News - 24.07.2012

Comment Chedly Ayari a été nommé gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie

Au forceps ! Avec 9 voix d’écart seulement, soit la plus petite des marges depuis le démarrage des réunions de l'ANC en novembre dernier, le candidat de la Troïka, Chedly Ayari a vu sa nomination en tant que gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie adoptée, mardi en fin d’après-midi par l’Assemblée nationale constituante. Le vote très serré, à l’issue de quatre heures d’âpres débats, s’est soldé par 96 voix pour (sur 190 votants), 87 voix contre et 7 abstentions.  Chedly Ayari, économiste, ancien ministre et fondateur de la BADEA, succède à Mustapha Kamel Nabli, limogé jeudi dernier à la demande du président de la République, Moncef Marzouki. La désignation d’Ayari vient clore un long feuilleton qui a commencé depuis avril dernier et qui a suscité beaucoup de tension au sein de l’ANC, mais aussi des débats controversés à l’intérieur-même des partis de la coalition au pouvoir.
 
Pressentant un vote très serré et craignant un basculement des voix en défaveur du candidat de la Troïka, le groupe Ennahdha s’est assuré de la présence massive de la quasi-totalité de ses membres. De son côté, celui d’Ettakatol a battu le rappel de ses élus y compris ceux qui siègent au gouvernement. C’est ainsi que Khalil Zaouia, Abdellatif Abid, Abderrahman Ladgham et Said Mechichi ont regagné leurs bancs de membres de la Constituante.
 
Juste après le retrait de Chedly Ayari, à l’issue de son intervention au début des travaux, le débat s’est engagé entre l’opposition et la majorité. Il a cristallisé deux positions diamétralement opposées, toutes deux ne mettant aucunement en cause les hautes compétences du candidat. Mais, si l’opposition s’est montrée intraitable sur ce que M. Ayari reconnu lui-même comme « des antécédents rcdistes » (qu’il a bien tenu à minimiser en les situant dans leur contexte), le jugeant non-habilité à postuler à pareilles fonctions, les élus d’Ennahdha, suivis par le chef de file d’Ettakatol et quelques voix du CPR (une partie seulement) n’ont retenu que ses compétences et sa vision du rôle de la BCT et de ses relations avec l’exécutif et l’Assemblée.
 
Sahbi Atig, président du groupe parlementaire d’Ennahdha, soulignera particulièrement « l’urgence de pouvoir le poste, dans cette phase très critique, par un gros calibre, jouissant des connaissances et de l’expérience d’une personnalité comme celle du Pr Ayari qui a fait ses preuves dans toutes les fonctions déjà assumées ». Rejetant les reproches qui lui sont faits, il ira jusqu’à dire qu’en fait, « les meilleures compétences étaient utilisées par le pouvoir déchu, sans pour autant qu’elles soient toutes corrompues». Une prise de position qui annonce peut-être un changement radical de l'attitude du mouvement vis à vis des  "fouloul" de l'ex RCD. A moins qu'il n'y ait aux yeux d'Ennahdha de bons et de mauvais fouloul. Comment interpréter autrement le recours à Habib Essid ou Amor Nsairi pour occuper des postes de responsabilité au sein même du gouvernement,  alors que d'autres sont voués aux gémonies ? On voudrait  bien connaître les critères de choix d'Ennahdha.
 
Comme dans pareils débats, les surenchères n’ont pas manqué. Raouf Ayadi, qui a pourtant surtout parlé de situation financière et de politique monétaire, ne cachait pas sa désapprobation de la nomination d’Ayari, appelant sur un ton humoristique de le prendre en tant qu’intérimaire, juste durant le mois du ramadhan. Taher Hmila évoquera un jeu de compensation entre les trois présidents (une concession faite par Jebali à Marzouki, suite à l’extradition de Mahmoudi dont profite Ben Jaafar pour placer son candidat). « En remettant en selle les anciens, autant décréter une amnistie politique pour tous les anciens dirigeants et rappeler le déchu », dira-t-il.
 
Sémia Abbou suscitera le mécontentement des Nahdhaouis en les adjurant de « voter en leurs âmes et conscience, sans suivre aveuglément, par discipline grégaire des consignes de vote ». La réponse ne tardera pas à lui parvenir de la bouche d’Ahmed Mechri qui rétorquera que « seuls ceux qui ont gardé des troupeaux connaissent l’esprit grégaire».
 
Cherchant à dépasser les aspects personnels, certains élus, notamment Moncef Cheikhrouhou et Mohamed Brahimi, ont souligné la nécessité de revoir le plus tôt possible la politique monétaire de la Tunisie et de remettre les pendules à l’heure des exigences de la situation. Ils ont formulé l'espoir que le nouveau gouverneur parvienne rapidement à tracer une nouvelle feuille de route avant de la soumettre à l’approbation de l’exécutif et de l’ANC ».
 
Peu après 17h, le vote livra son verdict, dans un grand cafouillage. Nombre d’élus de l’opposition contestant le comptage réel des présents ont vainement demandé l’annulation du vote et sa reprise.Trop tard. Les jeux sont faits!

Lire aussi: Lors de son audition, Chedly Ayari répond à ses détracteurs 

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8 Commentaires
Les Commentaires
al07 - 24-07-2012 21:52

97 élus ont voté pour, et 89 élus ont voté contre cette nomination et 4 se sont abstenus. Après le vote, 3 élus ont protesté et réclamé le comptage des élus présents, puisque ceci n’a pas eu lieu avant le scrutin comme cela se faisait auparavant. Au début de la séance, il y avait moins de 160 présents, alors qu’au moment du vote il y en avait 190 ?? Mais, malgré la multiplication des protestations, Mustapha Ben Jaâfar a refusé de compter de nouveau le nombre des membres présents. "Démocratie" qu'ils disaient......

bs - 24-07-2012 23:40

Le vote avait l'air de quelque chose d'irrégulier car en suivant son déroulement on a constaté qu'il y'avait plusieurs étapes, à chaque fois que le nombre des votants contre s’élevait il était suivi par l'augmentation des votants pour et lorsque le nombre des contre s'est stabilisé le nombre des pour a cessé subitement d'augmenter.

dr.zaiane - 25-07-2012 00:59

Si les votes à l'ANC vont continuer à se dérouler de la sorte,alors là,on ne peut vraiment plus parler de Démocratie.La troika combine et manipule comme elle veut et peut et le pays et les citoyens assument.Jusqu'á quand va-t-on continuer ainsi.Avec le" trio infernal" de la Troika ,les valeurs démocratiques semblent^retre bien loin.

khedri a - 25-07-2012 02:09

on a tenu à limoger m mustapha kamel ennabli une personnalité respectable compétente et intègre l anc la remplacé par son professeur m chadli ayari malgré son age avancé il est une autre compétence d un autre calibre on ne peut que lui souhaiter bonne chance et bon courage pour combler ce vide

BIBI - 25-07-2012 04:06

Excellente décision, et il sera souhaitable qu'il soit secondé par Mr. Moncef CHEIKHROUHOU. Un pays qui fait exclure les compétences est un pays qui se suicide, alors on espère et on souhaite qu'on sera pas le cas.

amine - 25-07-2012 13:34

...Ils ont voté et puis après !!!, Léo Ferré.

Adel - 25-07-2012 17:49

y compris ceux qui siègent au gouvernement. WTF? elle est ou la separation entre legislative/executive??? Tout ca n'est qu'une moquerie.

istifaka - 26-07-2012 08:06

Je ne sais pas ce que manigance Ennahdha et ses acolytes en désignant le professeur Ayari comme gouverneur de la BCT mais je sais que c'est un brillantissime économiste. Je suis désolée que certains se plaisent à le découper en charpille parce qu'il a écrit ou donné des conférences organisées par le RCD.Il ne s'agit pas de justifier un tel acte mais de comprendre: sous le régime de ben Ali, un intellectuel peut chercher à mettre sa science au service de son pays et le RCD offrait un cadre pour le faire. Alors deux conclusions à tirer : d'abord le RCD reconnaissait les compétences nationales et créait les occasions pour faire profiter ses cadres de leur savoir, ensuite, on ne peut reprocher à une compétence du calibre de Chedly Ayari de faire profiter le plus grand nombre de ses analyses et ses points de vue de spécialiste informé et innovant. Ceux qui reprochent au professeur Ayari de conférer devant une assemblée de hauts responsables n'auraient certainement pas hésité à faire comme lui s'ils y étaient invités, mais en ont-ils l'étoffe? Ne feraient-ils pas mieux de se poser la question des effets du dénigrement de l'élite du pays? Que faut-il en attendre sinon d'enfoncer le pays de plus en plus dans la médiocrité ambiante ...jusqu'à toucher le fond!

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