News - 07.07.2011

Le Monsieur Elections de Béji Caïd Essebsi Me Ridha Belhadj : Comment réussir le 23 octobre

Fournir l’appui logistique et technique demandé, indispensable au bon déroulement des élections du 23 octobre 2011, dans les meilleures conditions possibles : telle est la mission principale de Me Ridha Belhadj, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre. Il vient d’être chargé de diriger le comité de liaison créé par le gouvernement pour répondre aux besoins de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), présidée par M. Kamel Jendoubi.

Pour cet avocat de 49 ans qui a accepté de liquider son cabinet et rejoindre la Kasbah, la tâche n’est pas facile. Porté par la confiance de ses pairs, mais aussi de la société civile, qui ont été les catalyseurs de la révolution, il a fait son entrée, dès début février, au gouvernement Ghannouchi 2, pour s’occuper notamment des aspects institutionnels et juridiques pressants. Premiers dossiers, les textes à prendre au sujet de l’amnistie générale, les différentes commissions et instances. Renforçant l’équipe alors très réduite installée à Carthage (La Kasbah étant sous sit-in), et confirmé par la suite, par M. Béji Caïd Essebsi, il s’attela à la tâche, armé de son expérience, de son carnet d’adresses bien fourni et de son sens de la concertation et du consensus.

Quel appui logistique mobilise le gouvernement en faveur de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) ? Comment est composé le comité de liaison mis en place à cet effet par le Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi ? Combien coûteront ces élections et qui les financera ? Et à quelles conditions le pari démocratique du 23 octobre sera-t-il gagné ? Me Ridha Belhadj est bien placé pour nous en fournir des éclairages utiles. La toute première épreuve que la Tunisie post-révolutionnaire devait surmonter, c’était la mise en place d’un dispositif consensuel devant favoriser l’élaboration d’une nouvelle Constitution, porteuse des valeurs du 14 janvier et garante de ses acquis. A l’initiative du Conseil de sauvegarde de la révolution, lancée dès les premiers jours par un collectif de corporations, partis et associations, est venue s’ajouter la Commission Ben Achour, et il fallait trouver la bonne formule de fusion entre les deux. Il y avait alors plus de 30 parties prenantes (dont 12 partis sur les 22 alors nouvellement autorisés) à mettre en harmonie, autour d’une institution unique.

Me Ridha Belhadj s’y investira aux côtés des autres membres du gouvernement et de leurs différents interlocuteurs. Ce furent les concertations les plus difficiles, et les négociations les plus longues, à différents niveaux et des géométries variables. Et c’est ainsi que finira par se conclure l’accord pour la constitution de la Haute Instance pour la préservation des objectifs de la révolution, juste le samedi 4 mars au soir, la veille de la démission de M. Mohamed Ghannouchi. C’est là une innovation tunisienne bien pionnière, regroupant notamment, en plus des partis, organisations et société civile, les représentants des jeunes et des régions.

Concilier, rapprocher

Faciliter le travail de cette Instance, l’installer au siège de l’ancienne Chambre des conseillers, au Bardo, et aplanir les difficultés quant à son fonctionnement : l’aspect technique de la mission de Me Belhadj est déterminant. Tout comme l’autre partie, non moins importante, et plus politique, consistant à établir une liaison permanente entre la Haute Instance et le Premier ministre et assurer, sans y interférer, le suivi étroit de toutes les questions y afférentes. Dans cette oeuvre collective où chacun doit apporter sa propre valeur ajoutée, l’essentiel est que personne n’a le droit à la moindre erreur.

Les allers-retours sur les articles 15 et 16 du projet de la nouvelle loi électorale en sont une illustration, parmi tant d’autres. Le secrétaire d’État y ira avec doigté, pour tout fluidifier, éviter le moindre grippage. Il faut dire qu’aux côtés d’un «dinosaure politique» de la trempe de M. Béji Caïd Essebsi, les deux avocats parviennent à se forger des réflexes communs.

La Haute Instance donnera ses preuves. Non sans moult débats, elle parviendra à rallier le gouvernement à nombre de ses propositions qui seront converties en décrets- lois signés par le Président de la République. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) finira par être constituée, sous la présidence de M. Kamel Jendoubi. Marquant son indépendance, elle ira occuper le siège provisoire de son Instance mère dans les locaux du Conseil économique et social, avenue Mohamed V, et commencera alors le long débat sur la date du 24 juillet, son report au 16 octobre et, finalement, sa fixation «consensuelle» au 23 octobre.

Imaginez alors tout le travail de déblayage que Me Belhadj devait effectuer pour le compte du chef du gouvernement, afin de sortir de cette nouvelle crise qui a failli être paralysante. Rompu aux affaires, M. Béji Caïd Essebsi sait faire activer ses collaborateurs et a trouvé en son secrétaire d’Etat le relais avisé, le bon conseiller et l’organisateur efficace.

La grande réunion du 8 juin au Palais des Congrès porte d’ailleurs ses empreintes. Trois jours durant, avec les équipes du protocole, de la sécurité et de la communication, Me Belhaj multipliait les allers-venues au Palais, pour convenir de la scénographie, vérifier les détails et s’assurer que cette grande rencontre, pour la première fois, de toutes les nouvelles forces du pays, se déroule très bien. La nouvelle République naissante y trouvera ses premières marques.

Monsieur facilitateur des élections

La date du 23 octobre maintenant acceptée par tous, il faut se mettre au travail pour fournir à l’Instance supérieure indépendante pour les élections les moyens de son fonctionnement. Un comité de liaison a été formé, à cet effet, auprès du Premier ministre qui a désigné à sa tête, tout naturellement, Me Belhadj.

Ce comité comprend notamment des représentants des services du Premier ministère, 3 directeurs généraux du ministère de l’Intérieur (administration régionale, collectivités locales, etc.), ministère des Finances, ministère des Domaines de l’Etat, ministère des Affaires étrangères (aspects consulaires relatifs aux Tunisiens à l’étranger), le Centre national de l’informatique (CNI, fichier de la carte d’identité nationale) et l’Institut national de la statistique (INS, aspects démographiques).

Comme l’avait clairement précisé M. Caïd Essebsi, le rôle de ce comité se limite uniquement à fournir le soutien logistique qui peut être demandé par l’ISIE. C’est-à-dire les locaux, le personnel, le mobilier et les équipements, etc. Premier besoin exprimé, il a effectivement porté sur les aspects d’intendance. L’ISIE a en effet besoin de locaux d’une superficie estimées à 2500 m2 et son choix a porté, pour son quartier général, sur la bâtisse du 10 rue de Rome, la même que celle occupée par le comité électoral de Ben Ali lors des présidentielles de 1999, 2004 et 2009. C’est dire la force de la symbolique choisie par M. Kamel Jendoubi. S’avérant exiguë pour abriter l’ensemble des bureaux, d’autres locaux complémentaires seront loués en annexes. Aussi, les agents publics sélectionnés par l’Instance sont mis à sa disposition, tout comme les mobilier et les équipements à partir des ressources des différents ministères.

N’oublier aucun détail

Le point central est cependant les listes électorales à finaliser à partir du fichier des titulaires de la carte nationale d’identité. Ce fichier est centralisé, à présent, au CNI qui a été doté d’un nouveau PDG, jouissant de l’estime de tous, M. Abdelhak Kharrazi, ancien directeur général au ministère des Technologies de la communication. D’ores et déjà, apprend Leaders, le fichier à jour, fin mai, a été officiellement remis à l’ISIE.

Il lui appartient désormais de procéder à sa mise à jour, en étroite collaboration avec les parties concernées, notamment le ministère de la Justice, pour vérifier les interdictions des droits civils prononcées, et les corps non autorisés à voter, établir les listes à afficher, selon le calendrier et les modalités fixés par la loi électorale, pour permettre aux citoyens d’exercer leur droit de recours (pour les déchus) et leur devoir d’inscription, pour les non-inscrits.

Rien que pour vous donner une idée sur l’importance de la logistique à déployer, le nombre des panneaux d’affichage réglementaires à pourvoir près des bureaux de vote est impressionnante. Sur la base d’un minimum de 7000 bureaux, dans 27 circonscriptions, et de 85 partis officiellement autorisés, et une estimation théorique de base à respecter même si elle ne se réalisera pas d’une liste dans chaque circonscription, les services en charge des élections doivent préparer, tenez-vous bien, près de 600 000 panneaux.

Ne connaissant pas à l’avance la décision finale des partis, il va falloir les confectionner et tenir à disposition. Voilà un des nombreux aspects à prendre en considération.

Combien ça coûte et qui financera ?

Quant à l’aspect financier, les estimations budgétaires sont en cours de finalisation et seraient, selon M. Kamel Jendoubi, de l’ordre de 47 millions de dinars. D’ores et déjà, une première tranche de 10 MD a été débloquée en faveur de l’ISIE. D’où proviendra ce budget ? Les règles ont été précisées dans le décret-loi : l’ISIE n’a pas le droit de recevoir le moindre financement d’aucune source tunisienne ou étrangère en dehors de ce qu’elle percevra directement de l’État. Cette sage règle est garante d’une indépendance effective. Mais, rien n’interdit à l’Etat de bénéficier, à cet effet, du soutien financier des donateurs, qu’il s’agisse de pays et organisations (ONU, Union européenne, etc.), fondations et autres. L’ensemble des sommes qui seront versées, apprend Leaders, doivent être faites sur un compte spécial qui sera ouvert à cet effet, et seront reversées à l’ISIE.

Toujours dans ce même registre d’indépendance et de transparence, la Tunisie a clairement signifié qu’elle accueillera sans réserve des observateurs qui souhaiteraient suivre le déroulement des élections sans qu’il s’agisse de contrôleurs ou superviseurs.

Quel mandat et quel délai ?

Discret sur les détails, Me Ridha Belhadj se contente de rappeler ces principes et surtout de se concentrer sur les objectifs. La Tunisie réussira-t-elle ces premières élections libres et démocratiques ? «Sans doute, répond avec optimisme le secrétaire d’État, sur le plan logistique, qui est à la charge du gouvernement, aucun effort ne sera épargné. Pour le reste, il faut faire confiance à l’ISIE». Il ne manque pas cependant de souligner l’ampleur de la tâche assignée à tous.

Pour les citoyens, faire preuve de maturité, vérifier les listes électorales et, le cas échéant, s’y inscrire, exercer son vote en toute conviction et contribuer à la sérénité de la campagne électorale et des élections. Quant aux politiques : raboter certains élans individuels pour s’inscrire dans l’intérêt national, favoriser les rapprochements et les alliances, ne regarder que l’étape suivante et offrir au monde une belle démonstration de la capacité des Tunisiens à réussir leur transition démocratique».

Dernière question : La nouvelle assemblée qui sera élue sera-t-elle seulement une assemblée constituante en charge de l’élaboration du projet de la Constituante ou également législative ? Et quelle serait la durée de son mandat : 6 mois, 9 mois, un an ? Sourire courtois pour toute réponse. Me Ridha Belhadj ne se hasarde jamais sur un terrain qui n’est pas le sien.
 

L’avocat discret qui sait gagner les affaires… de la Nation

Crâne rasé, costume sombre et cravate claire : Me Ridha Belhadj, discret et doté d’une grande capacité d’écoute, appartient à cette nouvelle génération d’avocats bien formés et efficaces. Son devoir citoyen et militant, il l’a toujours intensément exercé avec ses confrères au sein de l’Ordre des avocats, s’impliquant dans toutes les luttes, sans chercher cependant les feux de la rampe. Où était-il le vendredi 14 janvier ? «Evidemment à l’avenue Bourguiba, devant le ministère de l’Intérieur, avec les avocats descendus du boulevard Beb Bnet, répond-il. Un vrai bonheur !»

Pour ce Djerbien fils de receveur des PTT qui avait suivi son père au gré de ses affectations, à Gabès et Sfax, avant d’atterrir finalement à Tunis, le chemin a été long. Licence en droit au Campus, puis diplôme du cycle supérieur de l’Ecole douanière et fiscale à Alger (le pendant de l’IFID), et affectation au ministère des Finances. Durant deux ans (1989-1991), à la direction générale des entreprises publiques où officiaient alors les Haj Mansour et Mohamed Rachid Kechiche, il fera ses premières armes, prenant connaissance des arcanes de l’administration, se familiarisant avec le secteur public et le système fiscal. Fort de cette expérience, il préfèrera rejoindre le barreau et porter la robe d’avocat. C’est ainsi qu’il effectuera son stage auprès d’un grand ténor, Me Mokhtar Belhadj, avant d’ouvrir son cabinet, rue d’Angleterre, à quelques pas seulement des sièges de nombreuses associations militantes et formations politiques. Rapidement devenu l’un des meilleurs avocats fiscalistes, il a gagné en estime également, en plaidant dans de nombreux procès politiques et en offrant son soutien aux militants des droits de l’Homme et pour la démocratie.

Me Ridha Belhadj est marié à une magistrate qui lui a donné 3 garçons dont l’aîné est un jeune tennisman prometteur. Que fera-t-il le 24 octobre 2011? «Rouvrir mon cabinet et reprendre la robe», nous confie-t-il. A moins que…
 

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