Opinions - 27.11.2013

Messieurs les économistes et affidés….Vous avez tout faux !!!

Chers éminents confrères, compères proclamés experts et autres laudateurs compétents de la macro-économie qui ne cessent de diagnostiquer et de prescrire….vous avez tout faux !!! Excusez cet accès de colère que certains auront vite fait de mettre sur le compte de la vanité ou que d’autres attribueront à de l’impertinence. Le lecteur jugera….

Comment pouvez-vous encore prendre les problèmes par le petit bout de la lorgnette, et être myopes à ce point des réalités qui nous font face. Si le système économique et social est bien en crise (certes aggravée par les locataires actuels du pouvoir), la pensée même à laquelle vous vous référez en permanence (la doxa dominante)  est tout aussi en crise. Les mots mêmes dont vous usez et abusez sont eux aussi malades. Le corps social est bien plus souffrant que ne le laisse entendre vos diagnostics symptomatiques et votre médecine faite d’une posologie homéopathique de réformettes qui ne feraient du mal à personne ou si peu. Comment pouvez-vous encore remplir des colonnes de journaux, gausser des journées durant sur les plateaux quand l’essentiel de ce que vous appelez économie échappe pour plus du tiers à toute capture statistique. Quand ce que vous désignez par « emploi » ne nomme en réalité que l’activité (souvent mal) rémunérée de 6 tunisiens sur 10 en âge de travailler, les 4 autres vous sont inconnus. Quand ce que vous nommez par pouvoir d’achat du tunisien n’est que le revenu proto-salarial médian (et non moyen) ne dépassant pas 300 DT sec….Ouvrez les yeux et lisez ces quelques pages du dernier rapport des gourous en la matière la BAD-BM 1 dixit: 66% des travailleurs qui ont un contrat à durée déterminée perçoivent une rémunération inférieure au salaire minimum (SMIG – SMAG), et 27% des travailleurs qui ont un contrat à durée indéterminée touchent moins que ce salaire. Croire et faire croire que nous serions un pays de couches moyennes est une fantasmagorie éhontée, une carte postale défrichée. Affirmer qu’hormis quelques déséquilibres structurels (doux euphémismes pour désigner des ignominies) l’actuelle situation, certes récessive, serait redressable (encore un syllogisme) est une chimère illusoire, au pire une duperie hautement fallacieuse.

Les mêmes contre-vérités

Pourquoi tant de ces dignitaires abonnés aux honneurs, de ces notabilités (anciennes et nouvelles) respectables continuent-ils à distiller les mêmes contre-vérités, tout juste quelques contre-pieds opposables, aux dires de l’actuel pouvoir tout aussi aveugle. Pas franchement un mystère mais des arrières pensés pas forcément très ragoutantes, chez certains. Bien sûr renvoyer dos à dos « tout ce petit monde » serait une erreur que nous ne commettrons pas. Simple refus du manichéisme ! Mais tel n’est pas l’objet de ce papier. Revenons à nos poncifs !..... Démonstration par l’absurde.

Il est de notoriété (pas forcément publique) que notre paradigme de développement économique est à bout de souffle, moribond. Mieux, les statisticiens tunisiens (de grande valeur) comme ceux nombreux du FMI et de la Banque Mondiale, qui ne cessent de faire tourner leurs modèles économétriques (faisant varier variables exogènes et endogènes et décrivant les possibles chemins de la croissance) en arrivent tous et toujours à la même conclusion indubitable et irréfutable qu’au-delà de 5 à 6% de croissance, le modèle finit par exploser sous l’effet de la contrainte extérieure. Bien trop long ici d’entrer dans les détails. Les raisons en sont : Inertie des grandes masses, comme spécificité propre de mécanismes régissant les agencements socio économiques (épargne, investissement et autre agrégats). Qu’à ne cela tienne, nombreux s’obstinent à vouloir lui donner une seconde jeunesse, toujours à quelques réformes (le mot magique) près. Une obstination logique à « sauver » ce qui peut l’être encore. Mais sauver quoi au juste ? Notre moyenneté…
Poursuivons cette fois ci par des énoncés décrivant des faits bien réels mais tragiques.

Beaucoup se sont mis en demeure de dénoncer les dérives (par ailleurs bien réelles) du pouvoir actuel. Les maîtres mots en sont incompétence et laxisme. Un peu court tout de même pour décrire la profondeur des miasmes qui agitent tout le corps social en perte de repères (politique inclus). Du coup on déniche un coupable tout désigné: l’informalité… et le responsable: l’incurie du gouvernement à juguler l’irrésistible et fulgurante ascension de ce fléau…Tout de même, un terme bien commode pour désigner un phénomène qui n’a tout de même rien de récent (Un ministre de l’époque ne disait-il pas que ce secteur est une soupape de sécurité). Aggravée certes, l’économie souterraine de contrebande, la concurrence déloyale du commerce parallèle mais une polysémie un peu facile qui masque aussi celle d’une autre réalité, celle d’une réponse à la précarité et à la vulnérabilité qui sévit, celle de l’économie de survie, le « sauve qui peut » (encore un autre) d’un Etat absentéiste depuis bien trop longtemps.

Les contradictions du système poussées à leurs limites

Illégale cette économie: souvent, mais toujours illégitime, sûrement pas….Tout est là.
La réalité, est que les forces occultes contenues de longue date dans notre société ont trouvé dans ce contexte de troubles, l’espace suffisant pour pousser les contradictions du système jusqu’à leurs plus extrêmes limites. Mais soyons juste, tout de même. Il n’en est pas moins vrai aussi que la mouvance islamo-libérale ne semble pas seulement s’en accommoder mais y trouve son compte. Des prescripteurs nouveaux (donneurs d’ordre et organisateurs probablement dans tous les interstices de l’Etat comme de la société) ont simplement remplacé les anciens. Définir précisément l’informalité est une gageure pour ne pas dire une aporie. La très honorable OIT s’y est frottée sans suite. Le travail remarquable du Professeur Nidhal Ben Cheikh effleure le sujet. Il y dévoile combien serait utile à nos brillants esprits de revisiter le RNE (Répertoire National des Entreprises) rapprochement (après codification et appariement) du fichier des immatriculations de la Direction Générale des impôts (DGI) et de celui du régime des employeurs indépendants géré par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS). Fichier qui donne une première mesure de l’Insécurité des revenus et de la vulnérabilité endémique des travailleurs de ce pays. Edifiant, quasi surréaliste et en toute première approximation pas moins de 1,2 millions de personnes, -probablement bien plus-, qu’il faudrait remettre au travail (le vrai) et non pas seulement le simulacre de comptage du nombre de chômeurs, avec la virgule...

Alors la vie continue et pour faire bonne figure, beaucoup se croient tenus de jouer le jeu. Critiquer la politique budgétaire « assassine » vont jusqu’à dire certains. Amendable se croient autorisés d’autres dans un « esprit de responsabilité ». Dérisoire manœuvre dilatoire pour un instrument qui ne fait plus de sens (600.000 micros activités non répertoriées, 450.000 foyers fiscaux exempts d’impôts ou au forfait). D’autres encore se défaussent de leur solidarité objective, bien réelle avec la politique économique générale. Ils prennent « subitement » plus que leurs distances, espérant ainsi prendre date….

Le ridicule le dispute au pathétique…Ainsi va le pays ! Mais pour combien de temps?

Hédi Sraieb

(1) Rapport conjoint gouvernements tunisien, américain et BAD « vers un nouveau modèle économique pour la Tunisie (pages 148 à 155)
(2) L’extension de la protection sociale à l’économie informelle à l’épreuve de la transition en Tunisie (14 pages)

Lire aussi

Réponse à Hédi Sraieb: Les Tunisiens ont besoin de retrouver l'espoir et d'un vrai plan de bataille
 

Tags : BAD   banque mondiale   fmi  
Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
6 Commentaires
Les Commentaires
LLadjimi - 28-11-2013 10:39

Remarquable mise au point qui pointe les profonds déréglements struturels. Il est temps en effet d'avoir un débat là-dessus et qui ne soit asservi et biaisé par la justification des à-priori.

Sami Boussoffara - 28-11-2013 19:10

Je veux bien croire si Sraieb, les économistes ont tout faux. Mais que nous dit-il ? Que propose-t-il ? Rien. On pourrait dire que si Sraieb joue les Hamma Hammami de l'économie. Tout va mal et on va tous y passer, soit. Mais que faire ? Silence radio. Le modèle de croissance s'essouffle, les déficits structurels, économie souterraine envahissante, 1.2 millions de chômeurs, qu'il nous sort de son chapeau on ne sait trop comment mais rien sur que faire, comment faire et surtout quel nouveau modèle initier.

mohsen - 29-11-2013 02:47

Cher Monsieur l'économiste Je ne suis pas énarque, cela ne m'empécherait pas d'attirer humblement votre attention qu'il y a une grande différence entre commerce dit "informel" et contrebande les importateurs , structurés ou non structurés payent le memes droits de douanes et taxes au moment du dédouanement, soit 22,5 pour cent de tva et 10 pour cent avance sur bénéfice Leur réseau de distribution est constitué de grossistes sous terrains et de marchands détaillants dans les souks (marchés hebdomadaires) La contrebande ,est l'introduction dans le pays de marchandises d'une façon frauduleuse, donc qui échappe à la taxation Le problème , c'est que ,dans les deux cas, on fait employer des centaines de milliers de jeunes attirés par une rémunération relativement intéressante sans qu'ils soient déclarés. Ces jeunes sont officiellement "chomeurs" et font partie des statistiques Ces jeunes 'et moins jeunes , consomment. Cela donne un modèle d'économie que l'on n' étudie pas dans les grandes écoles huppées En revanche, aucun économiste ne s'est intéressé à la valeur réelle de la caisse de compensation en amont et en aval ainsi que de la charge de structure de tous les organismes qui gèrent cette "caisse" en conclusion, l'économie est ,loin d'etre une science exacte figée ,nécessitant un discours pédant et ostentatoire.

Tayeb - 29-11-2013 11:50

Je me suis hazardé à lire l'article! je suis déçu ! je m'attendais à une plus grande pertinence dans la formulation et surtout dans le contenu qui ne devrait se limiter à relater un point de vue sans avancer des lignes de réflexions. Ce texte utilise des mots trop "fabriqués" ! On dirait que l'auteur cherchait à faire plus un exercice de style que traiter du fonds! L'expert chercherait toujours à faciliter la compréhension du " compliqué", utiliser un jargon réduit l'audience! ...

Emna Naboultane - 02-12-2013 08:37

"Monsieur je sais tout, vous ne savez rien". On croyait que cela pouvait provenir des économistes à la petite semaine qui fleurissent sur les espaces médiatiques depuis le 14 janvier 2011. Malheureusement les maux sont contagieux. Un peu de modestie Monsieur!

Béchir Toukabri - 02-12-2013 19:51

Bravo pour ce requisitoire contre la médiocrité des pseudo experts de tous bord, qui ne sont bon qu'au bavardage savant. Le vrai problème est celui du choix d'un système économique: Bourguiba à su manoeuvrer et zigzaguer habilement entre le système capitalisme de l'époque. Ben Ali nous a jeté dans les bras d'un libéralisme sauvage et mafieux. Quand Islamiste, à defaut de comprendre ce qu'est un système économique, croient qu'il suffit d'ajouter l'adjectif "islamique" à n'importe quelle activité économique pour voir les miracles se produire. Quand à notre intelligiencia, elle reste subjugée par la civilisation occidentale. Pourtant à force de volonté et d'intelligence, il ya de nouvelles nations émergence qui avancent. Essayons au moins de voir ce qu'ils font.

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.