Notes & Docs - 06.04.2010

Témoignage du Pr Skander M'RAD

Ben AyedC’est à plusieurs titres que j’apporte ce témoignage en hommage à la mémoire du Pr Hassouna B Ayed.

D’abord en tant qu’interniste, au nom de la Société Tunisienne de Médecine Interne.

Ce que la médecine interne tunisienne lui doit

La STMI a été fondée en 1990 par Pr Hassouna B Ayed, il en assura la présidence durant plusieurs années. Sa tâche n’était pas du tout facile. Le nombre relativement faible d’internistes, l’absence d’actes (autre que purement intellectuel), la méconnaissance de la spécialité par un public peu averti, sans compter les limites assez floues avec les autres spécialités médicales expliquaient pour une large part ces difficultés.

Il en était parfaitement conscient. N’écrivait-il pas en introduction à une table ronde en mars 2000 « …ainsi la Médecine Interne apparaît comme la mère des spécialités, mais par un retour de situation, elle risque de devenir leur soeur cadette et au pire leur "marâtre ". Il serait souhaitable de considérer une conception différente de la médecine Interne, l’interniste doit reprendre le rôle de " l’expert consultant " et la médecine Interne la place de la " Médecine d’organisme ".

Un éminent praticien doublé d'un grand pédagogue

Il a fallu beaucoup d’efforts et beaucoup d’énergie pour assurer à la Médecine Interne la place qui est la sienne aujourd’hui. L’aura et le rayonnement du Pr B Ayed en étaient les meilleurs leviers.

Ben AyedEn 1997, il ira à Casablanca en compagnie de feu Mohamed B Dridi pour fonder la Société maghrébine de Médecine Interne.

Ensuite, c’est au nom du service de Médecine Interne de l’hôpital Mongi Slim que j’apporte ce témoignage.

Nous avons eu le privilège d’accueillir régulièrement Pr B Ayed dès qu’il avait été à la retraite, au staff hebdomadaire du service qui du coup avait pris une tout autre envergure. Il avait même assuré pendant un moment une consultation hebdomadaire à l’hôpital Mongi Slim. Plusieurs candidats au concours d’agrégation étaient venus répéter devant lui l’épreuve de leçon.

Pendant des années, il nous apportait régulièrement le New England Journal of Medicine auquel il était abonné et dont il nous demandait de traduire et de présenter certains articles et tout particulièrement les remarquables «Cases Records» du Massachusetts Hospital.

Il avait été très affecté par la disparition prématurée de feu Mohamed B. Dridi, mais il n’avait rien changé à ses habitudes. Deux semaines avant son départ, il était parmi nous au staff du jeudi ….

Nous tirions de cette présence une grande fierté. Il n’y avait sans doute pas que la proximité géographique entre son domicile et le service ….

La participation régulière du Pr B Ayed à notre staff offrait pour les jeunes et les moins jeunes des opportunités privilégiées d’un apprentissage inestimable.

Apprentissage scientifique et médical bien sûr, mais peut-être faudrait -il chercher l‘apport le plus important ailleurs, dans ce que les pédagogues appellent le curriculum caché dont l’influence sur les comportements est autrement plus importante que le cursus explicite. C’était en effet autant d’occasions qui permettaient d’illustrer concrètement ce que devait être le respect des aînés, le passage de témoin entre générations, le développement harmonieux d’une spécialité…

Enfin, j’apporte ce témoignage en tant qu’élève et disciple.

J’ai eu le privilège de côtoyer le Pr B Ayed à plusieurs époques et dans différentes circonstances. Une multitude de souvenirs, d’anecdotes me viennent à l’esprit.

J’aimerais partager avec vous l’évocation de quelques faits qui à mon sens sont bien emblématiques de l’homme qu’il était et de ses convictions.

Le premier c’était en 1977 lors d’une émission télévisée organisée pour rendre hommage à Feu Zouheir Essafi qui venait de disparaître à la suite d’un accident tragique. Comme en pareilles circonstances, les superlatifs et les clichés foisonnaient. Pr B Ayed comme d’habitude avait très peu parlé, mais avait eu cette phrase très significative sur Zouheir Essafi «... il a fait honneur à l’intellectuel tunisien».

Le deuxième est relatif à l’Association Médicale Tunisie-Palestine qu’il avait fondée en 1978 et dont il avait assuré depuis la présidence. C’est grâce à cette association que des Résidents tunisiens, volontaires ont pu trouver le cadre et les autorisations nécessaires pour aller exercer pendant quelques mois dans les camps au Liban pour le compte du Croissant Rouge palestinien. Ils ont donné loin de toute médiatisation et toute récupération, la meilleure image de la médecine tunisienne et de la Tunisie.

Une goutte d’eau ? Peut être, mais n’était – ce pas plus concret et plus utile que les slogans aussi enflammés que creux qui fleurissaient autour de la lutte des Palestiniens ?

Le troisième fait se passait en 1988, une grande commission avait été mise en place pour se pencher sur les difficultés que connaissait alors la médecine universitaire. Une des sous-commissions présidée par Pr B Ayed était chargée de se prononcer sur le «plein temps intégral et le plein temps aménagé».

Les réunions qui se passaient au M8 étaient très animées. Il n’a pas été possible d’arriver à un consensus. Le rapport final tapé au secrétariat du M8 reflétait fidèlement ces divergences et spécifiait clairement que deux positions se sont dégagées au sein de la commission l’une pour le plein temps aménagé, l’autre contre tout en argumentant chacune des positions.

Puissent l’oeuvre et le parcours du Pr B Ayed servir d’exemple et éclairer nos choix.

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