News - 10.05.2013

Leaders ouvre le dossier de la peine de mort: faut-il l'abolir?

Peine de mort: faut-il l’abolir?

Châtiment d’un autre temps, négation absolue des droits humains ou application stricte du droit divin : la peine de mort suscite en Tunisie un vrai débat au moment où s’écrit la nouvelle constitution. Si des crimes commis récemment ont attisé les émotions, plaidant en faveur de son application dans des cas extrêmes, quitte à ne pas procéder aux exécutions, une demande de plus en plus forte s’exprime pour son abolition. Même si, par esprit de compromis, certains politiques optent pour le maintien du statu quo actuel : condamnation, mais sans exécution.

Suspendue  depuis plus de vingt ans, aucune pendaison n’a été effectuée, la dernière remonte au 9 octobre 1991. Auparavant, la Tunisie a connu, depuis son indépendance,  135 exécutions dont 129 sous Bourguiba et 6 sous Ben Ali. Il s’agissait en majorité, sous Bourguiba, de condamnés dans des affaires de complot contre la sûreté de l’Etat. Au lendemain de la révolution, le président de la République provisoire, Moncef Marzouki, abolitionniste, a accordé le 14 janvier 2012 sa grâce à 122 condamnés à mort, après appel et cassation, commuant leur peine en réclusion perpétuelle. Cependant,  11  personnes ont été condamnées  à la peine capitale, mais elles n’ont pas encore épuisé tous les recours et attendent la décision finale.

Amnesty International estime que «les chiffres 2012 confirment la tendance générale à l’abolition dans le monde, puisque seul un pays sur 10 a procédé à des exécutions durant l’année» et que «le recours à la sentence capitale demeure l’apanage d’un petit groupe de pays isolés, et la marche vers l’abolition est en route dans toutes les régions du monde. Seuls 21 États dans le monde ont procédé à des exécutions en 2012, chiffre inchangé  par rapport à 2011, mais en net déclin par rapport à 2003».  La situation en Tunisie fera l’objet d’un rapport qui sera présenté lors du 5e Congrès mondial contre la peine de mort devant se tenir à Madrid du 12 au 15 juin 2013, avec  la participation de plus de 1 500 personnes (membres de la société civile internationale, politiques, juristes). L’élaboration a été confiée par le principal organisateur de cette manifestation, l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM), à une équipe conduite par Samy Ghorbal et fera l’objet d’un livre qui sera publié fin mai à Tunis. Comment se présente l’état des lieux de la peine capitale en Tunisie? Quelles sont les positions des différents acteurs politiques et composantes de la société civile? Dans quelles conditions vivent les condamnés à mort dans l’attente de l’exécution? Autant de questions traitées dans ce dossier exclusif avec :
• une interview de Samy Ghorbal qui a accédé aux couloirs de la mort dans les prisons tunisiennes et passé trois semaines en immersion avec une trentaine de condamnés à mort,
• le portrait d’Am Hassen, le dernier bourreau,
• le récit d’une exécution, celle du tueur en série de Nabeul, Naceur Damergi,
• un sondage d’opinion exclusif
• et différentes positions exprimées ainsi que les derniers indicateurs recueillis.
Un débat à enrichir.

Aucune exécution depuis 1991, 120 condamnés à mort graciés

Ils étaient entre 130 et 140 quand la Révolution a éclaté. Les plus anciens étaient détenus depuis la fin des années 1980. La peine capitale est matériellement suspendue en Tunisie depuis le 9 octobre 1991, date des dernières exécutions, ordonnées par Zine El Abidine Ben Ali. Mais les tribunaux ont continué à infliger des condamnations à mort. On a même assisté à une véritable inflation au cours des dernières années du régime, avec 22 condamnations en 2010. Puis, plus aucune en 2011.

Quelques condamnés à mort se sont évadés de Kasserine, Sfax, Monastir et Messaadine, le 14 et le 15 janvier 2011. Ils ont été repris, pour la plupart. En février 2011, le ministère de la Justice a autorisé les visites, alors que jusque- là, les condamnés à mort étaient détenus au secret. Certains n’avaient plus aucune nouvelle de leurs familles depuis deux décennies. Le 14 janvier 2012, le président Moncef Marzouki a gracié les 122 condamnés à mort dont la condamnation était définitive, c’est-à-dire ceux qui avaient épuisé toutes les voies de recours (appel et cassation). Leur peine a été commuée en peine de réclusion à perpétuité.

Ils n’en ont donc pas terminé avec la prison. Seuls les plus anciens, ceux qui ont passé 20 ans ou plus en captivité, ont un espoir tangible de libération. Au moins cinq d’entre eux ont été libérés le 14 janvier 2013. Aujourd’hui, la situation est la suivante : il y a environ 11 néo-condamnés à mort, c’est-à-dire des personnes qui ont été condamnées après janvier 2012, ou celles dont la peine est devenue définitive entre-temps. Ils sont répartis entre quatre prisons principales: la Mornaguia, la prison des femmes de la Manouba, celle de Sfax et celle du Sers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire aussi:

Trois semaines en prison avec les condamnés à mort: Le témoignage choc de Samy Ghorbal

Tags : peine de mort   Tunisie