News - 05.04.2020

Faouzi Mili: La dette de la Tunisie et Corona super star, Messie ou Batman?

Faouzi Mili: La dette de la Tunisie et Corona super star, Messie ou Batman?

Je veux parler ici des obligations de la Tunisie en matière d’emprunts extérieurs.

Les échéances de  remboursement seront-elles honorées?

Et doivent-elles être honorées?!

Le sacro-saint principe de la force obligatoire des contrats est la pierre angulaire du droit des obligations.
Sauf qu’un autre  principe basique du droit des obligations lui fait pitoyablement échec:

Ce trouble-fête dit en substance que: «à l’impossible nul n’est tenu».

Il s’agit d’une simple règle du bon sens dont la compréhension est à la portée des plus illettrés.

Ainsi, une entreprise de fabrication d’ascenseurs qui s’engage à vous transporter ce Week-end vers la lune, ne court aucun risque d’être condamnée par les tribunaux pour inexécution  du contrat,  si vous échouez lamentablement sur le toit de votre immeuble….

Pour  pittoresque  qu’elle soit, cette situation est celle de la Tunisie concernant ses engagements de rembourser ses emprunts extérieurs en ces temps où le Corona est venu fausser tous les plans et démentir toutes les hypothèses et toutes les prévisions.

Il est évident qu’au moment de signer les conventions de prêt, les parties ont compté sur une activité ’économique «normale», générant  des gains et une certaine croissance qui permettra  d’affecter une partie  des résultats à ce remboursement.

Ces contrats peuvent comporter des clauses de «hardship»  de nature à permettre leur révision en vue de les rééquilibrer et les adapter à des événements imprévus.

A défaut d’une telle clause, il demeure  toujours possible d’invoquer  la force majeure ou de plaider  l’application de la théorie dite de l’imprévision,  pour adapter le contrat à la situation engendrée par corona.

Mais ce ne sont là que de «petits trucs»  du droit privé des contrats,  néanmoins applicable aux contrats internationaux. 

Alors qu’il y a lieu de dépasser ce cadre juridique somme toute étroit, insuffisant et inadéquat, car non prévu pour résoudre un véritable cataclysme du genre corona, qui a paralysé les économies les plus solides à travers le monde entier.

Nous sommes dans une autre dimension

Une première du  genre dans l’histoire de l’humanité.

La solution est donc à  chercher ailleurs que dans les  petites règles prévues pour régir le petit train-train quotidien d’une vie douce et sereine….

Car l’enjeu avec son Altesse Corona ne se limite plus à une simple question de recouvrement de créances: il s’agit d’un combat pour la survie de l’espèce humaine…. devant laquelle le mot échéance n’a plus de sens….

Ainsi les hommes et les femmes de toutes les races et toutes les religions, n’ont aucun autre choix que la solidarité.

Une solidarité qui, pour atteindre son but, ne s’arrête pas à la dispense du pauvre de rembourser le riche; elle exigera de plus   que le plus riche subventionner le pauvre, pour éviter un inéluctable naufrage collectif.

Je n’ai pas besoin dans cette modeste «humeur»  de m’attarder sur une démonstration de l’interdépendance des économies qui fait que la crise de l’une se répercutera  forcément sur l’autre,  et je vous renvois sur ce point aux publications spécialisées.

Toujours est-il que dans  un rapport du PNUD ( Programme des Nations Unies pour le Développement) publié en janvier 2017 et intitulé «Situation et perspectives de l’économie mondiale», il est dit que les pays en voie de développement ( PVD) continuent d’être les principaux moteurs de la croissance mondiale, avec une contribution de plus de 60% à la croissance du produit mondial brut pour la période 2016-2018.

Rappelons que le rôle du PNUD, organisme des Nations Unis, est d’aider les pays en voie de développent (PVD) en leur fournissant des conseils et en plaidant leur cause par l’octroi de dons.  

Et c’est justement dans ce cadre que le PNUD, dans une publication du 30 mars 2020, vient de lancer une alerte estimant que «sans le soutien de la communauté internationale (aux  PVD), nous risquons de voir s’effondrer les progrès réalisés ces deux dernières décennies et de voir une génération entière perdre, si ce n’est la vie, au moins des droits, des opportunités et de la dignité».

Le PNUD appelle en conséquence à aider ces pays d’une part à faire face à la pandémie et d’autre part  à leur allouer des fonds pour empêcher leur effondrement économique,  et «aider les sociétés à mieux se relever».

De son côté, le secrétariat général des Nations Unies vient de publier un rapport dans lequel il demande l’injection de 2500 milliards de dollars pour les PVD.

De même l’ONU propose un versement de 1000 milliards de dollars à ces pays, ainsi qu’une annulation de 1000 milliards de dollars de dettes de ces pays.

Le titre même de ce rapport est l’on ne peut plus symbolique: «Responsabilité partagée, solidarité mondiale : répondre aux conséquences socio-économiques du Covid 19».

Le ton est donné: il est permis de penser que l’on assiste là à la naissance, sinon à une deuxième vraie naissance, de l’esprit solidaire pour la paix,  censé avoir motivé, au moins dans le discours,  la création même de l’ONU, appelée à être  la source première du droit international pour garantir paix et développement.

Ainsi cette annonce  serait, devant le danger d’un chaos mondial inédit, un vœux sincère de l’éviter par le seul moyen qui reste disponible et efficient : la solidarité.

Le corona, ce petit grain d’infini, est-il le Messie? Ou Superman…

Serait-il cet ultime   cadeau du ciel fait à l’humanité entière,  qui va imposer au plus fort, sous peine de naufrage collectif, de respecter le plus faible, réalisant ainsi ce que ni les chartes ni les religions ni les bombes ni le Pape ni Satan n’ont pu réaliser,  depuis l’avènement de  l’ère industrielle?

Espérons-le!

Pour initier son œuvre, corona devra d’abord susciter le vote d’une résolution de L’assemblée générale de l’ONU adoptant les recommandations adéquates pour la solidarité avec les PVD.

Cela constituera un embryon du Droit de la solidarité riche-pauvre.

La Tunisie pourra s’en prévaloir pour demander la renégociation de ses échéances.

En effet, il est inconcevable que le créancier vienne vous rendre visite en salle de réa pour vous  fournir une ultime provision  de survie, en vous demandant néanmoins  de lui rembourser son échéance…

Il appartient à nos diplomates d’accomplir leur œuvre en se concertant au sein du groupe des 77 (devenus 135) pour faire voter les résolutions adéquates par L’assemblée générale de l’ONU.

Au bout du processus et en plus de l’aide immédiate pour combattre superman, 3 options possibles :

1) Abandon pur et simple des créances, total ou partiel
2) Moratoire de quelques années en attendant la reprise
3) Conversion des emprunts en investissements,

Merci Corona!

Dans les trois cas cela nous offrira dans l’immédiat une terrible manne pour parer au plus pressé et, surtout, très vite réparer notre infrastructure mise à mal depuis  2011, en vue  de notre redécollage….

Mais pour cela et dés fin du confinement,  il faudra revenir au travail Messieurs …

Mesdames y sont déjà!

Faouzi Mili
Avocat


 

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