News - 16.06.2018

Jhinaoui, ce mercredi à Rome : Coopération, migration et la Libye en cartes sur table

Jhinaoui, ce mercredi à Rome : Coopération, migration et la Libye en cartes sur table

Il sera le premier ministre des Affaires étrangères à être reçu ce mercredi à Rome par le tout nouveau chef de la diplomatie italienne Enzo Moavero Milanesi, à peine entré en fonctions, il y a deux semaines, depuis le 1er juin 2018. Khemaies Jhinaoui et son homologue auront beaucoup à se dire, et hâte de se voir. Rome a immédiatement répondu à la demande de Tunis, en signe d’intérêt au développement des relations avec le voisin d’en face, un partenaire qu’elle qualifie de « privilégié ». ‘’Si la majorié parlementaire et les gouvernements changent, l’appui de l’Italie à la Tunisie demeure un axe stratégique permanent pour l’Italie, ‘’, affirme à Leaders une source romaine proche du dossier. Trois grands dossiers, au moins, figurent à l’ordre du jour des entretiens : la coopération bilatérale, la migration illégale et la sortie de crise en Libye.

Coopération: renforcer, accélérer

Le nouveau programme de coopération signé entre la Tunisie et l’Italie, lors de la visite d’Etat effectuée à Rome par le président Caïd Essebsi en février 2017, ambitieux et prometteur, attend cependant une mise en œuvre plus rapide. Il s’agit de lui donner davantage de substance et de souplesse afin de faciliter et d’accélérer son déploiement. Mais aussi de le renforcer.

Migration illégale: Au-delà du sécuritaire, un nouvelle vision européenne concertée

La question, bien épineuse, a été au cœur des récentes élections législatives italiennes qui ont favorisé la montée de la droite et la formation du nouveau gouvernement. Ouvertement hostile à l’arrivée en masse de migrants clandestins, le gouvernement de Giuseppe Conte entend non seulement la stopper, mais aussi renvoyer plus de 600.000 immigrés en situation irrégulière vers leurs pays d’origine. Alors qu’il venait juste de prendre ses fonctions, le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a notamment pointé du doigt, au lendemain du naufrage du bateau de clandestins au large des Îles Kerkennah. Les statistiques qu’il avait trouvées sont particulièrement significatives. De 1200 ressortissants tunisiens arrivés irrégulièrement en Italie en 2016, le nombre s’est multiplié 6 fois à mi-juin cette année, atteignant près de 7000 personnes. Les Tunisiens qui étaient en 12ème rang des clandestins sont à présent en première position et représentent près de 20% du total des immigrants clandestins prenant d’assaut l’Italie.
‘’A l’origine de cette affluence à partir de la Tunisie, le verrouillage renforcé des côtes libyennes, la situation en no man’s land à Kerkennah, la porosité des côtes tunisiennes et le relâchement de la surveillance’’, explique à Leaders une source italienne. Mais, pour Tunis, comme pour Rome, la solution de cette inquiétante question n’est pas uniquement sécuritaire. L’Union européenne est dans l’obligation, pour conjurer son déclin démographique, d’accueillir pas moins de 50 millions d’immigrés à l’horizon de 2050. Un rythme de 1 million de personnes par an est nécessaire, risquant de monter à 1,6 million (80 millions en 2050) si on ne considère que la tranche d’âge 15-64 ans.
Au lieu de se barricader en forteresse impénétrable, l’Europe doit inventer, en concertation avec les pays émetteurs d’immigrés, un nouveau cadre négocié qui subvient à ses besoins, répond aux aspirations des migrants et garanti leur dignité. Dans cette démarche, l’Italie qui ne veut pas ‘’se rendre complice du commerce de la traite des êtres humains’’ comme l’a affirmé ce samedi Mattéo Salvini, ni servir de porte d’entrée des clandestins en Europe, doit porter cette nouvelle vision concertée et œuvrer avec les autres Etats membres de l’UE et les pays concernés à sa finalisation et sa mise en pratique.

La Libye: réaliste, face à l'irréaliste

L’Italie se considère, autant que la Tunisie, les deux pays, en tant que voisins immédiats et des raisons historiques, les plus directement intéressés par la sortie de crise en Libye. Rome a particulièrement apprécié le discours du président Béji Caïd Essebsi lors de la conférence internationale sur la Libye tenue le 29 mai dernier à l’Elysée, à l’initiative d’Emmanuel Macron. Le président Caïd Essebsi a été très réaliste face à l’irréalisme, quant à la possibilité de tenir des élections avant la fin de l’année, confie à Leaders une source italienne qui suit de près le dossier libyen. Pour avoir organisé et réussi en pleine transition, les élections de l’Assemblée constituante, en 2011, il connaît bien les difficultés et les spécificités d’un pareil scrutin. Sur la même longueur d’onde que Tunis, Rome considère que ces élections libyennes ont très peu de chance de se tenir tant que les principaux protagonistes ne veulent pas s’y investir de plain-pied. Outre les forums communs, la Tunisie et l’Italie participent à des instances spécifiques, l’UE, l’OTAN, etc. pour l’Italie, et le trio Tunisie – Algérie et Egypte, ainsi que la Ligue des Etats arabes et l’Union africaine, pour la Tunisie. Tout en coordonnant leurs positions, chacun des deux pays doit agir au s secrétairein de ces forums respectifs pour œuvrer en faveur d’une sortie de crise réaliste et effective en Libye.’’

Un interlocuteur de choix

Autant de dossiers prioritaires et de grande importance qui seront ainsi au centre de ces entretiens. Le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, trouvera ce mercredi à Rome, en son homologue, Enzo Moavero Milanesi, un interlocuteur de choix. A 63 ans, ce juriste issu d’une grande famille de la bourgeoisie et de la communauté d’affaires du nord de l’Italie est un diplomate chevronné, fin connaisseur des arcanes de l’Union européenne. Tour-à-tour, cet avocat et enseignant universitaire, aujourd’hui indépendant des partis politiques avait été sous-secrétaire d'État aux Affaires européennes (1994), chef de cabinet de Mario Monti, alors commissaire européen à la Concurrence, puis au Marché intérieur à Bruxelles (1995 – 2000), et ministre des Affaires européennes (20011-2014). Dans ses nouvelles fonctions de chef de la diplomatie, il a à ses côtés un vice-ministre et, comme le veut la tradition républicaine, trois secrétaires d'Etat appartenant aux trois partis de la nouvelle majorité. Il trouvera, lui aussi en son homologue tunisien un diplomate de longue expérience, bien investi s'agissant des questions d'intérêt commun, dans les dossiers de la Libye, de l'émigration illégale et des relations avec l'Europe.

Taoufik Habaieb
 

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