News - 26.07.2016

Décès du Pr Aïcha Hafsia, une pionnière de l’Hématologie en Tunisie (Album Photos)

Décès du Pr Aïcha Hafsia, une pionnière de l’Hématologie en Tunisie

Ancienne chef de Service d’Hématologie à l’Hôpital Aziza Othmana, Pr Aïcha Hafsia, née Ben Zakkour, vient de s’éteindre à l’âge de 75 ans. Après un bac au Lycée de la Rue de Russie (1959) et une année préparatoire en médecine (PCB) à l’Institut des Hautes Etudes de Tunis (1960), elle sera admise à la Faculté de Médecine de Paris où elle soutiendra avec succès son doctorat (1967). Elle y terminera sa spécialité en hématologie en 1970. 

De retour à Tunis, elle sera médecin spécialiste (1971), gravissant les échelons jusqu’à professeur hospitalo-universitaire (1982). Fondatrice de l’Association tunisienne des Hémophiles et de la Société tunisienne d’Hématologie, elle sera membre de la Fédération mondiale des Hémophiles. Militante de l’UGET depuis ses années universitaires, elle a été également membre fondateur du Syndicat des Médecins et Pharmaciens hospitalo-universitaires. Hommage par son fils, Dr Ghassen Hafsia !

Ma mère était un homme

L’autre jour, perdu dans mes pensées, une idée a jailli dans mon esprit. C’était une évidence, comment n’y ai-je pas pensé plutôt ? Eh oui, ma mère était bel et bien un homme ! Si on prend des critères purement arabo-musulmans, ma mère ne peut avoir été qu’un homme.
 
Je m’explique : Ma mère a été la première parmi sa large fratrie et l’une des rares personnes de sa génération à avoir fini ses études primaires et secondaires. C’était dans les années cinquante. Alors pouvez-vous imaginer mon grand-père permettre ceci et même se permettre d’envoyer sa fille toute seule à l’étranger finir ses études universitaires s’il n’était pas convaincu qu’elle était un garçon ?
 
D’autre part, elle s’est mariée avec un étudiant, sans dote, au consulat, en présence de deux personnes seulement (les témoins) et sans la présence des familles. Mes parents n’ont même pas fêté leur mariage, ils sont simplement rentrés à la cité universitaire en métro et des amis ont cotisé pour leurs organiser une fête surprise...dans leur chambre. Est-ce que vous en connaissez beaucoup de femmes tunisiennes qui auraient accepté de se marier dans ces conditions ? Voilà, vous pouvez vous-même en tirer les conclusions.
 
Ma mère travaillait matin et après-midi, ça lui arrivait même de travailler le soir. Elle voyageait trois à quatre fois par an, toujours pour le travail. Entre temps, nous passions des semaines entières chez ma grand-mère ou sous la garde de mon père. Je ne peux imaginer ce dernier accepter tout cela s’il n’était pas convaincu qu’elle était un homme.
 
Je n’ai jamais vu ma mère ranger nos lits ou repasser nos vêtements. Exceptionnellement, elle nous faisait des plats cuisinés et il fallait toujours lui dire que c’était délicieux car sinon elle se fâchait. Elle nous faisait  notre bain pendant des heures plusieurs fois par semaine et nous faisait elle-même les piqûres de vaccins à la maison. Bien-sûr, on acceptait tout ceci car inconsciemment on la craignait comme un homme.
 
Le patron de ma mère lui a demandé de rentrer au pays pour monter avec lui le  premier service d’hématologie dans le pays. Il lui a même délégué ce service, une fois parti à la retraite. Elle a donc dirigé une équipe de plusieurs dizaines de personnes pendant des années et occupé plusieurs hauts postes au sein de différentes instances hospitalo-universitaires et corporatives. Elle a même milité depuis le jeune âge au sein d’un parti et d'un syndicat. Certes elle dirigeait également des femmes, mais en y repensant, ces femmes étaient probablement elles-mêmes des hommes. Je ne comprends pas comment, tout ce beau monde, a pu accepter et respecter ma mère au travail, s’ils ne la voyaient pas comme un homme.
 
Même l’administration et la société, probablement considéraient ma mère comme un homme puisqu’elle a été le seul témoin de mon cousin pour son mariage sans que cela ne pose aucun problème.
 
En fin de compte, le seul qui considérait ma mère, sa belle-fille, comme une femme c’était mon grand-père qui la voyait même comme héroïne car elle avait donné naissance à trois petits garçons transmetteurs du nom de famille.
En m’engouffrant dans mes pensées, une idée bizarre me vient en tête : Et si ma femme aussi était un homme, mes filles, mes tantes, mes cousines, mes nièces, mes amies, mes collègues…
 
Finalement, les femmes tunisiennes : Toutes des hommes sauf ma mère par respect.
 
En tous cas, Œdipe ou pas Œdipe, même si ma mère était un homme, c'était un Grand Homme.... euh je voulais dire, une Grande Dame.
 
Merci Mima Aïcha !
 
Dr Ghassen Hafsia
 
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7 Commentaires
Les Commentaires
ALLANI Hafedh - 26-07-2016 20:53

On ne peut qu' être fier de madame ben Hafsi née ben Zakour que je n'ai pas eu l'honneur de connaître de son vivant et que je viens de découvrir après sa mort un véritable monument ALLAH YARHAMHA

Toumi - 27-07-2016 06:47

Tout à fait d'accord ,Dr Ghassen Aicha Hafsia C'est ainsi que nos parents traitaient leurs filles"c'est un homme sinon je ne l'aurai pas laissé partir faire ses études!" et Mme Aicha Hafsia était ainsi! Quant à moi ,je garderais de beaux souvenirs avec elle! Son soutien quand je suis arrivée à Tunis en 1988,les staffs de cytologie des Mardi et des Jeudi pour les malades sortants,de m'avoir préparé pour le concours d'agrégation (cours et cas ,plus de six mois ,le matin à 8h!) ,les coups de main pour les cas difficiles... Femme de cœur,enthousiaste et chaleureuse , d'une extrême gentillesse,ses grandes qualités humaines, sa disponibilité permanente, son enthousiasme sans limite...et surtout sa modestie! Allah yarhamha wi néamha

Laura F. - 27-07-2016 07:51

hommage émouvant pour une grande Dame. L'amour envers sa mère est un devoir, mais l'estime il faut la gagner et vous avez eu beaucoup de chance Mes plus sincères condoléances.

Dr Noomene SAID - 27-07-2016 13:06

J’espère qu'elle repose en paix. Que Dieu la bénisse pour tout ce qu'elle a fait pour sauver des vies humaines et transmettre son savoir à plusieurs promotions.Je suis très reconnaissant pour tout ce que j'ai appris auprès d'elle

Fethi Zaâtour - 27-07-2016 17:34

vous vous référer toujours à l'homme. Vous voyez Docteur, vous reconnaissez implicitement sa supériorité ; ça risque d'offenser pas mal de femmes

Rym Oueslati - 02-08-2016 13:09

Très joli texte. Enfin de compte une Grande Dame ou un Grand Homme, c'est pareil. Je t'ai compris Ghassen. Rym Mtimet Oueslati. Allah yarhamha.

SAHLA - 09-08-2016 10:47

Allah yarhmek Dr Aïcha Hafsia, vous êtes l'exemple de toutes les femmes Tunisiennes qui se sont données à fond pour défendre la place de la femme dans la vie scientifique, économique, politique et sociale. Je présente toutes mes condoléances à la famille et en particulier à vous Dr Ghassen Hafsie et je m'excuse de le faire si tard car je n'ai su cette horrible nouvelle que maintenant, je voudrai aussi vous dire que vous pouvez être fière d'être le fils de cette GRANDE DAME, oui, en effet, le meilleure Hommage que nous pouvons lui rendre c'est de reconnaître son mérite entant que femme et tout ce qu'elle a pu réaliser à une période où la société Tunisienne était plutôt une société d'hommes. Dr Aïcha Afsia, paix à son âme, pour ceux qui l'ont connu comme moi (elle a soigné feue ma sœur allah yarhamha), est un médecin compétence notoire, une femme au cœur en or, dotée d'un sens moral hors norme, d'une gentillesse et d'une politesse que nul ne peut ne pas remarquer. اللهم اجعلها سيدة من سيدات اهل الجنة و اغفر لها واجعل مقامها في عليين مع الأنبياء والشهداء والصديقين، امين رب العالمين

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