Opinions - 29.09.2011

Pour la jeunesse tunisienne

On ne le répètera jamais assez, la « Révolution du jasmin » a été déclenchée et conduite à terme par la jeunesse tunisienne. Avec tant de sacrifices ! Et en premier, Mohamed Bouazizi. Il en est de même pour le « Printemps arabe » et ailleurs. Ce sont toujours les jeunes qui ont été à l’avant-garde des mouvements de contestation, d’indignation, de révolutions. Malheureusement, ce sont les caciques de l’ancien régime ou des régimes précédents qui prennent les rouages du pouvoir pour mener la transition. Il est vrai qu’ils ont l’expérience pour mener à bien les affaires de l’État. Mais franchement, ce n’est  pas suffisant ! Il aurait fallu inclure les jeunes dans les démarches et affaires sociales, dans les négociations politiques…, ne serait-ce que pour les habituer à faire face aux machines gouvernementales. Et celles-ci doivent de toute façon changer. Slim Amamou, un des cybernautes principaux de la révolution tunisienne, a fait partie du gouvernement transitoire, mais il a vite démissionné. Dommage ! Il aurait du y avoir d’autres jeunes comme lui pour l’épauler et surtout que le point de vue de la jeunesse soit représenté à tous les niveaux.

Depuis le début et même avant le 14 janvier, je n’ai cessé de m’informer quotidiennement non seulement sur la situation tunisienne, mais sur toutes les révolutions et en particulier la Libyenne. Mon élan d’enthousiasme et d’optimisme s’est vite transformé en un pessimisme désolant qui m’a beaucoup chagriné. En réalité mon positionnement est en perpétuelle fluctuation. Des Hauts, et des Bas ! Tout dépend des nouvelles glanées dans les médias tunisiens et étrangers. Les débats font légion, mais pas toujours dans le respect de la loi. La violence et le vandalisme surgissent de temps à autre et les agents de la sécurité sont débordés. Des efforts sont faits pour faire aboutir le processus électoral, mais les chicanes, les défis, les rumeurs augmentent, de toute évidence, la confusion et les malentendus. Des actes fondateurs ont pris place tel celui de la Haute Instance, mais à quel prix ? Je ne parle pas ici de finances, mais d’efforts, de négociations acerbes, de sacrifices…  pour arriver à un consensus. Un dévouement inconditionnel de notre armée qu’il faut louer pour son patriotisme dont nous sommes tous reconnaissants. Et c’est ça le but du changement démocratique. 

Dans « La Stratégie politique de la Nahda », Hammadi Redissi fait une fine analyse esquissant les défis et les enjeux, tous accaparés par ce parti politique islamiste. Il dénonce le rôle ambigu et le double, sinon le quadruple langage de ce parti religieux ! Et l’on peut se demander comme lui : « A ces conditions, à quoi servira la Constituante ? » Sans doute à entériner sa victoire déjà annoncée ! Ce Parti a le vent en poupe, il est l’un des plus structurés et par conséquent il fait de la « vraie politique pas celle de nos politiciens divertissants. » Il est vrai que les Islamistes s’occupent beaucoup d’aide sociale, ce qui est, pour eux, un mode de recrutement efficace. Des militants qui vont propager la foi à la sauce idéologique ! Par contre les Libéraux ne devraient pas se désintéresser de ce champ social, laissé vacant en le remettant aux mains des Islamistes, par inattention.  Il est évident que chacun(e) est libre de pratiquer sa religion ou ses convictions comme bon lui semblent. Mais dévier la religion à des fins politiciennes n’est point éthique ni pour la foi (ainsi défigurée) ni pour la politique (ainsi opportuniste). Pour une véritable démocratie citoyenne, le domaine de la foi et celui de l’option politique devraient être complètement séparés. Chaque chose en sa place ! Que l’on se réclame de l’arabité et de l’Islam ne conduit nécessairement pas à l’application de la Chariaa, ce à quoi tiennent les Islamistes, même si avant les élections, ils utilisent la langue de bois pour marteler un message imbibé d’ambiguïté. Je vous renvoie, cette fois-ci à l’entretien de Si Mohamed Talbi dans La Presse, du jeudi 21 avril 2011, page 8. Voir ce que notre meilleur islamologue, philosophe sur les trois religions du Livre,  dit de la Chariaa, en terre d’Islam. Je ne suis pas spécialiste des religions. Cependant  j’avoue être attiré par sa position qui rend à l’Islam ses fondements de paix et de respect de la foi (la sienne et celle des autres) dégagés de tout prosélytisme politico – religieux.

Dans la Tunisie actuelle, les polémiques vont bon train, du référendum, à la date des élections, au financement des partis… cette liste n’est pas exhaustive. La polémique et les diverses idéologies qui se positionnent, argumentent, accusent et se contredisent font du bien à la liberté d’expression. Mais cela ne fait qu’ajouter du « bruit et de la fureur » au brouillage généralisé. Et là où le bât blesse, c’est que les intérêts personnels passent avant l’intérêt général. Très peu de penchant vers le bien commun et l’intérêt du pays. Si Mohamed Ennaceur le remarque bien dans son titre : « Je crains une montée d’intérêts personnels et la dislocation des liens sociaux. » Justement ces liens sociaux ne devraient pas être érigés en systèmes,  mais laisser le naturel acquérir de nouvelles façons de réagir, de penser et de choisir. Et Dieu merci, la Tunisie ne manque pas de penseurs, d’historiens… d’intellectuels dans tous les domaines du savoir pour nous éclairer, nous aider à développer ce sens critique constructif qui nous a manqué pendant des décennies de dictature muselante. Voyez l’exemple de Si Mansour Moalla qui nous a édifiés sur l’économie nationale et globale et sur les possibilités d’un régime parlementaire. Et quand on lui a demandé de traiter du chômage, il avance avec prudence et propose une réflexion systématique pour nous sortir de ce dilemme : « S’il faut une loi pour imposer les recrutements, réfléchissons-y ! » Si le hasard fait bien les choses, il faut de temps en temps donner un petit coup de pouce pour les faire bouger. Et en mon sens, on ne peut les faire évoluer que dans la réflexion, la profondeur, la clarté et la sérénité.

Les conseils des « Sages » ne doivent pas nous faire oublier d’inclure l’apport de la jeunesse. Celle-ci devrait, encore une fois, être incluse dans toutes les instances légales, sociales, politiques… Cette participation jeunes hommes / femmes est absolument nécessaire. Ne représentent-ils pas l’avenir ? Et ne sommes-nous tous pas penchés sur le genre de vie libre, digne, juste, démocratique que nous voudrions leur forger ? Rien ne peut et ne doit être élaboré, socialement et nationalement parlant, sans ces forces vives des jeunes. Nous devons leur rendre les honneurs pour avoir pris le sort du pays entre les mains, aidés bien sûr par les aînés de toutes les couches sociales. Pas d’opposition de générations ! Mais préséance des jeunes ! Ceux-ci et celles-ci nous ont fait relever la tête, et débarrassé des chemins tortueux de la dictature et de la corruption, tout en nous ouvrant de nouvelles voix à la hauteur de nos espoirs.

Hédi Bouraoui
    
 

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2 Commentaires
Les Commentaires
sofiane bouraoui - 30-09-2011 11:05

je suis tout à fait d'accord avec votre article si clair et visionnaire les jeunes devrons travaillé pour tout ça.

Camus Bouhnik - 02-10-2011 08:39

Inclure la Jeunesse dans les instances sociales et politiques est absolument nécessaire comme le dit Hédi Bouraoui. La révolution du Jasmin a été déclenchée par les jeunes pour transmettre leur mécontentement d’un état de choses insupportable, la corruption d’un côté et le chômage de l’autre. Encore faudrait-il parrainer ces jeunes, les affaires d’état étant compliquées et il n’existe pas de solution magique, comme « sésame ouvre-toi ». Il faudrait ensemble aspirer au calme, affermir l’organisation, la police. La violence n’étant pas un but en soi. Les manifestations ont aidé à élever l’étendard de l’injustice, la deuxième phase serait de réintégrer la sérénité. Les jeunes de pair avec leurs aînés doivent aspirer à redorer la branche du tourisme, à repérer des fonds et des investissements et pour développer l’industrie, l’agriculture et le commerce international dans le but de lutter contre le chômage. Pour cela Les conseils des « Sages » doivent penser à la participation des jeunes afin d’assurer un avenir meilleur, c’est la nécessité de la rénovation et le retour au bien-être.

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