Opinions - 10.11.2013

Loi de finances 2014 : La constituante sera t-elle au rendez-vous?

Le projet de la loi de finances pour l’année 2014 a suscité ces derniers jours une vive polémique. Avec, comme d’habitude, un «effet de surprise», tous les acteurs économiques et tous les professionnels ont découvert la première puis la deuxième puis la troisième version de la loi de finances, en attendant  une autre version totalement différente de ce dont on débat aujourd’hui. Une approche d’élaboration qu’il faudrait revoir d’urgence!

Certaines dispositions de ce projet de la loi de finances 2014 ne m’ont pas laissé indifférent surtout dans la conjoncture économique actuelle. La première est relative à la réduction du taux d’impôt sur les sociétés de 30% à 25% et l’imposition des dividendes à une retenue à la source libératoire de 10% ou 5% en fonction de l’origine des bénéfices réalisés (locaux ou export). Cette disposition est de nature à susciter bien des d’interrogations:

Tout d’abord sur la date d’application, puisque elle est applicable à partir de 2015. Ce qui veut dire que le budget 2014 ne "tirera" aucun sou de cette disposition. Dès lors pourquoi la proposer dans le cadre d’une loi de finances bien qu’elle doive s’insérer normalement dans le cadre de la réforme fiscale déjà entamée?

Ensuite s'agissant de la difficulté d’application de la retenue à la source sur les dividendes versés notamment par les sociétés cotées à la  bourse de Tunis qui auront à défalquer le dividende à verser entre celui provenant du marché local et celui provenant de l’export. Que recherchons- nous ? Compliquer davantage notre fiscalité ou faciliter son application?

Enfin, sur la désharmonie avec le nouveau code d’investissement qui compte supprimer l’avantage au titre du réinvestissement physique des bénéfices au sein même de la société qui les réalise. Ne faudrait-il pas garder parallèlement à cette nouvelle retenue à la source l’avantage découlant du réinvestissement physique des bénéfices d’autant que les dividendes distribués aux personnes morales semblent échapper à cette retenue pour justement encourager les entreprises à les réinvestir?

La deuxième disposition est celle relative à l’exonération de l’impôt sur les sociétés  durant les 03 premières années d’activités des petites et moyennes entreprises industrielles qui seront créées en 2014 et dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 600 000 TND.

Une disposition inutile! Tout d’abord pourquoi les sociétés industrielles uniquement si l’objectif est de créer des entreprises et par conséquent des emplois ? Secundo,  combien y a t-il d'entreprises «Industrielles» fortement capitalistiques qui dégagent des bénéfices les 03 premières années? Aucune je suppose, puisque les 4 premières années constituent «Une vallée de la mort» pour toute entreprise nouvellement créée!  Durant les 3 premières années quasiment  aucune entreprise ne peut réaliser des bénéfices et les résultats des 3 années qui suivent pourraient ne pas être suffisants pour absorber les pertes antérieures des 3 premières années. Autrement dit, une entreprise aura au moins 6 ans pour qu’elle puisse dégager un résultat fiscal bénéficiaire sauf qu’à ce moment ce sera trop tard puisque l’avantage aurait expiré depuis 3 ans!     

La troisième disposition est celle relative au régime exportateur. Le projet de la loi de finances est silencieux sur le report de la date d’application d’un impôt de 10% mais très agressif sur l’application de la retenue à la source sur les redevances, du minimum d’impôt….etc.

 Reportée chaque année depuis 2008, la date d’application d’un impôt de 10% a été jugée cette fois- ci opportune ! Je ne dirais pas que cet impôt risque à lui seul de faire fuir les investisseurs étrangers, mais serait probablement la goutte qui va faire déborder le vase avec tous les malheurs que nous subissons !  Toutefois, et à la demande de plusieurs entreprises étrangères totalement exportatrices demandant de leur propre chef à être imposées en Tunisie pour échapper à une imposition plus lourde dans leurs pays d’origine, je crois que la loi de finances 2014 aurait dû offrir la possibilité à une application anticipée de l’imposition au taux de 10% à celles qui le souhaitaient.

La quatrième disposition est celle de la levée du secret bancaire qui revient chaque année dans la première version et puis par magie disparait pour qu’on n’en parle plus quand bien même et paradoxalement tout le monde recherche l’équité fiscale, la transparence et le renforcement du contrôle de ceux qui fraudent l’impôt ! Malheureusement, la levée du secret bancaire est un tabou dont personne ne veut entendre parler !pourquoi ? Tout simplement parce que les propositions faites jusqu’ici exigent une application immédiate alors que quasiment tous les contribuables tunisiens ont quelque chose à cacher ! Ne faudrait-il pas annoncer la levée du secret bancaire dans un laps de temps à déterminer pour que la culture du cache-cache change entre temps et  que les contribuables se préparent à ce virage vital dans l’histoire de la fiscalité tunisienne. Commençons  par les forfaits d’assiettes des BNC (expert comptable, comptable, Médecin, avocats, notaire…etc) et voyons  ce que cela va donner. Nous allons être agréablement surpris.

 Bref, la constituante a du pain sur la planche avant d’approuver cette loi de finances 2014 mais avec l’urgence de la constitution je ne crois pas qu’elle va s’arrêter sur tous ces détails, c’est pourquoi je me limite à commenter ces quelques dispositions et j’appelle nos chers élus à ne garder de ce projet de la loi de finances 2014 que les dispositions qui ont un caractère social, qui améliore le pouvoir d’achat et comble le déficit de la caisse de compensation.

Mohamed Derbel
Expert comptable

 
 

 




 
 

 

Tags : Tunisie  
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