Opinions - 04.07.2012

L'impératif sauvetage du secteur agricole

La politique agricole menée aujourd’hui par le gouvernement procède d’approches partielles, sans options stratégiques ni propositions d’actions concrètes fortes. En est témoin, l’absence d’évocation du rôle de l’Etat en tant que pilier de la promotiondu secteur (infrastructures de base, programmes de mise à niveau et d’accompagnement des activités stratégiques...). Le ministère ne propose presque rien pour les petits agriculteurs qui constituent la pierre angulaire du secteur et n’accorde pas d’intérêt à l’endettement du secteur. Nous présentons ci?après des propositions majeures visant à promouvoir le secteur agricole, à y stabiliser les emplois et à augmenter les revenus dans les campagnes.

 

1. Situation existante et objectifs

Le secteur agricole est caractérisé par des problèmes complexes de nature structurelle et conjoncturelle (foncier, terres domaniales et collectives, commercialisation, disponibilité en eau d’irrigation, observatoire des prix…). La politique agricole devrait être fondée sur un modèle socio-économique susceptible de rendre ce secteur à la fois rentable et durable. La stratégie à promouvoir devrait reposer sur deux axes : le premier se fonde sur la promotion d’une agriculture moderne, à forte valeur ajoutée et s’appuyant sur les investissements privés. Le second se base sur un accompagnement solidaire despetits agriculteurs, à travers un meilleur accès au crédit, des appuis multiformes (vulgarisation, semences, sériculture), afin de les orienter vers des activités moins sensibles aux aléas climatiques et aux contraintes de vocation des sols. Les réformes agricoles se feraient ainsi à travers une stratégie différenciée, adaptée à chaque type d’acteur, et prenant en considération leur diversité et leurs contraintes. L’activité agricole devrait enfin être adaptée aux potentialités et aux spécificités des régions,conformément aux cartes agricoles actualisées.

Le secteur a connu, début 2012, des difficultés liées aux conditions climatiques : chutes de neige et de pluie dans le Nord et le Nord?Ouest et manque de pâturages dans le centre et le sud du pays. Cette situation a contribué à la flambée des prix des produits agricoles et a entraîné des dégâts pour les producteurs, notamment les petits exploitants. Un appui, sous forme de prêts remboursables, devrait leur être consenti, conformément aux objectifs de la politique agricole énoncée plus haut.

2. Solution proposée : un programme d'urgence en 4 volets

Des mesures globales d’ajustement devraient d’abord être prises pour élever réellement le barème du prix des céréales et dulait (7 à 8%), afin d’améliorer les revenus des producteurs. Par ailleurs, il est essentiel de lutter vigoureusement contre lacontrebande et la fuite du cheptel ovin et bovin qui menace la pérennité de toute la filière « élevage » en Tunisie. Cela devra se faire par un contrôle strict à la fois aux frontières et au niveau des déplacements des troupeaux. Mais il faudrait surtout résoudre à la base les causes qui conduisent les éleveurs à vendre leur troupeau, à savoir l’élévation du prix des aliments pour bétail. Il faudra alors, pour les prochaines années, indexer le prix du lait et de la viande sur les prix des intrants et consentir dessubventions au bénéfice de la filière. Il est aussi urgent d’aborder concrètement l’apurement de l’endettement du secteuragricole (par exemple : prise en charge par l’Etat des impayés des crédits de plus de 8 ans et dont le principal est inférieur à5000 DT, et consolidation des impayés de 5 000 à 20 000 dinars sur 7 ans, avec abandon des intérêts de retard et de 50% desintérêts conventionnels).
Parallèlement, un appui vigoureux devrait être donné au secteur selon une logique à la fois régionale, sectorielle et sociale :

Régions Nord et Nord-Ouest
Dans le cadre de la stratégie à long terme, des actions d'aide et de soutien devraient être initiées au bénéfice des sinistrés des inondations pour leur permettre de reprendre leurs activités productives, réparer les préjudices subis, protéger leurs récoltescontre les pillages et préparer la prochaine saison agricole. Les interventions seraient multiples : aides directes aux bénéficiaires, soutien au financement (bonification des taux d'intérêts, aide à la mobilisation de l'autofinancement..), ouencore encadrement des bénéficiaires, actions de désenclavement de localités dont l'accès aurait été dégradé…
Vu l'étendue des zones sinistrées, une enveloppe de 180 millions de dinars devrait être allouée à des actions ciblées enfonction de la situation de la région et de la nature des dégradations, sur la base de 3000 Dinars en moyenne pour 60 000 bénéficiaires, remboursables sur 5 à 6 ans.

Régions Centre et Sud
Ces deux régions souffrent d'un déficit important de fourrage et de pâturage. Cette situation menace les troupeaux d'ovins des petits éleveurs de la région. Les actions à entreprendre devraient porter sur l'organisation de l'approvisionnement en aliments sur le marché intérieur, à travers des structures professionnelles existantes ou à créer dans les régions concernées.Nous proposons d'allouer une enveloppe de 135 millions de dinars à raison de 70 MDT pour le Centre et 65 MDT pour le Sud,et ce sur la base de 1500 DT en moyenne pour 90 000 bénéficiaires, remboursables sur 4 ans.

• Assistance aux jeunes agriculteurs et femmes agricultrices
Le secteur agricole se caractérise par d’importantes capacités d'employabilité. Pour mettre à profit ce potentiel, il est proposé d'aider les jeunes agriculteurs et agricultrices à travers des programmes d'investissements. Cela pourrait se faire à travers unencadrement adéquat et des aides visant à matérialiser leurs projets d'investissements. Ce programme pourrait intéresser lesdélégations et imada les plus défavorisées (à identifier dans l’ensemble du territoire tunisien).
Pour l'exécution de cette action une enveloppe de 20 millions de dinars est proposée, sur la base de 1000 DT en moyenne pour 20 000 bénéficiaires, remboursables sur 3 ans.

• Reconversion de la pêche par le Kys
Le secteur de la pêche est perverti par l'extension de la pêche par le Kys qui menace les ressources halieutiques. Il est proposé de créer un fonds pour le financement d'actions destinées à rationaliser l'exploitation des ressources et à sauvegarder lesmilieux marins. Ce fonds financera des actions de reconversion des 4000 embarcations pratiquant le Kys, en des unités depêche côtière. Il peut également contribuer à la réussite du « programme national des récifs artificiels ».
Une enveloppe de 15 millions de dinars sera allouée à cette initiative, et ce, sur la base de 3 500 DT en moyenne pour 4 300 bénéficiaires, remboursables sur 5 ans.
Coût global du programme agricole d’urgence : 350 millions de DT
Emplois totaux escomptés : 3 000 emplois agricoles par an, mais aussi, plusieurs milliers d’emplois préservés (14 000/an au minimum, soit 8% des bénéficiaires).

Taïeb HOUIDI,
Membre du Comité exécutif du parti Al Joumhouri
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Karim DAOUD - 04-07-2012 16:13

Baser des stratégies de développement de l'élevage tunisien sur le contrôle de nos frontières et l'indexation du coût du lait (bien que ce soit urgent actuellement) c'est un peu court comme stratégie! Si on parle stratégie de développement, c'est premièrement se baser sur la production de fourrages locaux de qualité et de cultures industrielles qui amélioreront la qualité de nos sols en voie de "squelettisation". Cette stratégie "alimentaire" améliorera également la physiologie de notre cheptel,sa fertilité, sa durabilité. Stratégie de développement des organisations professionelles de base qui permettra un appui aux éleveurs et améliorera la conduite du troupeau, la technicité et par conséquent les performances et la rentabilité. Quant aux frontières, la Tunisie devrait être capable d'exporter du bétail si les problèmes cités précedemment étaient reglés, surtout quand on prend en considération le nombre de génisses importées depuis 3o ans! Les stratégies de développement doivent d'abord se baser sur des études et des analyses techniques honnêtes et complètes. Les techniciens, les éleveurs doivent être consultés avant que les politiciens construisent des stratégies ...au risque de les voir prendre d'aussi mauvais tournants que les précédents. Surveiller les frontières certes, mais si le bétail n'est plus rentable s'il ne quitte pas le pays, il finira à la boucherie! Il y a donc des réformes profondes et censées à faire. Il y a certes une approche partielle, j'écrivais dans le MagEco consacré à l'agriculture que notre politique agricole était aussi morcellée que notre sol, en cela je rejoins l'auteur de l'article. Il est nécessaire de faire de véritables "états généraux de l'agriculture" en permettant aux vrais porofessionnels d'y participer et que les "politiques" s'inspirent de leurs recommandations...mais de grâce cessons de divaguer

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