Opinions - 20.10.2014

Marzouki-médias : Pourquoi tant de haine, tant de hargne?

Une charge à l’arme lourde contre les médias. Avant même d’avoir débuté sa campagne électorale, Moncef Marzouki donne le ton. Ce sont les journalistes et les médias qui sont dans son point de mire. Après la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le montrant haranguer ses troupes en prenant soin d’attaquer les médias surtout ceux de la télévision nationale qu’il a dû «supporter pendant trois ans», c’est dans l’émission de Samir Wafi sur «AL-Hiwar Ettounsi» (ex-Attounysia TV) que le président-candidat a montré une haine féroce contre les médias et les journalistes qui, à ses yeux, sont l’avant-garde la «contre-révolution». «Enfin pas tous les journalistes, ni tous les médias, concède-t-il, mais presque ».

Comment expliquer que le militant révolutionnaire, le droit de l’hommiste notoire, c’est ainsi qu’il se qualifie, «Al-Houkouki Moncef Marzouki» peut-il nourrir tant de haine envers le seul domaine où des avancées certaines ont été réalisées, grâce, précisément à la révolution du 17 décembre-14 janvier ? L’intellectuel reconnu, l’écrivain prolifique, le libre penseur peut-il être dans son rôle et tant en vouloir à ces journalistes parce qu’ils ont enfin conquis la plus importante et les plus déterminante des libertés dans une démocratie, la liberté d’expression.
Le président provisoire se contredit en disant qu’il n’a jamais mis un journaliste en prison ni intenté un procès à un homme des médias, une affirmation à relativiser du reste, tout en procédant à une attaque en règle contre les journalistes. C’est comme s’il regrettait de n’avoir pu se venger de ces adversaires qu’il est acculé à subir.

Pourquoi tant de haine, tant de hargne ? Les médias ne font que refléter la réalité et les journalistes restent les historiens de l’instant. Mais médias et journalistes comme chacun sait ne s’intéressent pas aux trains qui arrivent à l’heure. C’est bien ce qui ne marche pas qui est leur quotidien et non le contraire. Ils forment le contre-pouvoir. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont toujours entretenu des relations difficiles avec tous les pouvoirs, le pouvoir politique, le pouvoir économique, le pouvoir de l’argent….Ne dit-on pas que l’étendue de la liberté de presse et d’expression est la résultante entre la tolérance de la société et la résistance des pouvoirs.
Dans son combat d’arrière garde contre la presse et les journalistes, Moncef Marzouki se trompe. Car aucun homme politique n’a gagné ce combat. Celui-ci est d’ailleurs le signe qu’en se trompant d’adversaire on fait une monumentale erreur. Ben Ali avait domestiqué la presse locale et s’était attaqué à la presse étrangère, rappelez-vous l’interdiction du Monde, Libération et Jeune Afrique. c’était pour lui le début de la fin.

Que veut Moncef Marzouki au juste? Une presse et des journalistes aux ordres, des émissions à reluire ses réalisations et des interviews où les interviewers sont des serveurs de bonne soupe. Cela ne se fait plus. Cela le discrédite plus qu’il ne ridiculise les médias aux bottes.

Certes, il y a une presse et des journalistes de caniveau, mais ceux-là existaient avant et continueront à exister. Il est du devoir de la profession journalistique de les mettre hors d’état de nuire. Mais les journalistes professionnels connaissant leurs devoirs avant leurs droits sont légion heureusement. Victimes avant le 14 janvier d’un pouvoir despotique qui les a détournés de leur véritable métier, ils ne se laisseront pas faire après la révolution qui leur a rendu autant qu’aux autres Tunisiens leur dignité bafouée.

Les excès de la liberté sont bien mieux que l’absence de liberté. Qu’on se le dise, une fois pour toutes.

R.B.R.