Opinions - 12.12.2012

Mythes sur le gaz de schiste en Tunisie

En tant que professeur (retraité) de géologie avec un intérêt profond en matière d’énergie, je suis découragé par la campagne de désinformation sur le gaz de schiste menée aux États-Unis, au Québec, en Europe et, plus récemment, en Tunisie.L’Agence internationale de l’énergie (AIE)a qualifié les années à venircomme un « Âge d’or du gaz », ce qui suggère qu’il s’agit d’une source d’énergie qui mérite d’être sérieusement prise en compte,et non pas rejetée uniquement selon des mythes et demi-vérités. Avec des déclarations négatives de la Fédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie ainsi que les commentaires deDr. Mohamed Larbi Bouguerra, il est clair que des faits objectifs doivent être désespérément insérés dans le débat.

Mansour Cherni, le coordonnateur national de laFédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie, demande aux Tunisiens de rejeter l’exploitation du gaz de schiste sous prétexte que cela « pollue le sol, l’air et l’eau ». Ces déclarations sont fausses.La fracturation hydraulique, la technique qui libère le gaz naturel emprisonné dans le schiste ou autres réservoirs très compacts enfouis profondément sous la surface, est une technologie sûre qui est utilisée depuis 60 ans en Amérique du Nord. Selon le GWPC (le Conseil pour la protection des eaux souterraines), une organisation composée d’organismes de réglementation d’État américains, cette technologie a été utilisée plus d’un million de fois et n’a jamais provoqué la contamination d’eau potable.

Les fluides utiliséspour fracturer de façon hydraulique la roche sont composés à 99,5 % d’eau et de sable, et les 0,5 % restants sont des additifs que l’on retrouve également dans des produits ménagers courants tels que dansles produits de nettoyage et détergents. En général, moins de 12 produits chimiques sont utilisés pour chaque opération, et non pas 750 comme certains l'ont déclaré .Les puits sont conçus avec de multiples couches de ciment et d’acier qui gardent les fluides à l’écart de l’environnement. Ces fluides sont recyclés et utilisés dans d’autres puits après leur utilisation, mais aussi traités ou injectés dans des puits d’enfouissement à grande profondeur.

D’autres personnes s’inquìètent de l’appauvrissement de l’alimentation en eau par le gaz de schiste en Tunisie. LaKennedy School de l’université de Harvard a constaté que la quantité d’eau utilisée pour l’exploitation du gaz de schiste, par unité d’énergie produite, est inférieure ou égale à la quantité d’eau requise pour d’autres sources d’énergie.Aux États-Unis, l’utilisation d’eau pour toutes les activités pétrolières et gazières, y compris la fracturation hydraulique, représente généralement moins d’un pour cent de la demande totale en eau dans une région quelconque. Dans certaines régions, ce nombre est aussi peu élevé que 0,1 pour cent. Le recyclage d’eau et l’utilisation de sources d’eau non potable sont des options que les entreprises utilisent régulièrement lorsque l’eau est rare.

Il est surprenant que quelques syndicats aient rejeté l’exploitation du gaz de schiste, plutôt que de rechercher des renseignements factuels sur les opportunités qu’elle représente.Aux États-Unis, les syndicats de l’industrie ont joué un rôle instrumental dans l’exploitation du gaz de schiste. M. Butch Taylor est le président de la section396 d’Ohio du syndicat des plombiers et des tuyauteurs, l’un des nombreux syndicats locaux dont les travailleurs ont tiré profit de l’industrie. Avant l’exploitation du gaz de schiste, le chômage représentait 30 à 40 % parmi leurs membres, mais maintenant il constate un « plein emploi » et il se « réjouit » des opportunités offertes à ses travailleurs par l’industrie.

Dans une lettre publiée le 6 novembre dans la revue Leaders, Dr. Mohamed Larbi Bouguerra affirme que des puits seront forés tous les 600 mètres,avec trois puits tous les deux kilomètres. Cependant,avec le forage horizontal, de nombreux puits peuvent être forés à partir d’un seul emplacement, s’étendant dans plusieurs directions, et ainsi, les répercussions seront énormément réduites.Effectivement, un puits de schiste typique permet d’avoir accès à autant de gaz naturel qu’au moins dix puits traditionnels. En outre, les réclamations concernant le gaz de schiste qui aurait provoqué une augmentation du méthane dans l’eau de robinet au Texas, la mauvaise odeur d’eau à Pavillion et des puits d’eau contaminée en Pennsylvanie, ont toutes été étudiées et écartées par les organismes de réglementation d’État.

L’exploitation du gaz de schiste se déroule de façon sûre aux États-Unis et au Canada et le consensus grandissant dans d’autres pays est que le gaz de schiste peut être développé en toute sécurité dans le cadre d’une réglementation appropriée. Le Parlement européen a rejeté une interdiction, recherchant plutôt une réglementation adaptée au contexte européen. En France, le ministre de l’Industrie, M. Arnaud Montebourg, met en avant l’innovation qui permet à l’exploitationdu gaz de schiste d’être effectuée« sans destruction ».

Avec des ressources techniquement récupérables estimées à 13billions de pieds cubes de gaz de schiste, les Tunisiens devraient examiner tous les faits avant de décider de l’avenir d’une source d’énergie sûre et propre qui pourrait offrir des emplois dont les Tunisiens ont tant besoin et des revenus au gouvernement, tout comme cela a été le cas aux États-Unis.
 

Reynald Du Berger
Professeur de géologie (retraité) à L’université du Québec à Chicoutimi
Chicoutimi, Québec, Canada

Reynald Du Berger, maintenant à la retraite, est un des professeurs fondateurs de l'Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné la géophysique pendant plus de 30 ans. Ses intérêts de recherche étaient en sismologie et en géophysique appliquée à l'environnement, plus particulièrement dans le domaine des eaux souterraines.

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9 Commentaires
Les Commentaires
autruche89 - 12-12-2012 20:00

A vomir!!!!!!!!!

pierrre - 12-12-2012 22:20

Bravo! Enfin un avis éclairé! Voilà la première fois que je lis l'avis d'un géologue concernant ces (trop?) fameux gaz de schiste! De la fracturation hydraulique, ca se pratique en effet tous les jours. J'avais eu l'occasion de pratiquer cela en plein coeur de Paris, à moins de 20m de profondeur, en 1991. Espérons qu'on puisse lire et entendre plus d'avis éclairés de la part de gens compétents, sur ce sujet À+

Sabria Barka - 13-12-2012 01:50

Le mythe du mythe A Monsieur Reynald du Berger Monsieur, permettez moi en tant qu'universitaire spécialisée en écotoxicologue de vous rappeler quelques problématiques liées à l'industrie du gaz de schiste et j'ose espérer qu'elles sauront semer le doute dans votre conscience écologique: - en premier lieu la Tunisie est un pays qui est déjà en pénurie d’eau avec moins de 500 m3 d’eau par habitant par an pour couvrir les besoins domestiques, agricoles et industriels. Vous comparez avec les Etats-Unis où ce chiffre varie entre 6000 et 15 000 m3. (source : FAO 2007 http://www.flickr.com/photos/33430943@N08/3110997722/). Vous donnez des pourcentages et non pas des chiffres bruts. 0,1 % d’une quantité énorme, cela fait encore beaucoup. - Ensuite, vous avancez le chiffre de 12 produits chimiques comme additifs au liquide de fracturation. De nombreux rapports d’expertise, de scientifiques, d’ONG… font la liste des produits chimiques présents dans les liquides de fracturation et il y en a largement plus que la douzaine. Pour exemple, je vous invite à lire celui-ci qui date de 2011 sur un site gouvernemental américain : http://democrats.energycommerce.house.gov/sites/default/files/documents/Hydraulic%20Fracturing%20Report%204.18.11.pdf Sans compter que certains mélanges chimiques sont protégés par le « trade secret » et qu’il n’est donc pas possible de prendre connaissance de leur composition. - Vous insinuez que le faible pourcentage de produits chimiques ne représente pas de risque pour la santé humaine et environnementale et vous dites, à juste titre, que certains sont présents dans les produits d’utilisation courante et même dans les biberons (comme le bisphénol A qui a été interdit depuis notamment au Canada). Avez-vous entendu parler de perturbateurs endocriniens ? Savez-vous que certaines molécules, à des doses extrêmement faibles (de l’ordre du ppt ou du ppm : 1 ppm est l’équivalent d’une goutte dans 20 piscines olympiques), une fois ingérées, sont capables de dérégler le système hormonal avec de lourdes conséquences sur le fonctionnement des processus biologiques (reproduction, régulation thyroïdienne, glycémie etc) et l’apparition de pathologies à moyen et long terme. Lisez ce tout récent article scientifique très pointu sur la question : http://edrv.endojournals.org/content/early/2012/03/14/er.2011-1050.abstract Des études épidémiologiques sont en cours sur les populations travaillant sur ou avoisinant les forages mais nous n’avons pas encore assez de recul pour en montrer la pertinence. - Les eaux de fracturation lorsqu’elles sont récupérées en surface sont laissées dans des bassins à ciel ouvert en attente de traitement (ou pas). Des émanations de substances potentiellement nocives (solvants organiques notamment) rejoignent ainsi l’atmosphère et contaminer l’air. Le traitement de ces eaux est laborieux, coûteux et fait appel à des produits chimiques. Le problème, cher monsieur, c’est qu’en Tunisie, nos stations d’épuration sont à peine à niveau pour traiter les eaux domestiques et industrielles (capacité, technicité, règlementation, normes etc), alors que dire s’il s’agit de traiter des volumes d’eau supplémentaires avec des cocktails de substances chimiques pour certaines hautement cancérigènes. D’ailleurs, dans votre pays aussi, les experts avouent leur impuissance à traiter convenablement les eaux de fracturation (voir http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/340662/traitement-des-eaux-de-fracturation-du-gaz-de-schiste-les-usines-d-epuration-ne-suffisent-pas-estime-un-expert) - Quant à la manne d’emploi que vous évoquez, il semblerait bien qu’elle soit fictive puisque 13 personnes sont nécessaires pendant la phase de forage, qui ne dure que de quelques semaines à quelques mois, et de 0,18 par puits pendant la phase d’exploitation. Voir http://owni.fr/2012/10/08/les-emplois-au-pifometre-du-gaz-de-schiste/ - Enfin, car il me faut terminer, Mr Larbi Bouguerrra, que j’ai entendu récemment, insiste sur le fait que le recours à des énergies carbonées est un retour en arrière sur les résolutions concernant le réchauffement climatique. Vous n’êtes pas sans savoir que le coefficient de réchauffement du méthane est au moins 25 fois plus élevé que celui du CO2. Extraire encore et encore des composés carbonés ne semble donc pas être le meilleur choix à faire d’autant plus qu’il existe des alternatives énergétiques qui ne demandent qu’à être exploitées pour peu qu’on injecte dans la recherche de leur optimisation suffisamment de volonté, de bonne foi et d’argent.

karim ben mustapha - 13-12-2012 05:12

Cher Pr, Est ce pour cela que le congrès américain vient de demander à l EPA de statuer définitivement sur les risques sanitaires et environnementaux lies a son exploration; car ses honorables membres viennent de se rendre compte que cette institution américaine a longtemps fermer les yeux et n a jamais pris des décisions importantes visant à en étudier les impacts de cette ressource. En outre une étude récente universitaire vient de démontrer pour la première fois la contamination de l'aquifère en Pensylvannie à la suite de l'exploitation de ces gaz. je vous reproduit l information que javais publie en septembre dernier avec les liens URL Agence de l'environnement US EPA et la contamination de l'aquifere: Sur quel pied danser? September 27, 3:17 PM http://www.epa.gov/ogwdw/uic/pdfs/cbmstudy_attach_uic_ch07_conclusions.pdf http://www.fas.org/sgp/crs/misc/R41760.pdf En 2004 EPA se lave les mains (et stope la phase 2 du programem detude dimpact) pas de contamination de laquifer, en 2012 elle se fait prier par le congress de y voir pluis clair....entretemps une excellente etude montre la contamination de laquifere dans une 50 de puits sur 64 echantillonnes article --- Hydraulic Fracturing for Natural Gas Pollutes Water Wells: Scientific American Hydraulic Fracturing for Natural Gas Pollutes Water Wells: Scientific American | ecology and economic | Scoop.it From www.scientificamerican.com - September 27, 2:53 PM A new study indicates that fracturing the Marcellus Shale for natural gas is contaminating private drinking water wells...

tunis - 13-12-2012 07:51

avant de dire ok au gaz de schistes il faut un débat national des expertises independentes sans conflits d 'interets.lA T unisie est un petit pays ce n 'est pas un pays continent c 'est un pays ou l 'EAU potable manque.vous etes geologue mr Allegre aussi en France;Souvent il est en desaccord avec ses collegues sur les causes du rechauffement climatique.Je fais donc plus confiance aux avis de mr Bouguerra qu'aux votres car c 'est un défenseur de l 'environnement.merci de s 'interesser à la Tunisie;

citizen - 13-12-2012 09:59

Avec votre approche scientifique, rationnelle, cartésienne, réfléchie et logique (totalement absente dans mon pauvre pays), vous venez Cher Monsieur de faire voler en éclats tous les mensonges, toute la démagogie des ignorantEs et/ou démagogues qui polluent nos médias et notre société. Merci

Moncef SAÏDANE - 13-12-2012 11:19

Peut-on prendre comme référence les USA, un pays qui a refusé de signer les accords de Kyoto sur la protection de l'environnement?

Tunisien - 13-12-2012 21:15

Ce qui intrigue le plus cher professeur Reynald c'est votre remarquable motivation a défendre l'exploration du gaz de schiste, même dans un pays aussi lointain que la Tunisie. Ici notre gouvernement tente de museler le débat et minimise les risques écologiques en s'appuyant sur des arguments similaires aux vôtres. (...) Mais vous Professeur, qu'elle est votre motivation réelle? Vous roulez pour l'une des six sœurs aussi? ...

cherni - 06-02-2014 19:02

Mr Reynald, une fois encore et pour la nièmes fois, nous ne sommes pas contre l'exploitation du gaz de schiste en Tunisie. Nous sommes contre une technologie qui nuit à l'environnement en premier lieu, la Tunisie est un pays en stress hydrique il ne faut pas la compare avec des pays riches en eau, très avance en démocratie, l'accès a l'information facilement, ce n'est pas le cas dans mon pays la Tunisie. Vous avez parlé d'une façon un peu brutal non scientifique, a l'égard des syndicats et des experts Tunisiens Mr Bouguerra (Mansour Cherni, le coordonnateur national de la Fédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie, demande aux Tunisiens de rejeter l’exploitation du gaz de schiste sous prétexte que cela « pollue le sol, l’air et l’eau ». Ces déclarations sont fausses). Dites ca aux experts Et j'ai demandé dans ma réponse un débat d'experts et de scientifiques, vous n'avez pas fait ça donc, tout ce que vous avancez donc reste sujet a polémique c'est pour ne pas dire autres choses. Ma réponse en tant que responsable syndical coordinateur des affilies de l'international des services publics pour la région MENA des travailleurs dans le secteur de l'énergie, nous restons toujours ouvert à un débat qui nous permet de trancher une fois pour toute sur ce sujet qui est les gaz de schiste. MANSOUR CHERNI

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