News - 02.06.2016

Hédi Sraieb: La lente agonie des services publics… pourtant, ferment du lien social!

La lente agonie des services publics… pourtant, ferment du lien social!

Il faut estimer comme un bien… le moindre mal !Tel pourrait résumer, -usant de lasentencede Machiavel-, l’état d’une large fraction de l’opinion. Au-delà des turpitudes quotidiennement observées, du dérèglement quasi généralisé des institutions et du délitement du lien social, nos compatriotes semblent avoir adopté uneattitude digne des stoïciens,cherchant à tirer le meilleur parti d’une situation qui n’en finit pas de se dégrader. Cependant et à contrario d’une prédiction catastrophiste, le pays ne s’est pas non plus effondré. Mieux encore, des mécanismes invisibles assurent cette résilience étonnante là ou d’autresconnaissent une terrible et violente récession socialevoire pour certains une quasi disparition de leur Etat. De toute évidence cela pourrait être bien plus grave! Ce qui prévaut chez nosvoisins du pourtour méditerranéen en témoigne.

Un moindre mal, certes mais pour combien de temps?

Néanmoins, il serait tout aussi difficile  de souscrire à un constat sans nuances. Ce serait faire fi de la détresse profonde que connaissent les couches les plus exposées du corps social quand d’autres ne voient toujours rien venir. Car il faut bien  aussi admettre, -toujours avec Machiavel-, que «rien n’est plus désespérant que de ne pas trouver une nouvelle raison d’espérer»…
Car c’est précisément là que le bât blesse.

La perception diffuse qui se dégage et de manière unanime est que ce nouveau gouvernement (comme ceux qui l’ont précédé) s’échine à gérer l’immédiateté, sans véritable projet d’avenir. Il y a certes des questions au jour le jour qui méritent traitement, mais sans que cette gestion de la quotidienneté ne s’accompagne d’un véritable dessein, d’une ambition partagée pour le pays.

Tout se passe comme si ce gouvernement et les forces politiques qui le soutiennent n’avaient pour seul horizon, -permettez le raccourci- que celui du « statuquosocial ante ». Qu’est-ce à dire?

Les orientations fondamentales prises au tournant des années 1990-2000, toutes marquées d’une inclinaison libéraleplus accentuée, seraient toujours les bonnes. Pas l’ombre d’un questionnement, d’une interrogation sur la pertinence d’un tel prolongement. Seul le secteur privé, local comme étranger, serait désormais en mesure de relever les défis de ce 21e siècle,le seulvéritable moteurd’une croissanceplus forte et plusdurable et… moralisme oblige, «plus inclusive»!

Une perspective qui prend à contrepied une Histoire, -plus detrois décennies-, de croissance et de développement (certes inégal et insuffisant)où le paysa toujours cherché à marcher sur ces deux jambeset à trouver les bonnes synergies entre un secteur public garant des biens communs et des services collectifs et un secteur privé engagé dans la poursuited’aventures industrielles et technologiques.Il est vrai qu’entre temps, l’Etat s’est largement désengagé de la sphère productive, puis du reste des biens publics majeurs (santé et éducation).Par l’adoption et la conduite d’une politique de réduction lente et quasi imperceptible (en valeur réelle, jamais en valeur nominale) de la dépense publique(d’investissement comme de fonctionnement), année après année, les secteurs public et parapublicont fini par toucher le fond :une décrépitude sans précédent. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les déficits abyssins, la fuite éperdue des cadres et des personnels les plus qualifiés de l’administration comme des entreprises publiques, les dérives bureaucratiques…pour ne pas dire de la gabegie, de la mauvaise gestion… tout court!

Faut-il pour autant abandonner ces secteurs (biens collectifs et services publics) à leur triste sort actuel, puis les livrer le moment voulu à des appétits voraces?

La question mériterait au moins d’être posée ! Nous ne serions certes pas les premiers ni les derniers à connaître une telle évolution jugée inexorable, pensentles responsables au pouvoir et les couches sociales qui les soutiennent. Il n’y a plus rien à espérer du secteur public! Est-ce si sûr?

De graves déconvenues pourraient bien surgir suite au démantèlementbrutal de structures publiques qui ont tout de même longtemps fait la preuve de leur utilité. Le risque d’une aggravation des maux sociaux est bien sous-jacent à cette confirmation pro-libérale et à la reconduite quasi mimétique de politiques du passé récent….sans la corruption bien évidemment!

Qu’il s’agisse de l’ersatz de plan économique pour la période à venir (2016-2020), de cette pugnacité à vouloir imposer une réconciliation économique sous prétexte d’assainissement du climat ou bien encore de cette vision d’ensemble plus que largement partagéeavec les institutions internationales (FMI, BM BEI) du devenir du pays…tout concoure, tout converge vers la restauration, -certes renouvelée dans ses formes-, du modèle de croissance et de(mal) développement qui a prévalu jusqu’ici.Il est vrai que les marges de manœuvre sont étroites et restreintes. Le sont-elles?

Les élites dirigeantes du moment sont persuadées que l’on ne peut modifier substantiellement certaines variables clés, telles la fiscalité générale, les cotisations sociales, l’appétence importatrice,la dérive débitrice croissante, sans risques de provoquer de nouveaux mécontentements et de troubles. Une conviction si profondément ancrée qu’elle vire au tabou. Un renouvellement du modèle donc de forme plus que de fonde qui repose ainsi sur des présupposés jugés intouchables, indépassables!

Mais au juste le dit secteur privé est-il réellement en mesure de relever les grands défis industriels, technologiques, environnementaux de la nouvelle période qui s’ouvre. Le doute est permis. L’étroitesse de la surface financière des groupes familiaux comme des PME, l’histoire économique étriquée (celle du déploiement autour de branches à faible valeur ajoutée), la tradition managériale plus proche de celle du négociant que celle l’entreprenariat schumpetérien (réinvestissement massif).

Tout cela laisse croire que le privé local est bien trop faible pour mener à bien cette tâche ! Alors le secteur privé étranger ? Assurément, mais alors se poseront les mêmes questions d’aujourd’hui avec une acuité renouvelée. La contrainte financière extérieure va juste se translater (à la capacité de remboursement de l’Etat se substituera la capacité de la BCT à assurer les flux de sortie de capitaux et de rapatriementde dividendes). Que dire des attributs de souveraineté, de maitrise des choix comme du cheminement. De vraies questions que d’aucuns balayent un peu trop vite d’un revers de main!

Une fraction de l’intelligentsia qui estime que le concept de souveraineté est désormais désuet et caduc, ferait bien de se souvenir que: Tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout!

Des signes avant-coureurs laissent augurer une possible fuite en avant s’agissant du devenir desentreprises publiques comme la poursuite de la privatisation de Tunisie Telecom. Des entreprises publiques qui jusqu’à une période récente n’avaient pas déméritées mais qui risquent fort vu l’absence de mesures correctives de péricliter. A moins que les PPP ne viennent à leur secours. Une opportunité d’engager une vraie relance et le redressement de ces activités, mais si et seulement si l’Etat monte au capital dans ses nouveaux dispositifs, à un niveau suffisant permettant une codirection avec la partie étrangère ou à minima une minorité de blocage. Tout cela est bien évidement un peu technique. Mais ne nous berçons pas d’illusions. Si de grandes firmes multinationales décident d’investir dans les activités de biens collectifs (gaz, électricité, eau) mais aussi les services publics (santé, éducation) ce n’est certes pas pour le climat ou l’hospitalité de nos concitoyens mais pour la « bottom-line » de leur business-plan, autrement dit pour l’espérance de gains attendus et la profitabilité financière.

Alors effectivement il n’est pas trop tard pour corriger et inverser la vapeur. Des plans ambitieux permettraient de redonner espoir à tous ces personnels et procurer un nouvel avenir à ces entités.

Si tout cela va sans dire, admettront les plus sages, alors cela ira encore mieux en le disant

Hédi Sraieb
Docteur d’Etat en économie du développement

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
TOUAGUINE MED BEN ALI - 02-06-2016 23:41

Le rôle du président de la république devenu que symbolique comme il reste toujours en otage à cause des textes législatifs il ne peut pas initier même s'il veut faut mieux créer des textes afin de débloquer ces obstacles .

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