Opinions - 24.03.2011

Dette de la Tunisie-Annulation ou service soutenu ?

J’ai lu sur vos colonnes que certains tunisiens réclament, avec l’appui d’éléments irresponsables européens, l’annulation de ce qu’ils appellent la dette odieuse de la Tunisie.
Cette position illustre un faux débat et est extrêmement dangereuse pour notre pays.

Faux débat

Ce débat ne vaut même pas la peine d’être soulevé car le problème ne se pose même pas. La Tunisie a réduit sa dette extérieure de plus de 60% du Produit intérieur brut (PIB) en 2004 à environ 48% en 2009 et 2010. Un  résultat qui prend toute son importance si on le compare aux taux de pays comme le Brésil (60,80%), la Jordanie (61,40%) la France (83,50%), l’Italie (118,10%), la Grèce (144%), le Liban (150,70%) et le Japon (225,80%). L’analyse de la soutenabilité de la dette tunisienne montre que, pourvu que les politiques macro économiques soient judicieuses, cette dette déclinera à 38% du PIB en 2015.

Les politiques macro économiques doivent être judicieuses, en ce sens que le PIB doit connaître  un taux de croissance relativement élevé, l’inflation doit être maîtrisée et le taux de change stabilisé. Or, les circonstances actuelles nécessitent une grande vigilance de la part des autorités financières et monétaires. Le déficit budgétaire sera certainement important en 2011, les exportations vers l’Union européenne, elle-même en pleine crise, seront difficiles et le tourisme est en marasme. Malgré ces difficultés transitoires, le service de la dette, qui représente environ 11% des recettes d’exportation des biens et services, demeure gérable. Il est évident qu’il le sera encore davantage si les ressources, illégalement sorties de Tunisie par les clans de l’ancien régime et leurs mandarins jusqu’ici peu inquiétés,  sont récupérées dans les meilleurs délais. Les jeunes qui ont fait la Révolution attendent des actions concrètes sur ce point et des indications au public faisant le point en toute transparence sur ce sujet. Il y va non seulement du matelas de réserves de change du pays mais aussi de la stabilisation du taux de change du dinar et, sur le plan réel, de l’emploi des jeunes, surtout dans les zones rurales. Si les amis de la Tunisie dans le parlement européen veulent vraiment aider notre pays qu’ils votent des résolutions intimant à leurs gouvernants de faire rendre à la Tunisie ce qui lui est dû.
 
Position dangereuse

Cette position est dangereuse parce qu’un défaut de la Tunisie sur sa dette aura des conséquences incalculables sur son développement futur. Même pendant les années 80 quand la Tunisie était quasiment en état de cessation de paiement, elle n’a jamais renoncé à honorer les échéances de sa dette, ce qui lui a valu une notation financière de qualité et lui a permis de lever des fonds importants sur les marchés financiers à des conditions raisonnables. Faire comme certains pays d’Amérique latine : le Mexique en 1982, l’Argentine en 2002 et comme la Russie en 1998, est un très mauvais exemple. Notre pays verra ses sources de financement coupées, y compris celles des institutions financières internationales, comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque européenne d’investissement. Pourquoi courir un tel risque quand il n’y a pas péril en la demeure ? Pour satisfaire les désirs de certains démagogues ? Pour créer des difficultés supplémentaires au pays ? Pour faire échouer la Révolution?
Soyons raisonnables.

Dr.Moncef Guen

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5 Commentaires
Les Commentaires
Béchir Arfaoui - 24-03-2011 15:32

Merci cher Moncef pour cette analyse que je partage personnellement. il faut préciser aussi qu'un taux d'endettement élevé, n'est pas forcément un signe de bonne santé. Le drame c'est qu'on nous prête quasiment pour consommer et en cela notre faible taux est une bonne chose. c'est ce comportement de marché pour pays industrialisés qu'il faut combattre. Notre taux d'endettement doit repartir à la hausse (avec de nouveaux prêts) dans une optique de création de valeur avec des projets industriels.

HABIB - 24-03-2011 21:43

Lorsque les spécialistes parlent , il faut savoir les écouter. ( parole de profane ).Notre pays, en ratio population - richesse est bien lotie. Les usa ont un déficit commercial avec la Chine de plus de 2.000 milliards de dollars et ils continuent, de manière ostentatoire , de lui brandir la carte générique "des droits de l'homme ". Nourrir plus d'un sixième de la planète , relève , franchement du miracle, alors que dans les bas fonds de grandes villes des states , des gens végètent dans la faim et livrés aux caprices de la nature.Le président et le congrés us devraient consacrer les crédits alloués pour massacrer les enfants de palestine ,irak et ailleurs, à ses concitoyens qui côtoient , dans la plus grande démocratie de la planète des milliardaires qui ont fait la une du magazine " Forbès ". Shame on u american dream! As well on petro arab- monarchies ! Pour , la Tunisie , il est raisonnable de payer la dette extérieure pour ne pas hypothéquer , encore davantage l'avenir des générations futures ,tout en rejetant de rembourser les crédits douteux qui ont renfloué les poches et les comptes des " sept familles " de m.ben ali. Là dessus, le fmi , la bm ,les clubs de rome ou de paris devraient faire preuve de compréhension .. Reste que je souhaiterais que SI Moncef revienne à son premeir amour de combat , celui de la concrétisation du Maghreb , sans frontières ni oppression /mci

khodjet el khil Mehdi - 25-03-2011 01:23

M. Guen, nous exigeons un droit de réponse, que nous présenterons très prochainement à leader pour publication. Vos chiffres sont clairement faux, vous êtes visiblement mal très mal renseigné. Compte tenu de votre bibliographie et vos multiples publications, vous avez dévoilé votre méconnaissance de votre sujet ! Vous nous qualifiez d’irresponsables et de dangereux en nous accusant d'introduire un faux débat appuyé par des étrangers, mais vous avez perdu toute crédibilité dans votre capacité de conduire une analyse objective et apporter des conseils judicieux. En plus d'apporter de faux chiffres, vous vous opposez ouvertement à un débat légitime et nécessaire, quel qu’en soit ses aboutissements. En ce sens vous méprisez les droits du peuple tunisiens, notamment l'article 21 des droits de l'homme qui nous autorise à introduire ce débat! Vous méprisez le droit international qui nous permet d’introduire cette demande d’annulation de la dette odieuse. Vous vous opposez également à la libre pensée et la libre expression en distillant la peur avec des conclusions qui me semblent être explicitement aberrantes. Je vous réponds que c'est par le refus de l'accès aux droits et à la justice que les dictatures prennent leurs racines. Vous vous opposez à ce que le peuple opprimé relève la tête en annulant une dette odieuse, illégitimée par un audit citoyen et démocratique, c'est votre choix et votre droit, nous ne le contestons pas, mais vous n'avez aucun droit à vouloir nous faire taire! Enfin, l’interdiction de réfléchir, de penser et de s’exprimer librement est le terreau de l’oppression et de l’obscurantisme contre lesquels nos martyrs sont morts pour les dénoncer et que vous avez méprisé !

Comité de réflexion sur la dette tunisienne - 25-03-2011 14:09

Bonjour, nous avons sollicité la rédaction pour qu'il publie un droit de réponse à cette colonne dans un souci de débat sur la question importante de la dette tunisienne. Vous trouverez ce droit de réponse également à l'adresse suivante: http://dettetunisie.over-blog.com/article-droit-de-reponse-au-dr-moncef-guen-70151643.html Bien cordialement,

Moncef Guen - 31-03-2011 17:24

Je ne cherche pas a polemiquer avec le comite de reflexion sur la dette tunisienne mais voudrais faire une mise au point. 1.Je n'ai jamais dit: pas de debat. J'ai dit faux debat. Il y a une grande difference. Le probleme ne se pose meme pas car la Tunisie, malgre les difficultes transitoires, a les moyens d'honorer sa dette. Elle l'a deja fait dans des moments plus difficiles dans la decennie 1980; 2.Les chiffres du ratio dette/PIB de la Tunisie et d'autres pays sont tires des statistiques financieres internationales, notamment the World Economic Outlook. En 2003, la dette de la Tunisie representait 66,3% du PIB. Une partie des recettes de la privatisation partielle de Tunisie-Telecom a ete utilisee pour reduire ce taux qui depassit la cote d'alarme; 3. Si vous voulez faire faire des audits sur l'ancien regime, commencez par le demander sur les ressources sorties illegalement du pays et dont beneficient actuellement les banques et autres entites des paradis fiscaux. Sur le plan interne, demandez, par exemple, l'audit du fameux compte 26-26, soi-disant mis en place pour aider les plus pauvres de nos concitoyens; 4.Dette odieuse! Y a-t-il une dette magnifique? Pour moi, toute dette est "odieuse" car il faut, malheureusement, la payer, surtout la dette contractee par les generations anterieures et la dette qui a servi la consommation et non l'investissement. N'oublions pas que la Tunisie a sombre sous le colonialisme francais au XIX eme siecle, suite aux depenses somptuaires des Beys couvertes par des dettes exterieures non remboursees; 5. Vous dites que j'utilise le language de la peur. Non, le language du realisme. Amusez-vous a ne pas rembourser votre credit bancaire, votre banque vous passera au contentieux. Meme si vous empruntez a un ami ou un parent et vous ne le remboursez pas, il ne vous pretera plus rien; 6. Les defis auxquels notre pays fait face sont majeurs, notamment le chomage des jeunes. Nous avons besoin des ressources importantes qui ont fui a l'etranger et des ressources mobilisables a l'interieur et a l'exterieur pour mettre ces jeunes au travail. Dr. Moncef Guen

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