Opinions - 15.04.2016

A quand un mémorandum à la grecque!

A quand un mémorandum à la grecque!

Lentement mais sûrement, le gouvernement cède aux recommandations pressantes, pour ne pas dire, aux injonctionsdu FMI. Du coup un vent de panique a soufflé ces derniers jours du côté du gouvernement s’agissant de la lenteur du processus d’examen du projet de loi portant sur les modifications des statuts de la BCT. Pas moins de 100 articles sans compter les amendements décortiqués, -pardonnez l’expression-, à un train de sénateur, cela devenait proprement inacceptable.

Il fallait donc faire accélérer les délibérations tant en commissions qu’en séance plénière. Ce qui fût fait grâce à la présence des intéressés (ministre des finances et gouverneur de la BCT) durant quelques 4 séances et 15 heures de débats et de la bonne volonté de quelques 73 députés esseulés sur 217. Un camouflet pour la démocratie naissante. Peu importe ! Un vote acquis pourrait-on dire à l’arraché qui de facto permet à nos grands argentiers de se présenter aux rencontres de printemps du FMI avec le précieux sésame. Car ne perdons pas de vue la finalité ultime, la raison majeure de cette précipitation, l’obtention d’une nouvelle facilité financière.Comme partout ailleurs et singulièrement dans les pays faisant face à une crise de leur balance des paiements, le FMI réussit à imposer invariablement une logique qui lui est propre : argent frais contre réformes!

N’en déplaise aux élites dirigeantes empressées, cette proposition de modification des statuts aurait mérité un meilleur sort. La représentation nationale n’a pu apprécier la portée et les conséquences, d’une quasi-recopie des statuts de la BCE(Banque Centrale européenne) appliqué à un contexte socioéconomique radicalement différent.L’article 25-5 qui prohibe tout financement des collectivités publiques est directement dérivé de l’article 123 des traités européens. Pourquoi ne pas s’être inspiré de ceux de la Banque d’Angleterre (The old lady) dont les objectifs annuels sont décidés avec le gouvernement en place. Pourquoi ne pas avoir regardé du côté de ceux de la FED américaine. Dans la mission de la Réserve fédérale, l’emploi et la croissance ont le même degré de priorité que la stabilité des prix. A croire que les inspirateurs de ce texte veulent apparaître plus royalistes que le roi, plus monétaristes que l'école de Chicago et sa rigueur draconienne. Que dire aussi des pouvoirs quasi léonins accordés au gouverneur comparativement à ceux de son conseil. Des statuts qui pour sûr vont être source de conflits institutionnels à venir ! Des confrontations de légitimités!

On sait, certes, la situation singulièrement difficile. Des réserves de devises réduites (3 mois d’importations) qui risquent de fondre comme neige au soleil du fait des échéances rapprochées decharges de remboursement de prêts internationauxen croissance quasi exponentielle. Le ministre des finances ne s’en cache pas, concédant, dixit « que l’on est obligé d’emprunter pour pouvoir rembourser ». Un constat de déroute qui laisse augurer des lendemains difficiles. Car ne nous y trompons pas, le FMI n’a rien du bon samaritain qui ferait preuve de compassion, mais s’apparente bien plus au gardien du temple (on imagine lequel) intraitable quant à la solvabilité. Nous aurons bien, sauf incident imprévu, les quelques 2,8 Mds $!

A vrai dire cette réforme n’est que le prélude d’une longue série dont nous ne connaissons que les plus en vue : La loi bancaire et celles du code des investissements et des PPP et de leurs décrets d’application. Un premier ensemble, tout ce qu’il y a de plus cohérent en vue d’une plus ample et plus large libéralisation économique. Tout cela en attendant le plus difficile, un autre train de réformes « plus douloureuses et plus impopulaires » se hasardent à dire les plus débonnaires, désinvoltes et protégés. Oui car à n’en pas douter il va être question de réduction des dépenses sociales. Des signes avant-coureurs laissent présager ces coupes sombres: réforme des retraites, restructuration de la CGC,  des subventions, de la couverture maladie, du code du travail. Rien de bien surprenant au demeurant.

Ce gouvernement soutenu par une coalition majoritaire ordo-libérale pense ainsi faire d’une pierre deux coups. Préserver le pays d’une crise aigüe de liquidité, et reconstruire pas à pas un environnement plus favorable à la reprise de l’investissement privé (trivialement appelé climat des affaires). A contrario, donc, de ce que certains affirment, il y a bien une stratégie d’ensemble, une politique cohérente qui certes avance à petits pas. Mais de là, à imaginer que tout cela aboutirait à un régime de croissance plus vertueux et à un modèle de développement plus inclusif et plus équitable, il y a un pas que l’on ne saurait franchir. Comme nous le répétons souvent dans ces mêmes colonnes, la politique poursuivie reste largement du pilotage à vue. Le gouvernement sait les écueils qui l’attendent: un déficit extérieur incontrôlé, un déficit public non maîtrisé auxquels se surajoute une dévaluation rampante…Cela ressemble fort à une dérive récessive, certes masquée, -pour l’instant-, par des apports d’argent frais mais pour combien de temps sachant qu’une fois épuisées toutes les possibilités (prêts bonifiés des institutions, garanties des Etats), il faudra de nouveau avoir recours aux marchés financiers mais dans des circonstances bien plus défavorables. Une fuite en avant qui ne saurait avoir qu’une fin, celle d’une inévitable cure d’austérité. Au bout donc un plan de sauvetage qui ne dirait pas son nom mais qui aurait pour conséquence l’application de mesures, cette fois-ci non concertées, non négociables comme l’exigence de dégager un excédent primaire. Il arrivera un moment, -au rythme auquel nous empruntons-, où ce n’est plus seulement la liquidité du pays qui sera entamée, mais bien sa solvabilité.
Nous n’y sommes pas encore, mais nous y allons à grands pas.

Hédi Sraieb
Docteur d’Etat en économie du développement

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