News - 27.01.2017

Mon séjour à l'hôpital, Une expérience "de l'autre côté du brancard"

Mon séjour à l'hôpital, Une expérience "de l'autre côté du brancard"

J’ai passé neuf (9) jours à l'hôpital en soins intensifs, et ce que je vais décrire, ce sont mes ressentis personnels sur celui-ci et une réflexion sur le système de santé publique tunisien. Il y a bien longtemps que je n'avais été hospitalisé. Je suis arrivé jeudi, à 8h45 dans le service des urgences de l’hôpital Abderrahman Mami de l’Ariana. Une journée quelque peu éprouvante qui a commencé par une attente de près de deux heures. Ensuite des examens en tous genres, prise de sang, mise sous assistance respiratoire avec un tube passé dans les fosses nasales, encore des prises de sang, échographie, scanner.

Mon transfert a finalement été décidé au service des soins intensifs et de réanimation de l’Hôpital, car les analyses ont révélé que je devais avoir une embolie pulmonaire et que mon état nécessitait mon admission sans délai. Ce transfert s’est fait en ambulance et j’ai été admis et placé dans une chambre typique d’hôpital modèle standard. Le tube passé dans mon nez a finalement été retiré. Je n’ai pas besoin de vous préciser combien c’est désagréable. Ce n’est pas douloureux mais désagréable au possible. Toutes ces manipulations sont routinières pour le personnel très professionnel au point qu’ils sont faits de façon mécanique. Le tube a été remplacé par un masque à oxygène pas très confortable, mais supportable et surtout préférable. A ce moment-là, l’après-midi était déjà avancée. Trois médecins et deux infirmiers étaient affairés autour de moi, devisant sur mon état de santé. J’étais devenu le cas le plus intéressant du service et qu’il fallait voir.

Durant ces neuf jours, les prises de sang allaient et venaient tout au long de la journée soit deux ou trois fois par jour pour déterminer mon indice respiratoire. Mais ce que j’ai vraiment eu du mal à supporter c’est le prélèvement de sang artériel pour examiner le taux d’oxygène dans le sang. C’est douloureux au possible.au rythme des analyses, la concentration d’oxygène de l’assistance respiratoire était baissée et on me mettait en observation continue, ce qui me permettait d’avoir un infirmier attitré rien que pour moi. Mais mes mouvements étaient limités tout comme ma mobilité puisque je n’avais pas le droit de me lever du lit. En effet j’étais en permanence relié à une machine, un robot injecteur qui m’inoculait un anticoagulant à dose massive. Pendant six jours, les seringues géantes se sont succédées les unes après les autres, 24 heures sur 24. Cela vous démontre à quel point mon état était non pas grave mais très préoccupant. Au bout du sixième jour, j’ai été libéré de mon robot. En même temps, on m’a débranché des moniteurs qui me bipaient jours et nuits. Lundi 14 novembre, j’ai même servi de sujet d’étude pour les stagiaires infirmiers qui effectuaient leur stage dans le service de réanimation. On m’a alors changé mon cathéter qui est passé de la main droite à la main gauche.

Pour ce qui est du professionnalisme des soignants, je n’ai pas à me plaindre. C’est un personnel très compétent. Certains étaient même des anges qui se voyaient confier les cas difficiles et qui s’investissaient avec la plénitude de leur dévouement et dont le courage est digne des grandes âmes de ce monde. Il y a aussi l’infirmière qui s’est occupée de moi avec une grande gentillesse. Et puis il y a mon médecin préféré, dont je n’ai appris le prénom que le dernier jour de mon séjour. C’est quelqu’un d’exceptionnel et d’une discrétion exemplaire. Tous sont les héros de cet épisode du feuilleton de ma vie.

Mais certaines choses laissent à désirer. D’abord, dans le service le côté rapports humains est négligé. Toutes les personnes du service sont anonymes. Ils ne portent pas de badges avec leurs noms. D’autre part, certains ne savent pas sourire et la dimension psychologique est laissée pour compte alors que c’est un volet primordial pour toutes thérapies. J’ai appris à mon médecin préféré à sourire et cela m’a fait énormément de bien.

Autre chose, pendant tout mon séjour, j’avais en face de moi une fenêtre donnant sur la chambre d’à côté. Il y avait une dame dans le coma et qui était dans un état plus dramatique que moi. Elle était en permanence sous assistance machine, que ce soit pour respirer, pour s’alimenter, contre la douleur, pour ses commodités et même sous hémodialyse avec un rein artificiel. Tout se passait sous mes yeux et j’ai vécu les derniers moments de sa vie, jusqu’à son décès. J’ai aussi vécu le désarroi de la famille dans l’après-midi de sa mort. Les chambres son mal conçues. Ce n’est pas normal qu’un malade ait tout cela devant ses yeux en permanence, du lever du jour jusqu’à l’extinction des feux, à travers la vitre d’une fenêtre donnant sur une autre chambre.

Autre chose encore, la conception des chambres ne prend pas en considération le fait que nous sommes à l’ère de la technologie. Certes, on nous permet de communiquer et on nous permet d’utiliser les téléphones cellulaires. Mais c’est un calvaire pour les recharger lorsque la batterie est déchargée. En effet, les prises de courant sont hors de portée et comme on n’a pas le droit de bouger et de mettre le pied par terre, il faut attendre qu’une âme condescendante veuille bien vous assister.

Durant tout mon séjour, c’est cette dimension humaine qui m’a le plus manqué. Vous me direz que c’est un détail n’étant pas dans un hôtel. Certes mais quand vous êtes victime de la fatalité, ces petits détails sont importants car c’est à eux que se raccroche l’espoir et la volonté de surmonter l’épreuve.

Je vous passerai le calvaire de la poche urinaire qui est digne des tortures du purgatoire des enfers.

La nuit est aussi à inscrire au tableau noir. L’infirmier de service qui arrive à minuit pour vous faire une prise de sang ou pour vous donner votre comprimé ou encore pour vous changer la seringue de votre robot injecteur ou vous placer sous perfusion. Sans considération aucune, il allume la lumière, alors que vous aviez enfin trouvé le sommeil, fait ce qu’il a à faire et s’en va comme il est venu et vous en avez pour une heure ou deux avant de pouvoir vous rendormir. Et puis il y a les repas et la délicatesse de la cuisinière qui ne parle pas et vous dépose un plateau en pâture sur la tabletteLe premier plateau "repas"...

Avez-vous déjà surmonté des épreuves telles qu'un repas à l'hôpital?

C'est comme d'avaler une poignée de médicaments et de répéter le geste pendant un bon quart d'heure...

  • De la salade sans vinaigrette ni assaisonnement, et un quart de tomate coupé par un enfant de 4 ans au-dessus, sans sel ni poivre.
  • Un morceau de viande, de je ne sais quelle bête, ressemblant plus à rien qu'à autre chose.
  • Une chose ressemblant vaguement, du moins visuellement à des petits pois, les premiers du séjour avec un goût de bave cuite, une stricte horreur.
  • Un yaourt, en train de baigner dans son eau. - une pomme

Le premier jour, j'ai eu droit à une échographie à droite la perfusion... à gauche le brassard à tension, et l'échographe couchée sur moi, échoué sur la table, appuyant sans vergogne pour entendre les battements de mon cœur, recherchant les artères. A un moment où elle s'appuie de plus en plus, le brassard gonfle...

J'y ai cependant fait de très belles rencontres, de personnes souriantes et avenantes dans l'équipe médicale et dans l'équipe des soignants, épatants, gentils, proches, ferme quand il le faut, à l'écoute...

Les infirmiers, sympathiques, qui devaient certes appliquer les directives des médecins, mais d'une gentillesse à toute épreuve.

Dès le premier jour, une bonne entente.

L’hôpital public et sa suradministration, l’exploitation non reconnue des internes et résidents et du temps médical qui diminue chaque année au profit de l’étude des statistiques d’activité et durée de séjour, de la mise en place de protocoles dictés par les tutelles et de l’informatisation qui, en plus d’être chronophage, virtualise la relation soignant-patient. Mais voilà, j’ai été victime, il y a quelques jours, à cinquante et quelques années, d’un accident vasculaire thoracique, à la suite d’une énième semaine de travail et quelques heures de sommeil.

Cela m’a permis de voir l’hôpital public de l’intérieur et surtout de l’autre côté de la barrière du brancard... Je ne peux résister à l’énumération des dysfonctionnements criants que j’ai pu y observer dont certains seraient drôles s’ils n’étaient pas dramatiques. Les seuls contacts que j’ai noués, les seuls soignants à avoir pris le temps de m’écouter, ou au choix, de subir mes affres, ont été les infirmiers, les aides-soignants, et les agents de service hospitalier ces derniers trouvant toujours les mots, et je les remercie d’avoir épongé mes angoisses du moment. Les prescriptions étaient protocolisées, non modifiables informatiquement que j’ai eu droit aux réveils en pleine nuit pour surveillance.

J'ai vu des médecins épuisés, courir dans tous les sens...

Enfin, n’y voyez aucune rancune envers les équipes soignantes qui sont autant victimes du système que je le fus: j’ai ainsi vu des médecins épuisés, courir dans tous les sens, impuissants face à des protocoles auxquels ils n’adhèrent même plus, désabusés par leur façon de travailler, avec une rotation telle qu’il leur était impossible de suivre un patient du début à la fin de son hospitalisation. Certains, tellement conditionnés à travailler de la sorte, qu’ils finissent par trouver cette façon de travailler normale. Tout cela nuit naturellement à la qualité des soins, à une relation soignant-malade de confiance et apaisée. Heureusement chaque soignant, stressé par mon cas dès le matin et qui m’a administré de quoi éviter une récidive fatale, en passant par l’équipe des soins intensifs, m’a toujours supporté.

Au-delà de ces observations acerbes, j’ai toujours une haute estime du service public, et malgré ce que l’Etat impose comme contraintes administratives. Les problématiques sont les mêmes: l’austérité, la bureaucratisation, la financiarisation et la standardisation des soins via notamment l’informatisation. Mais je crois qu’il est temps désormais de regarder l’intérêt supérieur du patient, car être soignant, c’est être plus qu’un simple travailleur. Les patients ont besoin d’avoir des êtres humains qui les soignent, pas des machines chronométrées à la tâche et taylorisées faisant les mêmes gestes, les mêmes paroles quelle que soit la pathologie du malade. Il faut défendre la qualité des soins indépendamment des revenus, défendre l’éthique des pratiques. Cela a bien sûr un coût que l’Etat rogne sans cesse jusqu’au point de mettre en péril nos malades. C’est inacceptable. Il est de notre devoir, il est de notre responsabilité de laisser à nos enfants un système de santé plus humain, plus respectueux, plus empathique. Cette lettre est lancée telle une bouteille à la mer, et j’espère qu’elle trouvera un certain écho dans l’âme des soignants et leur donnera la force de s’investir pour ne plus accepter de soigner avec les maigres moyens du bord alloués par l’Etat.

Les hôpitaux sont des organismes complexes, qui réunissent un grand nombre de salariés exerçant des professions très diverses, et opérant une activité de pointe en temps réel. Financé par des prélèvements obligatoires et fournissant un service public de santé, l'hôpital a un devoir moral d'efficacité vis-à-vis de son financement et des malades. Il agit dans un marché ouvert, et a un besoin très concret de performance médicale et économique vis-à-vis de ses concurrents. L’absentéisme constitue aussi une véritable nuisance et perturbe gravement la vie des hôpitaux au jour le jour comme il pose des problèmes aux malades. D’ailleurs le coût de cet absentéisme ne se résume pas seulement aux salaires versés aux personnes absentes. Il faut y ajouter le coût des remplaçants et surtout la désorganisation des services du fait de la surcharge de travail qui pèse sur les présents, notamment en termes de temps de gardes. S’ajoute à cela qu’une intervention planifiée qui n'a pas lieu parce que des agents sont absents, est un coût qui se répercute sur l’équipe entière et sur un plateau technique inutilisé, et souvent une journée d'hospitalisation de plus pour le malade. Un absentéisme excessif constitue un grave problème puisqu'il exprime un manque de motivation et un désintérêt et un mépris choquants vu la nature particulière des clients et de l'employeur.

Les hôpitaux sont dans une situation financière critique du fait de la défaillance de la tutelle à laquelle s’ajoute, de la part des gestionnaires hospitaliers, une vision exagérément optimiste de l'accroissement d'activité des établissements qui a semble-t-il faussé les perspectives de financement. L’hôpital public est en crise, en raison de leur mode de financement et des règles complexes de la comptabilité publique qui se conjugueraient dans un mélange irrationnel de principes d'une gouvernance inappropriée à ses missions. Les établissements publics de santé participant au service public hospitalier reçoivent, une dotation globale de fonctionnement annuelle, reconduite chaque année en l'absence de toute négociation réelle entre l'autorité de tutelle et les établissements. La Dotation Globale est calculée sur la base de l'exercice précédent modulé du taux de croissance des dépenses hospitalières, déconnectant ainsi les moyens d'évolution de l'activité. Tel un sanctuaire dispendieux à l'efficacité douteuse, l'hôpital est maintenu hors du monde des échanges et de l'économie avec une image médiocre et d’établissement à tout faire. Il serait plus rationnel que les hôpitaux locaux se spécialisent dans des tâches que n'assureront pas les autres plus importants, selon une hiérarchisation des missions de chaque établissement de soins. Toujours ces sempiternelles excuses, de la prise en charge de toute la misère du monde et du rôle de formateur des centres hospitalo-universitaires qui ne peuvent plus masquer les problèmes de gestion qui se répercutent sur la prise en charge même des patients et sur la qualité du service fourni. Une dérive mercantile existe dans le domaine de la santé que nul ne peut contester tant elle est évidente et crève les yeux. C’est ce qui fait que nous revenons peu à peu en arrière alors qu’il existe des critères de qualité assez simples pour évaluer la production de soins, aussi utilisons-les sans hésiter. Les hôpitaux, sont aussi contraints par le niveau socioculturel de ceux qui les fréquentent. Le management à l'hôpital s'en trouve affaibli, d'autant plus que ce secteur est victime du syndrome particulier de la tension naturelle entre management et expertise des médecins qui est beaucoup plus forte que dans d’autres secteurs. L'hôpital public assume des activités qui lui coûtent plus qu'elles ne lui rapportent. Les restrictions budgétaires sans objectifs médicaux, aboutissent à "une paupérisation des hôpitaux et à un découragement de l'ensemble des personnels. En réalité, l'hôpital doit fournir plus de qualité, plus de sécurité, être plus rationnel, tout en réalisant plus d'économies, ce qui est contradictoire. Il faut savoir qu’un lit à l’hôpital nécessite un nombre minimal de personnels. Toutefois, pour fonctionner, les hôpitaux et les pouvoirs publics pratiquent une gestion prévisionnelle des besoins, sans penser à réduire les inégalités en termes d’accès aux soins. Ces inégalités sont de deux ordres: les inégalités sociales, c'est-à-dire socio-économiques et les inégalités territoriales, mais qui souvent se recouvrent. De plus en plus de personnes n’ont pour seul recours que l’hôpital public et les urgences, parce que c’est le mode d’entrée le plus facile dans le soin. Notre pays vit une situation due à la raréfaction des médecins dans l’intérieur et dans certaines régions comme le Nord-Ouest. Si les villes moyennes et les chefs-lieux de gouvernorat disposent de plus de médecins leur périphérie proche connaît une désertification médicale qui se ressent sur le plan de l’accès aux soins et aux urgences. Et dans la très grande majorité des cas, les patients ne viennent même plus pour bénéficier de soins gratuits ce qui serait leur droit, mais simplement parce qu’ils ne trouvent pas d’autres offres de soins ailleurs. La prise en charge, de la totalité du parcours de santé du patient se concentre à la fois sur l’hospitalier et sur le médico-social. Mais ce travail sur la globalité du parcours n’est pas du tout ou est mal assurée. Les lits manquent, les conditions de travail se dégradent et le personnel n'est plus motivé. Plus globalement, c'est la mission de service public qui se détériore sans réelle solution.

Une urgence: réformer le système de santé publique

Face aux inégalités d’accès aux soins, il existe deux grands axes: la problématique économique et la disparité géographique. Il y a aussi la question des plus démunis et enfin, celle des déserts médicaux qui se posent, d’abord du fait du manque de décentralisation des missions de santé au niveau des régions qui ne permet pas une offre de soins et d’assistance de proximité. Or il est primordial de toujours envisager l’accueil et la prise en charge du patient dans une globalité et dans toute la complexité de l’individu et de sa situation sociale et géographique. Permettre à tous et particulièrement aux personnes en situation de précarité, d’accéder aux soins devrait être une priorité prenant en compte les liens entre les conditions de vie, les droits et l’état de santé de ces personnes. Mais ce que l’on constate, c’est le mauvais fonctionnement des permanences d’accès aux soins et de santé, assurées par l’hôpital public, lorsque hôpital il y a dans la zone géographique concernée. S’y ajoute, le retard dans la possibilité d’accès aux soins, surtout dû à la complexité bureaucratique mise en place pour la simple prise en charge avec des temps d'attente de plus en plus longs, des personnels médicaux débordés, des diagnostics trop tardifs.

Ces retard peuvent aussi être dus au fait que le personnel médical dans les hôpitaux souffre gravement d’épuisement et de surmenage, puisque un sur cinq ne peut prendre ses repos de sécurité après une garde ou astreinte, ce qui pourrait favoriser les erreurs médicales. Mauvaise organisation des services, demandes excessives de certains chefs de service la majorité des médecins hospitaliers travaillent bien au-delà de leurs capacités. Il y a donc un manque global de moyens, très certainement une mauvaise répartition de ces moyens, qu'ils soient financiers ou humains, dans les établissements et aussi, le système de soins n'est pas assez organisé et manque d’un pilotage adapté.

Aucune mesure réellement efficace n’a été mise en place pour inciter les médecins à s’installer dans les déserts médicaux et en zone démédicalisée trop éloignée des structures de soins. Pas de solutions alternatives aux schémas traditionnels qui permettraient une offre de soins sans aucune condition de ressources et qui s’adresseraient également aux plus démunis par manque de structures pour répondre au mieux à la question de la proximité d’autant que les zones démédicalisées ne sont pas des perspectives qui attirent les jeunes médecins.

Ne pas réformer le système de santé publique, c'est le condamner. L'hôpital doit, au prix d'une gouvernance affirmée bâtie sur le mérite et la qualité, retrouver des marges de manœuvre adéquates. Son déficit peut en grande partie être comblé par une restructuration interne forte, sous-tendue par une offre de soins rénovée. Les projets pharaoniques de certains CHU alors que leur demande de soins stagne sont des non-sens médico- économiques. La lassitude des médecins, des administrateurs et des personnels soignants vient, osons le dire franchement, pour une bonne part, de leur incapacité à développer ensemble des projets cohérents. Les heures de travail sont en partie responsables d’un marasme actuel que connaissent les personnels hospitaliers. Les enjeux de pouvoir, les dogmes et la suspicion règnent en maîtres. L'hôpital fonctionne par métiers indépendants sans véritable esprit d'entreprise au service des autres. Les médecins veulent jalousement garder leur indépendance, les administrateurs ne veulent pas leur transférer ne serait-ce qu'une part des finances et du management. Le résultat obtenu est une édulcoration profonde du droit à la santé pour tous. Pourtant, nombreux sont celles et ceux qui, muets sur la situation, sont prêts à agir pour redresser et faire de l'hôpital un lieu d'accueil sans discrimination de localisation, d'information et de revenus que nous souhaitons tous. Pour réussir ce pari, la ministre de la Santé doit donc aller au-delà des recommandations des différents rapports empilés sur son bureau. En imposant aux hôpitaux publics des contraintes nocives, le gouvernement risque de ruiner leurs performances médicales et économiques. L'innovation dans la restructuration passe par un partenariat renforcé et lucide entre médecins et gestionnaires. La responsabilisation maximale des nouveaux chefs d'établissement et des responsables de pôles médicaux, véritables manageurs et non plus simples administrateurs obéissant aveuglément à la pléthore de décrets et autres arrêtés venus d'en haut, tous autant inutiles que stérilisants, est le prérequis incontournable à la refonte de l'hôpital. Libérez les hommes, ils vous le rendront au centuple, mais, de grâce, ne brandissons pas les veilles recettes qui pourraient, sans délai, condamner l'hôpital au silence et à l’enlisement.

Monji Ben Raies 

Universitaire, Enseignant et chercheur en droit public et sciences politiques

Université de Tunis-El Manar Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis

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6 Commentaires
Les Commentaires
Jemai - 28-01-2017 13:11

Je suis infirmier dans ce service; c'est vraiment très touchant ce que vous êtes dites et ça me fait énormément plaisir d'entendre toutes ces mots qui exprime une reconnaissance et une satisfaction de nos services. Je parle avec les larmes dans les yeux et je ne trouve pas vraiment quoi dire. Juste un très grand merci pour votre reconnaissance.

Karim Abdellatif - 28-01-2017 21:30

Dans certains services, durant les gardes de nuit, deux voire un infirmier doivent s’occuper d’une soixantaine de patients (sans aides-soignants ni ouvriers). Les internes et les résidents enchaînent les gardes sans se reposer : des gardes de 24h, 48h voire 72 h (Le maximum à ma connaissance – je l’ai vécu personnellement – est de 144 h non stop). Le repos de sécurité qui existe en Occident, c’est de la science-fiction en Tunisie. Les gardes des internes ne sont pas payées ; celles des résidents est d’environ 1 dinar/heure…). Actuellement, les salaires des médecins hospitalo-universitaires ont baissé de plus de 100 DT. Des internes et des résidents en fin de cursus attendent toujours d’être payés et doivent se débrouiller pour faire vivre leurs familles. Que dire sinon des conditions de travail aux urgences ? Du nombre trop important de patients qui consultent ? De l’impolitesse des patients et du personnel ? D’une administration qui n’en a que faire ?

el khlifi mokhtar - 29-01-2017 11:24

In chaa Allah labess, c'est l'essentiel.Quant à votre cri d'alarme et votre bouteille à la mer, j’espère qu'elle parviendra à bon port d'autant que la ministre de la santé et certains députés ont travaillé dans ces hôpitaux!

JEMEL Hafedh - 29-01-2017 20:06

الله لطيف Une embolie pulmonaire est une affection très grave qui tue fréquemment. Une hospitalisation de neuf jours dans un service de réanimation est une épreuve pour le patient mais il faut avouer que c'est une bénédiction divine que ce genre de service existe et dans le secteur public. Dans une structure privée votre séjour aurait coûté, au moins, dix mille sinon quinze mille dinars et ce n'est pas exorbitant commme peuvent le dire tous ceux qui ignorent ce que coûtent les soins même à l'hôpital public ( souvent plus chers à cause d'un effectif surchargé et un absentéisme mal contrôlé). Ces neuf jours d'hospitalisation auraient coûté en France vingt sept mille euros soit l'équivalent de soixante sept mille dinars. La CNAM paiera, inchaa allah dans quelques mois l'hôpital Abderrahmane Mami, deux mille ou au maximum quatre mille dinars. Si ce que je viens de dire est clair, il faut aller rapidement aux conclusions: 1. On veut détruire l'hôpital public pour se débarrasser de cette charge, 2. Le gouvernement est au courant de toutes les difficultés et il ne veut pas être franc avec la population pour améliorer le financement de la santé (ils ont peur d'ajouter dix millimes dans le prix de la baguette ) 3. Depuis le 14 Janvier 2011 on n'a pas vu de ministres révolutionnaires, on n'a vu que des opportunistes.

DOGUI Mohamed - 31-01-2017 09:05

Je compatis et vous souhaite un prompt rétablissement. L'encombrement des hôpitaux universitaires, considérés comme la troisième ligne de la structure de santé publique, source de la dégradation des prestations de ces structures, est dû entre-autre à la défaillance de la première ligne dont personne n'en parle. Les CHU jouent le rôle de dispensaires qui ont perdu la confiance du citoyen.

Mohsen - 30-11-2017 14:34

juste pour rappeler que sel, poivre et piquant ne sont pas servis dans les hôpitaux

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