Opinions - 04.03.2014

URGENT: Une stratégie pour l'EMPLOI Maintenant!

A la lecture de mon dernier article intitulé: “5 Projets pour garantir 500.000 nouveaux emplois en Tunisie à la fin de 2015”; un bailleur de fonds m’a envoyée un email pour me dire que son agence était prête à financer certains des projets proposés. Par ailleurs, le Président  d’une association d’un pays Arabe m’a aussi contactée et a offert bénévolement et gratuitement d’aider à mettre en place le 1er projet (cité dans l’article). Au-delà des 5 projets cités et grâce aux lecteurs qui ont eu la générosité de proposer une longue liste d’initiatives, nous pouvons mettre en place une stratégie pour l’emploi qui devrait être la priorité numéro 1 maintenant. Cette stratégie devrait s’insérer dans un nouveau modèle de développement dont j’ai parlé dans mon premier article: “Et si la solution exigeait qu'on invente un nouveau modèle de développement?”.

Je m’étais engagée à faire deux choses:

A - Compiler toutes les idées de projets que je recevrai sur Leaders,
B - Parler de quelques mesures nécessaires afin de créer l’environnement propice à la création du maximum d’emplois.
Commençons par découvrir ce que plus d’une cinquantaine de tunisiennes et de tunisiens (dans Leaders et ailleurs), à qui j’exprime ma profonde gratitude, ont partagé avec tous les lecteurs et cela à partir de la Tunisie mais aussi, de la France, du Japon, de la Californie, d’un pays scandinave…etc.

A - Résumé des projets proposés

  1. Créer des emplois dans le secteur des énergies renouvelables dont solaire.
  2. Créer des Start-up régionaux chargées de la numérisation des documents officiels.
  3. Investir dans le secteur du dessalement de l'eau de mer grâce à l'énergie solaire, ainsi que le traitement et le recyclage des déchets.
  4. Investir dans la promotion de notre héritage culturel, sites archéologiques et monuments historiques de toutes les civilisations qui ont régné en Tunisie.
  5. Instituer une taxe de 1% sur les produits de tabac et tous les produits financiers.
  6. Une réforme législative vers plus de flexibilité afin d'instaurer une véritable politique de l'emploi.
  7. Une stratégie des ressources humaines.Accorder des prêts sans garantiesaux jeunes pour créer leurs entreprises etassouplir l’octroi des licences commerciales, cafés, restos, taxis. Encourager le temps partiel et développez la formation professionnelle de haut niveau.
  8. Mettre en place des doctorats professionnalisant dans le domaine de l'industrie.
  9. Investir les revenus du phosphate, du pétrole et du gaz.
  10. Promouvoir l’agriculture et les coopératives familiales.

B - Quel environnement propice à la création d’emploi?

Afin qu’une stratégie pour l’emploi réussisse, il faut créer un environnement propice. Je décriraibrièvement cet environnementtout en étant consciente qu’il faudrait beaucoup plus que cela, mais j’invite mes lecteurs à proposer d’autres éléments. J’invite aussi les jeunes, diplômés ou en voie de… à exprimer leur besoins et à contribuer à cette tribune libre.

Par ailleurs, je suis d’accord avec les lecteurs qui ont proposé que nous fassions des tables rondes à ce sujet. Cependant je crois en l’action et chaque discussion n’a aucune importance si elle n’est pas suivie par des actions concrètes sur le terrain.

1. Les besoins en formation: Je n’ai jamais pu comprendre ni réussi à m’expliquer pourquoi de générations en générations, la qualité de notre enseignement s’est dégradée. Qu’est ce qui manque à quelqu’un qui comme moi, par exemple ayant eu des professeurs de droit aussi brillants que feu Si Mohammed Charfi et feu Si Abdelfateh Amor, je n’ai pas pu reproduire la mêmequalité d’enseignement qu’ils m’ont prodiguée. Pour les deux ou troisgénérationsaprès la mienne, la qualité s’est encore dégradée. Cette dégradation nous a fait entrer dans un cercle vicieux qui fait que plus le niveau baisse, plus nos jeunes diplômés ont du mal à se faire recruter. Loin de moi l’idée de généraliser de ce phénomène, mais notre stratégie pour l’emploi doit comprendre un chapitre qui propose des formations à tous les diplômés qui leur permettra de compléter leur formation en comblant les lacunes afin de les aideràdécrocherleur premier emploi.

2. L’impact favorable sur toute la communauté: Il va sans dire qu’une stratégie pour l’emploi qui démarrerait rapidement aura un impact sur toute la communauté. Les lecteurs qui ont par exemple proposé des projets autour de l’agriculture familiale, ces projets auront un impact sur tout le village. Si de plus nous combinons ces projets avec les projets écologiques dont ceux basés sur les énergies renouvelables, nous pourrons arrêter l’exode rural et créerons une génération fière d’appartenir et de travailler sur les terres de leurs ancêtres. Pour cela crayons un pôle dans chaque ville afin que la capitale n’ait plus la fascination qu’elle a eu sur des générations. Il va s’en dire qu’un changement de la culture de chaque citoyen doit s’opérer afin que chacun d’entre nous œuvre à faire développer l’endroit où il vit et crée ce sentiment d’appartenance qui est très sain. J’ai personnellement beaucoup admiré Mme Riadh Zghal à qui on avait demandé, il y a 20 ans, de venir travailler dans la capitale et qui avait simplement répondu, si chacun d’entre nous réussissait là où il était, cela contribuerait à notre réussite à tous! Œuvrons tous à faire de la Tunisie, le pays de 100 capitales aussi attirantes, belles et vertes les unes que les autres. J’invite le million de tunisiens à l’étranger à œuvrer à faire de ce rêve une réalité en contribuant, avec leur famille restée au pays, à embellir le village ou la ville où ils sont nés ! Le rêve serait que chaque immigré venant passer le mois d’été, contribue à ouvrir une bibliothèque, une aire de jeu pour enfants, un espace culturel ou sportif pour les jeunes, un espace vert, assainirait une plage ou un port.

3. Le budget adéquat et comment le trouver? Les bonnes idées attirent les financements et non l’inverse. Si nous comptons sur notre génie collectif et produisons une excellente stratégie pour l’emploi, nous réussirons à attirer les financements nécessaires. En plus des financements extérieurs, nous devons compter sur nos propres ressources comme cela a été suggéré par certains. En tant que tunisiens nous aimons investir dans l’immobilier. Il est temps de changer cette culture et de commencer à investir dans des projets créateurs d’emplois. Je n’ai pas les statistiques réels, mais imaginons que chaque tunisien possédant une deuxième maison ou un terrain, transforme ce capital en investissement pour un projet qui emploierai 5, 10 ou 100 personnes, nous contribuerons collectivement à offrir des milliers d’emploi pour des personnes qui ne demandent qu’une chose : vivre dignement grâce à un travail et un salaire décents.

4. Les différentes étapes à accomplir: En fait cette stratégie pour l’emploi doit être multisectorielle et multidimensionnelle et c’est pour cela que chacun d’entre nous, selon son expertise et expérience, peut contribuer en apportant sa pierreà cet édifice. Donc mesdames et messieurs les économistes, juristes, politologues, professeurs, docteurs, journalistes, vivant à l’étranger, à la retraite, à la recherche d’un emploi… à vos plumes! Je m’engage pour ma part à compiler toutes les étapes que vous proposerez dans mon prochain article afin que nous écrivions ensemble notre stratégie nationale pour l’emploi.

5. Comment transformer la bureaucratie en alliée du développement: J’avais dis dans mon premier article que pour moi, plus dangereux que le terrorisme, est la bureaucratie qui étouffe toutes les bonnes idées, initiatives ou projets.Likertet Emberling ont développé un schéma qui décrit le développement de n’importe quelle institution, qu’elle soit gouvernementale, privée ou appartenant à la société civile…. Si nous l’appliquons à notre réalité, nous allons voir que notre bureaucratie opèreau deuxième niveau or le développement ne peut commencer àse réaliser qu’au niveau 5. Pour que notre stratégie de l’emploi puisse réussir, elle a besoin de s’appliquer dans un environnementoù notre bureaucratie progressedu niveau 2 vers le niveau 5. Autrement, nous allons continuer àperpétuer les mêmeserreurs du passé en espérant voir des résultatsdifférents.

6. Comment transformer nos ambassades en agences pour l’emploi?

Ayant travaillé ces deux dernièresannées dans un pays du Golfe, j’ai toujours été étonnée de voir qu’un pays Arabe avait réussi à placer 700.000 de ses citoyens, alors qu’au même moment, il n’y avait que 3000 institutrices tunisiennes dans ce même pays. Au-delà du travail diplomatique classique, chaque ambassadeur devrait passer ses journées à frapper aux portes de n’importe quelle compagnie pour négocier des contrats. Dans ce processus, il devra se faire accompagner par les tunisiens qui sont déjà basés dans ce pays et qui ont un réseau bien établi de contacts.Une fois recruté, l’ambassade fera le suivi avec l’employeur pour s’assurer que chaque employé délivre le meilleur travail et s’assurer de lui trouver une formation s’il a la moindre lacune, afin d’améliorer sa performance. De plus, nos ambassades doivent devenir des espaces accueillants, où les tunisiens peuvent se rencontrer, partager un repas, un spectacle musical ou théâtral, recevoir des cours de langue ou d’informatique etc…A la fin de chaque année, le Président de la République décernera un Prix d’honneur pour l’ambassadeur et son équipe qui aura réussi à faire recruter le plus de tunisiens dans le pays où il est basé.

Par ailleurs, en acceptant de payer le salaire d’un jeune pendant deux ans, nous pouvons le faire recruter auprès des Nations Unies ou dans une organisation internationale ou régionale (dans le cadre du programme JPO) et nous pouvons ainsi faire recruter plus de 10 jeunes par an qui, en fonction de leur performances, auront un travail rémunéré, après cela, par l’organisation elle-même. Un seul pays Arabe a commencé cette expérience à laquelle j’ai contribué en 2013. Cette expérience est très facilement applicable en Tunisie. Il suffit que la cinquantaine de nos fonctionnaires internationaux qui viennent de sortir à la retraite ces deux dernières années, créent un «Groupe des Anciens fonctionnaires internationaux», réunissent le financement et contactent les organisations où ils ont servi, pour placer les 10 premiers jeunes qui réussiront cette année, avec la meilleure moyenne et parlant couramment trois langues.

Je conclurai par quelques citations des lecteurs ayant réagi à mon dernier article et que j’ai aimées:

  1.  “Les Tunisiens doivent redécouvrir la "valeur" travail qu'ils semblent avoir égarée depuis la Révolution”.
  2.  “Education is the best investment next generations can benefit from. We have to encourage our youth to dream, hope and believe on achieving and overcoming obstacles”.
  3. “Le pouls d'un pays, c'est le niveau d'instruction, l'infrastructure, le transport en commun, des bibliothèques et des piscines pour la santé de l'esprit et du corps”.
  4. “On a besoin de patriotes et de vrais Hommes [et Femmes] d'Etat”.

Khadija T. MOALLA; PhD


 

Tags : khadija Moalla   Leaders   taxe   Tunisie