News - 26.06.2014

Hakim Ben Hammouda: Où en est le programme de redressement économique (2ème partie)

Après avoir rappelé dans une 1ère partie de son analyse consacré au programme économique du gouvernement Mehdi Jomaa, les facteurs déterminants d'une situation économique des plus difficiles, présente la vision stratégique développée, le ministre de l'Economie et des Finances, Hakim Ben Hammouda esquisse à présente les concontours du programme économique de redressement, ses principes et ses priorités et fait le point quant à l'avancement dans la mise en oeuvre.  N'abandonnant pas sa plume d'économiste, auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages, il s'est exercé à conceptualiser Lle programme économique du gouvernement, dans l'analyse qu'il a bien accepté de liver à Leaders 

Partie 2

La politique de redressement économique : quelques principes

La politique de redressement économique que nous avons définie suppose quelques principes essentiels. Le premier est de rompre avec la dynamique post-révolutionnaire qui met l’accent sur la demande et particulièrement sur une croissance portée par la demande de consommation. Il s’agit de fonder une nouvelle dynamique où l’investissement doit porter les dynamiques de croissance.

Le second principe concerne l’importance des objectifs de stabilisation afin de faire face à la dérive des déficits macroéconomiques. Mais, en même temps, cette stabilisation doit s’accompagner d’un effort en matière de croissance afin qu’elle ne se transforme pas en une austérité qui compromet les chances des générations futures.

Le troisième principe met l’accent sur la dimension sociale dont la révolution a montré la grande fragilité. La gestion de la crise doit prendre en considération cette dimension et doit surtout protéger les classes sociales les plus fragiles qui ne peuvent supporter des mesures d’austérité.

Le quatrième principe est celui du dialogue et du consensus. Ces deux principes ont montré leur importance dans la gestion de la crise politique de 2013 et constitue les spécificités de la jeune démocratie tunisienne. Ces principes peuvent également jouer un rôle important dans la gestion de la crise économique. Cette conviction a poussé le gouvernement à organiser le dialogue économique national. Il s’agit en l’occurrence du premier débat économique ouverte et transparent dans l’histoire de la Tunisie post-indépendante. En dépit des difficultés, ce débat a ouvert un espace de dialogue et d’échange et a permis à de larges secteurs de mesurer l’ampleur des difficultés économiques de notre pays.

De grandes priorités économiques

A partir de cette analyse des défis et des enjeux de cette période de transition, nous avons défini une série de priorités économiques. La première de ces priorités est le rétablissement de l’autorité de l’Etat et une lutte sans merci contre la contrebande, le commerce parallèle et l’évasion fiscale. Cette bataille sera de longue haleine tant l’autorité de l’Etat a été mise à mal depuis la révolution. Elle exigera un travail patient et sur le long terme. Mais, elle demandera également de l’énergie et une détermination de tous les instants. Ce gouvernement a engagé cette bataille et les visites du Chef du gouvernement à Ras Jedir, à la frontière algérienne et aux ports de Radès et de La Goulette sont significatives de cet engagement pour faire face à ce fléau qui est en train de ruiner l’Etat et l’économie de notre pays. Cet engagement doit se poursuivre avec la même fermeté et la même énergie afin d’éviter que l’Etat ne cède devant les avancées des barons de la contrebande.

La seconde priorité est liée au rétablissement des grands équilibres macroéconomiques. La crise actuelle a été à l’origine d’une détérioration des finances publiques et de la balance courante. La stabilisation devient un enjeu essentiel pour notre économique pour maintenir les deux déficits à un niveau tolérable. Le gouvernement a entamé des efforts pour assurer une plus grande stabilisation macroéconomique et pour retrouver une plus grande marge de manœuvre dans la gestion de sa politique économique.

La troisième priorité de notre politique économique est relative à la croissance. Car une stabilisation macroéconomique peut se transformer en politique d’austérité si elle n’est pas accompagnée d’une politique de croissance. A ce niveau, après les difficultés des politiques de relance publique, il est nécessaire d’accélérer les investissements publics notamment en facilitant les procédures des marchés publics et en encourageant l’investissement privé à sortir de sa léthargie et de son attentisme. Une relance de l’investissement interne renforcera la croissance économique et encouragera également les investisseurs internationaux à reprendre

La quatrième priorité est liée aux réformes économiques. Notre pays a hérité d’institutions rigides qui ont connu de grandes difficultés. Qu’il s’agisse du financement de l’économie, de la fiscalité ou de la subvention, notre pays est devant un défi essentiel lié à l’échec des grandes institutions qui ont fondé le développement de notre pays depuis le début des années 1970. Aujourd’hui, il devient urgent de rénover les banques, la fiscalité tunisienne ainsi que le système de subvention. Ces réformes sont d’autant plus importantes que des institutions solides et rénovées constituent la base de notre croissance future.

Enfin, la dernière priorité est liée à la solidarité et à l’inclusion sociale. La révolution a montré l’ampleur des inégalités et de l’exclusion sociale dans notre pays. Et depuis un important effort de reconstruction du rapport social a été entamé avec notamment la signature d’un nouveau contrat social et les efforts doivent se poursuivre dans ce domaine afin de faire de la solidarité et de l’inclusion le cœur du modèle social post-révolutionnaire.

En définitive, le rétablissement de l’autorité de l’Etat, la stabilisation macroéconomique, la relance de la croissance, l’accélération des réformes et l’inclusion et la solidarité sont les grandes priorités économiques du gouvernement Jomaa.

Où en sommes-nous dans ce parcours?

En dépit des difficultés, le gouvernement a réalisé lors de ces premiers mois plusieurs actions afin de réaliser ses objectifs économiques.

D’abord, des actions énergiques ont été entreprises en matière de lutte contre la contrebande et le commerce parallèle. Des plans de renforcement des postes frontaliers et des contrôles douaniers et policiers ont été mis en place et poursuivis de manière régulière au niveau le plus élevé.

Pour ce qui est de la lutte contre l’évasion fiscale, il faut noter les efforts de l’administration fiscale en matière de recouvrement ce qui a été à l’origine d’une amélioration des recettes fiscales. Par ailleurs, le gouvernement va mettre en place le décret qui réduit le recours au régime forfaitaire et renforce la place du régime réel.

Mais, l’effort de l’Etat dans la lutte contre la contrebande et l’évasion fiscale doit se poursuivre et se renforcer.

La stabilisation macroéconomique a fait l’objet de quelques actions de la part du gouvernement. En matière de réduction du déficit budgétaire et parallèlement à la réduction des salaires des membres du gouvernement qui un effet symbolique, la réduction et une plus grande maîtrise de cet équilibre font partie des priorités du gouvernement. La Loi des Finances complémentaire de 2014 et la Loi des Finances de 2015 seront l’occasion pour prendre des mesures plus énergiques afin de réduire de manière forte ce gap insoutenable entre les dépenses de l’Etat et ses recettes propres.

En même temps un important travail de mobilisation de nouvelles sources de financement a été effectué. La réussite de l’emprunt national qui représente une importante manifestation de mobilisation citoyenne constitue un élément essentiel dans cet effort de financement de l’économie.

Pour ce qui est de l’équilibre externe, une série de mesures ont été arrêtées afin de relancer les exportations et réduire les importations. La bonne saison agricole ainsi qu’une plus grande rationalisation de la consommation énergétique devrait réduire les pressions fortes exercées sur la balance commerciale.

Le gouvernement s’est également attaqué à l’investissement et aux conditions pour assurer sa relance. Ainsi, un nouveau code de passation des marchés publics a été mis en place ; il devrait accélérer la mise en place des projets d’investissement. Par ailleurs, une Task Force de suivi des projets d’investissement public bloqués a été mise en place et a visité un grande nombre de régions afin de relancer les projets et d’accélérer leur mise en œuvre. Cette task force a permis la reprise des travaux de grands projets comme l’autoroute Sfax-Gabès ou Sfax-Médenine et plusieurs autres projets de routes secondaires.

Le travail du gouvernement pour renforcer la relance de la croissance a porté sur certains secteurs stratégiques notamment les mines et l’industrie chimique où on a assisté à une reprise des activités. Par ailleurs, le secteur agricole s’annonce prometteur après une année difficile. Le tourisme, en dépit des problèmes sécuritaires et des polémiques politiques, devrait enregistrer de bons résultats.

Dans le volet des réformes, le gouvernement a effectué un important travail dans le domaine bancaire avec l’adoption d’une nouvelle stratégie articulée autour de cinq piliers. Le gouvernement doit finaliser et adopter le programme de recapitalisation des banques publiques et définir une feuille de route pour chacun des piliers de la nouvelle stratégie bancaire. Le gouvernement a accéléré les efforts dans le domaine de la réforme fiscale qui nous permettra d’adopter une nouvelle fiscalité plus juste et plus équitable avant la fin de l’année.

Dans cet effort de réformes, le gouvernement a décidé d’ouvrir le débat sur le nouveau modèle de développement ainsi que les nouveaux secteurs prioritaires qui vont porter la croissance économique des prochaines années.

Le volet social fait également partie des priorités du gouvernement. Ainsi, de nouvelles relations basées sur le dialogue et la confiance ont été mises en place entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Le dialogue social a été à l’origine d’une augmentation du SMIG et du SMAG et de la mise en place d’une série d’accords signés entre le gouvernement et l’UGTT dans la fonction publique. Enfin, il faut noter la mise en place du contrat social et du Conseil national de dialogue social.

Ainsi, le gouvernement a réussi en peu de temps à mettre en place des actions vigoureuses pour mettre le pays sur la voie du redressement économique. Est-ce suffisant ? Nullement. Cet effort de redressement doit se poursuivre de manière patiente et déterminée afin de sortir de la crise économique et d’entamer une croissance forte qui fera de notre pays le pôle d’émergence de demain.

Hakim Ben Hammouda.
Ministre de l’Economie et des Finances.

Lire la version integrale

Hakim Ben Hammouda: Le programme économique du gouvernement Jomaa (1 ère Partie)

Le programme économique du gouvernement Jomaa : Mettre la Tunisie sur la voie du redressement et de l'émergence

 

 

Tags : Hakim Ben Hamouda   Mehdi Jomaa   SMAG   SMIG   UGTT  
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