Opinions - 15.05.2014

Les élections, Piège ou consécration?

Dans quelques jours, les dates des prochaines élections présidentielles et législatives seront annoncées. Qu’elles soient concomitantes ou pas, elles annonceront le départ de la course pour des milliers de prétendants aspirant à la magistrature suprême ou à un  fauteuil en qualité de représentant du peuple.

Ainsi, ces élections sont censées   consacrer  la finalisation de tout un processus dit post révolutionnaire: adoption d’une nouvelle constitution, d’un nouveau code électoral et  d’une multitude d’autres dispositions supposées conduire la Tunisie  et surtout son peuple vers l’émancipation.

Ce long parcours conduirait  notre nouvelle république  vers la consécration, une consécration absolue  que certains considèrent comme  l’apothéose, la confirmation définitive, la  victoire absolue et même  la  bénédiction divine pour les plus croyants.

Dans tous les cas, le chemin  vers cette consécration est encore long et est conditionné par normalement la réalisation d’au moins quatre  préalables et ce conformément à la feuille de route fixée au gouvernement de Mehdi Jomaa, à savoir la sécurisation de tout le territoire tunisien, la révision des désignations à certains postes, la dépolitisation des mosquées et la dissolution des milices des ligues dites de protection de la révolution.
Les préalables, au moins en partie remplis, tous ceux qui œuvrent à créer cette démocratie naissante devront éviter les  très nombreux pièges qui  risquent de miner le processus électoral.

Pour ma part, il me semble utile de citer (par ordre alphabétique) certains pièges en particulier:

• L’abstention: Elle affecterait aujourd’hui plus de la moitié des Tunisiens en âge de voter, les plus jeunes en particulier. Un taux d’abstention élevé favorise  automatiquement les partis jouissant d’un vote confessionnel ou d’un vote d’adhésion idéologique marquée.

• L’allégeance: Au sens étroit, elle signifie l’obligation d'obéissance et de fidélité à un chef. Sur le plan politique elle implique l’alignement derrière un chef et non l’adhésion à un projet politique.

• L’argent est le nerf de la guerre. Du  contrôle des flux financiers consacrés par les partis au financement des  campagnes électorales dépendra la crédibilité des suffrages. Le rôle joué par  les associations devra être suivi de très près.

• L’arrogance: C’est l’état de tous ces politiques qui affichent parfois  une insolence méprisante et une fierté déplacée. L’arrogant ne répond ni aux appels téléphoniques  ni aux sms. Prétentieux, il se cache parfois jour et nuit derrière des  lunettes solaires .Il consomme des tonnes de gel dans ses cheveux et affiche son meilleur rictus dès apparition de la première caméra.
   
• Le casting: Pour les partis, c’est l’une des épreuves les  plus difficiles car il s’agit d’affecter par liste  les candidats susceptibles de réaliser les meilleurs scores possibles. Généralement après sélection, le nombre de déçus est  plus élevé que le nombre des heureux. Alors,les partis peu ou mal structurés peuvent être ébranlés par cette épreuve.
Une pratique en particulier est de plus en plus mal vécue par les populations, le  parachutage qui devrait être banni dans nos traditions politiques.

• Le butin fait partie intégrante de l’héritage arabo-musulman. Ennahda l’a pratiqué allégrement et de manière intempestive dès qu’elle s’est emparée du pouvoir.
Dans d’autres partis, le butin fait l’objet depuis de longs mois de promesses d’affectation. Les clés de répartition se font et se défont au rythme d’une actualité volatile.  

• Le facebook: Facebook est un service en ligne de réseautage social. Il facilite les échanges et réduit le temps de réaction.Dans certains partis, le militantisme des cadres se limite aux joutes facebookiennes engagées dans les atmosphères feutrées des banlieues chics.

• La gérontocratie désigne un régime politique où le pouvoir est exercé par les personnes les plus âgées. Il s’agit de systèmes ou les sages le deviennent de moins en moins avec l’âge et omettent pour finir de transmettre à temps le témoin. L'Union soviétique a subi ce régime entre 1964 et 1985. La Tunisie a  aussi par le passé tourné le dos à sa jeunesse et vécu  deux fins de règne désastreux en 1987 et en 2011.IL n’est pas sûr que l’arrivée d’un premier ministre quinquagénaire suffise pour inciter nos cadres les plus âgés à passer la main et à se cantonner dans le conseil à distance.

• Le langage chez l'homme est le vecteur de communication par excellence. Il est important que l’émetteur s’exprime clairement mais il est aussi important que l’auditeur puisse comprendre le discours émis. C’est pour cela que l’usage du  tunisien vernaculaire finira par s’imposer en tant que seule langue de la campagne sur tous les supports.

• Le népotisme est la tendance de certains responsables politiques à assurer la promotion de leurs proches au détriment   du mérite et souvent de l'intérêt général. Les tunisiens gardent de très mauvais souvenirs de certaines familles. Ennahda a aussi été très mal inspirée en la matière. Désormais, les collatéraux, les ascendants et les descendants  et autres relations similaires devraient être confinées dans l’espace strictement familial .L’époque Kennedy est révolue.

• Le mensonge qui se dit couramment menterie au Québec est un exercice fort pratiqué dans nos contrées. Toutefois, nos populations ont été suffisamment échaudées par les fausses promesses du 23 octobre, le transport gratuit, le mari clé en main et surtout le pain à cent millimes risquent de trouver moins de pigeons cette fois ci parmi les tunisiens.

• La Hogra ou si vous préférez le mépris envers nos concitoyens des zones défavorisées peut impacter fortement les résultats des partis qui ne parviendront pas à se mettre à l’écoute réelle de notre Tunisie profonde. Le tgalguil naturel et non feint peut engendrer un  bonus de voix dans certaines régions.

• La particratie ou partitocratie consacre la mainmise  des partis politiques au détriment des personnalités indépendantes et des expertises individuelles. Cette situation peut déboucher sur un nivellement des compétences par le bas. L’exemple de l’actuelle ANC est suffisamment édifiant en la matière.

• Le sondage est une  photo prise à un moment donné dans un contexte donné. Cette photo peut être revisitée au gré des humeurs , des intérêts du photographe et surtout du commanditaire de la photo.Cet outil peut contribuer à l’instauration d’une vie démocratique comme il peut créer de véritables distorsions et empoisonner la vie politique.

• Le wifak: Plus qu’un principe le wifak est devenu un leitmotiv. Il est servi à toutes les sauces. Désormais, on passe plus de temps à projeter des  alliances qu’à exposer les programmes.
La formule cache souvent des ambitions non assouvies et des frustrations mal contenues. Pourvu que le wifak ne conduise pas  au mariage de la carpe avec le lapin.
Aujourd’hui et à la veille du démarrage de la compétition, de nombreux partis, les plus grands en particulier, connaissent des soubresauts réguliers. Les anciens ont de plus en plus de mal à contenir leurs troupes. Les divergences prétendument idéologiques masquent de plus en plus mal les effluves de Testostéroneque dégage des quinquagénaires décidés à renvoyer leurs aînés à leurs études.

Riadh Azaiez,
Marketeur Politique en Côte d’Ivoire

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