelles technologies qui répondent à cet impératif et procurent, en plus, de meilleurs rendements.»

SIAPE : l’audit de l’ANPE sera déterminant et ne doit plus tarder

Ce parti pris affirmé en matière de dépollution reste cependant sujet à caution pour les populations de Sfax (Siape et dépôts de phosphogypse), Gafsa (laveries de phosphate) et Gabès (émanations polluantes et phosphogypse). En visite à Gafsa, le 14 janvier 2017, le président de la République avait appelé la CPG à prendre les mesures indispensables pour le transfert de la laverie actuelle en dehors des agglomérations pour améliorer la situation environnementale. Se rendant à Sfax, le 28 avril dernier, le chef du gouvernement s’était engagé à mettre à l’arrêt «toutes les unités jugées polluantes». Pour ce qui est de Gabès, les engagements du gouvernement en la matière ont été maintes fois réitérés mais restent encore en souffrance.

Le ministre acquiesce en apportant des précisions. «Il faut nécessairement tenir tous les engagements pris, affirme-t-il. Le problème de la laverie est à résoudre au plus vite, comme ceux de la Siape et de Gabès. Pour ce qui est de la Siape, le rapport d’audit que devait rendre l’Anpe quant aux unités polluantes sera déterminant. Il est essentiel de rattraper le retard pris pour sa finalisation. En cas de difficultés rencontrées à cet effet, rien n’empêche le recours à un bureau d’études indépendant dont l’expertise ne saura être contestée.»

La malversation ne saurait être occultée

Cinquième objectif pour 2018, le renforcement de la gouvernance du secteur de l’énergie et des mines. «Plusieurs aspects sont à examiner en profondeur dans ce domaine, déclare le ministre, et la malversation ne saurait être occultée dans le secteur. Toutes les questions y afférentes peuvent faire l’objet d’une concertation élargie, voire - si nécessaire - la tenue d’une conférence nationale groupant toutes les parties concernées : opérateurs du secteur, partis politiques, syndicats, composantes de la société civile et élus de la nation. Prenons par exemple le cas des sociétés dites “d’Environnement, de plantation et de jardinage”, leurs effectifs ont déjà, atteint 11.000 salariés pour une masse salariale annuelle de 134 MD et un rendement quasi nul. Nous comprenons parfaitement le contexte dans lequel ces entreprises ont été créées à Gafsa, Gabès et Sfax, mais ces emplois ne sauraient s’avérer improductifs et les salariés ne doivent pas s’abstenir de travailler. Mais la question est très sensible, il conviendrait de la résoudre dans un cadre consensuel et de  concertation nationale.»

Un vaste mouvement inédit

Serein, le ministre Khaled Kaddour prend à bras-le-corps ses nouvelles fonctions ministérielles, et n’y va pas de main morte lorsqu’il s’agit de décider. C’est ainsi qu’il a opéré, fin décembre dernier, le plus vaste mouvement à de hautes fonctions. Le chef de cabinet du ministre, cinq directeurs généraux dans l’administration centrale, sept P.D.G. et directeurs généraux d’entreprises sous tutelle et deux DGA dans d’importantes autres entreprises publiques, soit quinze au total, ont ainsi été nommés d’un seul coup. «Il y avait en fait des départs à la retraite à remplacer et des postes vacants à pourvoir, explique-t-il. Mais, aussi, un mouvement est bénéfique à introduire au bout d’un certain nombre d’années passées en poste.»

Reste une dernière question, quasi rituelle : pourquoi Khaled Kaddour a-t-il renoncé à une position élevée et une situation confortable au sein d’une grande compagnie internationale et accepté de faire partie du gouvernement ? Fils d’un éminent syndicaliste, Houcine Ben Kaddour, reconnu pour son indépendance de tout parti politique, et alliant une double formation de pétrolier et de prospectiviste, qu’est-ce qui peut le motiver le plus, en dehors de l’amour de la patrie ? «Apporter ma modeste contribution dans un secteur au sein duquel j’ai exercé durant près de 30 ans», confie-t-il humblement, d’autant plus qu’un nombre important d’administrations régionales souffrent d’un manque avéré d’effectifs».

Khaled Kaddour: Ministre de l’Energie, des mines et des Energies renouvelables

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