Notes & Docs - 23.01.2011

Comment endiguer la vague de dégradation des notes de contreparties Tunisiennes ?

L’annonce de la dégradation des notes souveraines de la Tunisie par les trois agences américaines leaders et l’agence Japonaise et la dégradation de Banque de l’Habitat par Standard & Poor’s ont souligné la gravité des défis qui pèsent sur les épaules du gouvernement de transition. En effet, la semaine dernière a été marquée par une série d’annonce de mauvaises nouvelles par les agences de notation internationales  pour les contreparties Tunisiennes. Ces annonces sont comme suit :

  • Standard & Poor’s : dégradation de la note monnaie locale avec mise sous surveillance négative de « A-/Stable/A-2 » à « BBB+/CWT Neg/A-2 » et affirmation de la note en devise étrangère avec placement sous surveillance négative : « BBB/CWT Neg/A-3 » ;
  • Moody’s : Dégradation de la note souveraine de « Baa2 » à « Baa1 » avec mise sous surveillance négative ;
  • Fitch : Affirmation de la note devise étrangère avec placement sous surveillance négative « BBB/CWT » de « BBB/Stable » ; 
  • R&I : dégradation de la note devise étrangère avec placement sous surveillance négative à « BBB/CWT Neg » de « A-/Stable » ;
  • Standard & Poor’s : Dégradation de la note de Banque de l’Habitat à « BB+/B » de « BBB-/A-3 » et mise des notes sous surveillance négative ;
  • Standard & Poor’s : Mise sous surveillance négative des notes d’Arab Tunisian Bank « BB+/B », Banque Tuniso-Koweitienne « BB+/B » et Banque de Tunisie et des Emirats « BB/B » ;
  • Standard & Poor’s : Affirmation de la note « BB pi » non sollicitée de Societe Tunisienne de Banque.

Importante de la notation

Une notation financière est une opinion indépendante par rapport au risque de crédit relatif d’un émetteur sur une échelle allant de AAA (Aaa pour Moody’s, meilleure note) à D (défaut). Elle permet aux investisseurs d’avoir un indicateur relativement fiable par rapport à la capacité et la volonté d’un émetteur d’honorer ses engagements financiers. Il existe trois principales agences de notation dans le monde dont deux américaines (Standard & Poor’s et Moody’s) et une Française (Fitch). L’importance de la notation découle du fait que plus la note est élevée et plus le pays ou l’émetteur pourrait se financer à moindre coût sur les marchés internationaux. La note est déterminée en se basant sur un certain nombre de critères tel que le cadre politique et social, la structure de l’économie et la situation actuelle et future de la balance des paiements (sources de devises) et de l’endettement local et extérieur. Dans la majorité des cas, Une dégradation de note est synonyme de conditions d’accès au financement plus restrictives. Le simple passage de la note « BBB- » (grade d’investissement) à « BB+ » (grade spéculatif) résulte dans la majorité des cas en un retrait massif d’une classe d’investisseurs institutionnels (compagnies d’assurance, caisses de retraite, etc).

Notation de la Tunisie

La Tunisie a toujours été bien notée par les agences de notation. Jusqu’en 2010, c’était le seul pays de l’Afrique du Nord qui était noté en grade d’investissement avant que le Maroc n’y accède tout récemment. En effet, le pays bénéficie d’une économie diversifiée, ouverte et d’une croissance jusque là assez stable. Ces éléments positifs compensaient en quelque sorte les problèmes d’ordre politique (concentration du pouvoir) et sociaux (chômage et autre). Cependant, la révolution populaire et ses impacts sur le cadre politique et économique du pays ont poussé les agences de notation à tirer la sonnette d’alarme. Ces dernières redoutent une chose en particulier : l’incertitude. En tant que Tunisiens, nous voyons cette révolution d’un œil positif, notamment, pour la liberté qu’elle a apporté et l’espoir de voir le pays effectuer sa transition vers la démocratie de manière pacifique et sans ingérence étrangère. Les agences de notation n’ont pas cette lecture à l’aune des actions qu’elles ont décidé d’effectuer. La révolution a apporté une part considérable d’incertitude par rapport à l’évolution future du cadre politique (tenue des élections de manière pacifique, orientations de la nouvelle équipe qui gérera le pays, etc.) et économique (des stations touristiques qui ressemblent à des villes fantômes, des entreprises qui reprennent progressivement leur activité, un pays qui tourne au ralenti). Pragmatiques et ayant observé par le passé des pays qui ont raté leur révolution et sombré dans le chaos, les agences de notation ont préféré agir dès maintenant. Cependant, leur action ont été modérées (sauf pour R&I), ce qui veut dire qu’elles laissent à la Tunisie le bénéfice de doute à travers une mise sous surveillance négative de la note. Cette mise sous surveillance donne à la Tunisie trois mois pour montrer de quoi elle est capable et rassurer son peuple en premier lieu et les agences et autres partenaires économiques en deuxième lieu. Trois mois et le chronomètre a été déjà enclenché !

Endiguer la vague est la priorité

Le gouvernement d’union nationale a une lourde responsabilité tant vis-à-vis du peuple que des partenaires externes de la Tunisie. Le peuple exige qu’on lui permette réellement de savourer cette victoire et de rompre définitivement avec le passé. Les partenaires externes demandent des résultats, des entreprises qui produisent et exportent en respectant les délais prévus, un paiement en temps et en heure des dettes dues, etc. Certains points sont à améliorer ou à mettre en œuvre dans un avenir proche pour rassurer les agences et les partenaires étrangers qui ne demandent qu’à voir des signaux clairs de la stratégie de sortie de crise et du plan d’action du gouvernement d’union nationale. Ce dernier doit présenter de la manière la plus claire et crédible sa feuille de route en se focalisant sur un certain nombre de points dont parmi :

  • - Cadre politique : Agenda clair de ce que le gouvernement prévoit de faire et les dates clé qu’il faut retenir : changement de loi et réglementation, organisation des élections, rétablissement de la sécurité, éradication de la corruption, saisie des biens acquis illicitement et impact sur les entreprises en question (ce point fera l’objet d’une publication future). Mettre ces points dans une feuille de route ou un pacte avec le peuple ne peut qu’améliorer les choses par rapport à la transparence et la visibilité. Ensuite, dans un deuxième temps, les candidats à l’élection présidentielle doivent présenter un projet et non se présenter comme personnes ayant historiquement lutté contre l’ancien régime, soit en étant confortablement assis dans son fauteuil à l’étranger, soit en ayant subi les foudres du régime pour les locaux. Le peuple ne veut clairement plus d’élection d’une personne à la tête de l’Etat mais d’un projet clair et précis qui sera porté par une personne et une équipe dirigeante. Ces derniers devraient passer un grand oral lors des échéances électorales et montrer ce qu’ils ont fait par rapport à leur projet ou faire leurs valises. Une transition vers une vrai démocratie qui restaure la balance du pouvoir et l’existence d’instances de contrôle (telle que la société civile) ne peuvent que bénéfiques pour la notation du pays.
  • - Cadre économique : L’urgence à court terme est de redémarrer la machine économique et faire en sorte qu’elle tourne à plein régime dans le plus bref délai. Une stratégie pour reconquérir les parts de marchés perdus en tourisme, réparer les dégâts matériels de la phase d’insécurité qui a suivi la révolution et restaurer le fonctionnement normal des différents services de l’Etat qui facilitent l’activité économique. S’agissant des élections, encore une fois, le peuple voudrait un projet et pas une personne.  Continuer dans le chemin de l’ouverture de l’économie, inviter des investisseurs au premier pays du monde arabe qui a su par lui-même passer en démocratie, où la corruption aurait été supprimé et où la majorité de la population est jeune et instruite, ne peut que rassurer les investisseurs et les agences de notation.

Le gouvernement de transition est averti. Il a la lourde tache de faire atterrir l’avion en douceur et à port voulu tout en étant aussi clair que possible sur l’itinéraire. L’incertitude par rapport au plan de vol ne peut que nous desservir et retarder le moment où toute la Tunisie savourera sa révolution. 

 
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2 Commentaires
Les Commentaires
Fernand Danan - 25-01-2011 10:20

Votre article est bien structuré, les Agences de notation qui ont été fortement critiquées pour leur légèreté pendant la crise des subprime agissent là avec un excès de prudence. La Tunisie, en tant qu'Etat souverain est connu pour payer et rembourser en temps, au jour et en heure. Le seul déficit que l'on peut constater ces jours-ci est un déficite de communication de la part du Gouvernement de transition, qui a certes mille choses à faire, plusieurs urgences et priorités, mais de mon point de vue, ne communique pas du tout avec les media internationaux ou tout au moins la presse économique écrite. Aussi, je pense à Wall Street Journal Europe, Financial Times, La Tribune, les Echos, et des titres Suisse et Allemand puisque les principaux partenaires de la Tunisie sont en Europe. Fernand Danan, un inconditionnel de la Tunisie, pilote de ligne Airbus A340 long courrier et Investment banker spécialiste de leasing et financements d'Avions de ligne

KHLIFI - 20-02-2011 12:10

Travailler,Travailler plus,travailler mieux et communiquer avec les médias, c'est la solution et la seule.Quant aux concitoyens qui trouvent toujours quelque chose à jeter à la face de ce Gouvernement qu'ils lui donnent une période de répit pour le juger sur ses actes et leurs résultats.Nous avons eu presque tous la bouche cousue pendant assez longtemps. Ne pouvons-nous nous taire quelque temps encore à moins qu'il y ait réellement péril en la demeure?

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