Opinions - 18.04.2014

Accord obligé entre les monarchies du Golfe sur l'«islamo-frérisme»

Les six pétromonarchies du Golfe ont mis une sourdine à une crise qui a éclaté au grand jour six semaines auparavant entre d’une part, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn et d’autre part le Qatar qui s’est dit engagé à cesser son soutien aux «Frères musulmans», selon les termes d’un communiqué, laconique et lacunaire mais indispensable, rendu public  jeudi soir par leurs chefs de diplomatie.
http://www.leaders.com.tn/article/sommet-arabe-du-koweit-les-petromonarchies-divisees-par-l-islamo-frerisme?id=13642

Laconique et lacunaire

Laconique et lacunaire, parce que le texte ne cite pas nommément les «Frères musulmans», accusés par Ryad, Abou Dhabi et Manama d’attenter à la sécurité et à la stabilité du Conseil de Coopération du Golfe (CCG - Arabie saoudite, Koweït, Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Oman).

Le communiqué issu d’une réunion impromptue tenue sur la base aérienne de Ryad, fait simplement référence à un accord conclu en décembre 2013 entre les émirs du Qatar et du Koweït et le roi d’Arabie saoudite, stipulant que "la politique d'aucun pays membre n'affecte les intérêts, la sécurité et la stabilité des autres pays" de ce groupement régional.

Cette formulation lapidaire est sans doute volontaire pour «sauver la face» du Qatar qui avait juré de ne pas transiger sur sa souveraineté, arguant que sa politique étrangère n’était «pas négociable».

Laconique et lacunaire aussi, parce que le communiqué reste muet sur la question du retour à Doha des ambassadeurs saoudien, émirati et bahreïni, rappelés le 5 mars en signe de protestation contre le Qatar que les trois pays accusent de s’ingérer dans leurs affaires intérieures et de mener une politique déstabilisatrice dans la région, en raison de son soutien à la confrérie islamiste.

Comment se débarrasser des «Frères»?

Le quotidien londonien Al-Arab, proche d’Abou Dhabi et de Ryad, rapporte que «les ambassadeurs ne reviendraient pas au Qatar avant que ce pays n’honore, dans un délai de deux mois, son engagement par des mesures tangibles, en particulier l’arrêt du soutien direct ou indirect des organisations et des organes médiatiques lui appartenant à l’intérieur ou à l’extérieur de l’émirat (ndlr : la confrérie islamiste et la télévision Al-Jazira) qui incitent à la violence».

Citant des sources diplomatiques saoudiennes, le journal affirme que «l’émir Tamim du Qatar s’est engagé à expulser les Frères musulmans de Doha et à cesser de les soutenir à l’étranger, conformément à un feu-vert qui lui a été donné par son père», l’ex-émir Hamad ben Khalifa Al-Thani.

Le journal électronique, Elaph, basé à Londres et également proche de Ryad, cite aussi des sources diplomatiques affirmant que «le Qatar a signé un accord stipulant l’arrêt du soutien des Frères musulmans, et dont l’une des clauses oblige Doha à transférer leur direction de Doha à une autre capitale arabe».

Al-Arab avait récemment indiqué que le Qatar misait sur la Tunisie pour se débarrasser du prédicateur des Frères musulmans, cheikh Youssef Al-Qardhaoui, devenu désormais encombrant et empoisonnant pour les relations de Doha avec ses voisins du Golfe. Selon le journal, la Tunisie aurait entamé des consultations en vue d’accueillir le ténor des «Frères», et la visite, le 3 avril, de l’émir Tamim à Tunis s’inscrivait dans ce cadre.
Cependant, la présidence de la République tunisienne a démenti dans un communiqué publié le 11 avril l'éventuelle venue de Qardhaoui en Tunisie et réfuté des informations du même Al-Arab sur un entretien à ce propos du président Moncef Marzouki avec cheikh Tamim.

Le téléprédicateur islamiste a entretemps été obligé depuis plusieurs semaines par Doha de mettre une sourdine à ses prêches du vendredi à la Mosquée Omar Ben Khattab, ce qui attesterait déjà des bonnes intentions du Qatar.

Accord indispensable

Par-delà son aspect laconique et lacunaire et son manque de transparence, l’accord, fruit d’une intense médiation du Koweït, était absolument nécessaire.

D’abord pour l’un des principaux protagonistes de la crise, l’Arabie saoudite, qui ne pouvait pas prendre le risque d’être considérée comme responsable d’une division du CCG, un groupement régional arabe fondé en 1981 à l’initiative de Ryad et sous la pression des Etats-Unis, pour protéger ces Etats pétroliers et gaziers contre toute éventuelle déstabilisation par les deux acteurs potentiels à l’époque, l’Irak et l’Iran.

L’autre risque, et non des moindres pour Ryad, serait de voir le Qatar, mis en quarantaine par ses pairs du CCG, basculer dans camp de l’Iran, le pire ennemi des Saoudiens et qui serait, à l’évidence, le principal bénéficiaire d’un éclatement du CCG, dont le sultanat d’Oman est un maillon faible, pour s’être toujours tenu sur une ligne de neutralité et à l’écart des tensions périodiques au sein de ce «club» de pétromonarchies, soucieuses surtout d’assurer la pérennité de leurs régimes.

Indispensable aussi pour le Qatar sur lequel pèse des menaces de représailles économiques, notamment la fermeture de l’espace aérien saoudien à ses avions, la fermeture de sa frontière terrestre devant les voyageurs en provenance de l’émirat, sachant que l’Arabie saoudite est son unique débouché terrestre par où transitent près de 70% de ses besoins alimentaires.

L’accord est également un passage obligé pour les Emirats arabes unis dont l’économie est tributaire du gaz du Qatar, qui dispose du plus grand gisement de gaz naturel au monde et  occupe la  troisième place au monde en termes de réserves prouvées, après la Russie et l’Iran.

D’aucuns pourraient dire que cet accord était «dans l’ordre des choses», à l’instar d’autres accords intervenus après les crises qui ont émaillé l’histoire du CCG, voire celles qui ont traversé le reste du  monde arabe, et se sont terminées par des réconciliations plus ou moins spectaculaires, et le plus généralement peu sincères.

«Les arabes se sont mis d'accord pour ne jamais être d'accord. Vous les voyez tous réunis, mais le cœur n’y est pas», commente ainsi un lecteur sur le site de Rai Al-Youm, du journaliste et analyste politique palestinien, Abdelbari Atwan.

Habib Trabelsi

Tags : Fr  
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1 Commentaire
Les Commentaires
T.B. - 19-04-2014 00:03

Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures,les arabes, les vrais arabes, sont les CCG. Abdelbari Atwan doit savoir que le CCG a un (Coeur artificiel) et il fonctionne bien en tout temps grace à (l´énergie).

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